kalinka-machja CERCLE CULTUREL ET HISTORIQUE CORSE-RUSSIE-UKRAINE

BARBAROSSA. Juin 41. Anniversaire


BARBAROSSA. Juin 41. Anniversaire
 
Des soldats allemands sur un Panzer III en Pologne, la veille du déclenchement de l'opération Barbarossa. L'optimisme règne encore.

 
Barbarossa, l’Allemagne nazie victime de ses fantasmes

 De Philippe Migault
 22 juin 2021
Dans Conflits armés, Europe centrale, Europe de l'est

 
 
L’opération Barbarossa, affrontement majeur de la Seconde guerre mondiale, a suscité de multiples ouvrages. Les premiers, datant des années 1950-1960, sont fréquemment l’œuvre de mémorialistes. Les maréchaux soviétiques expliquent pourquoi ils ont gagné grâce à Staline, puis le dégel de 1953-1964 les y autorisant, malgré lui. Les généraux allemands, soucieux de prendre leurs distances avec cette défaite, assurent que si l’URSS n’a pas été vaincue c’est de la faute d’Hitler. S’il n’avait tenu qu’à eux, la Wehrmacht aurait marché droit sur Moscou au lieu de s’égarer vers l’Ukraine et les pétroles du Caucase. Le Führer, amateur croyant pouvoir en remontrer aux professionnels, était obnubilé par des objectifs n’assurant pas la destruction des forces adverses d’une part, de l’autre par une guerre idéologique et raciale qui s’est retournée contre une armée allemande n’ayant assisté qu’à contrecœur aux exactions perpétrées par les SS.

Fort heureusement, l’historiographie s’est considérablement enrichie depuis la fin de la guerre froide, l’ouverture des archives soviétiques et la disparition de la génération d’officiers allemands ayant défendu le mythe d’une Wehrmacht propre face au péril communiste. De nombreux auteurs anglo-saxons, russes, allemands et français, à commencer, bien sûr, par Jean Lopez, ont totalement renouvelé la vision de Barbarossa et exposé comment la Wehrmacht a gâché toutes ses cartes, alors même qu’elle n’avait pas droit à la moindre erreur si elle voulait saisir la chance infinitésimale qu’elle avait de l’emporter. Infinitésimale, oui. Car même sans disposer des informations dont nous disposons aujourd’hui et sur lesquels nous reviendrons, certains faits étaient, dès 1941, évidents.

Jusqu’au 22 juin 1941 la Wehrmacht a dominé tous ses adversaires, hormis les Britanniques, à l’abri derrière la Manche. Elle a triomphé dans les plaines de Pologne, de Belgique et de France, les fjords et les montagnes norvégiens, sur les routes défoncées des Balkans. Mais tous ces théâtres d’opérations sont de taille modeste : 623 000 km2pour le principal, celui de la France et du Benelux. Quant aux nations vaincues, elles sont relativement peu nombreuses : 41 millions de citoyens pour la France métropolitaine, alors que le Reich en pèse plus de 80 millions en 1939.
Mais l’Union soviétique, c’est 22 millions de km2, 194 millions d’habitants. Un réservoir d’hommes quasi inépuisable et un territoire dont l’immensité est difficile à contrôler pour l’adversaire.
Les distances sont importantes, bien sûr. Hitler souhaite reléguer les Russes au-delà de l’Oural ? Entre Bug et Sibérie, l’URSS s’étend sur plus de 4,5 millions de km2. Et même en s’en tenant à la ligne Arkhangelsk-Astrakhan visée en 1941, la profondeur stratégique joue en faveur des Russes, qui y recourent depuis des siècles. Battre en retraite, faire le vide devant l’ennemi, le laisser étirer indéfiniment ses lignes de communication tandis que l’on se rapproche sans cesse davantage de ses propres sources de ravitaillement : la stratégie est sommaire, mais elle a fait ses preuves.
Et au-delà des distances il y a les infrastructures et le climat, autres invariants.
Il est aisé d’envahir le Benelux et la France en fonçant pendant quelques dizaines de kilomètres par jour sur un réseau routier de forte densité, au revêtement bien entretenu. Il est bien plus compliqué de progresser dans un pays gigantesque ne comportant que très peu de routes couvertes. Pour contourner les plus grands marais d’Europe, des forêts impénétrables, franchir des cours d’eau d’une largeur fréquemment bien plus impressionnante que celle des fleuves d’Europe occidentale, il n’y a pour l’essentiel que de mauvaises pistes sablonneuses, se transformant en bourbiers au moindre orage, et quelques rares ponts. Le réseau ferroviaire russe est 30 fois moins dense que son homologue allemand. Ses voies n’ont pas le même écartement que le réseau ferré occidental et ne peuvent être utilisées par le parc ferroviaire allemand sans une adaptation nécessairement longue.

Enfin il y a le fameux hiver russe, précieux allié de Pierre le Grand et d’Alexandre Ier. Il n’a jamais provoqué, seul, la défaite de qui que ce soit. Mais il interdit de mener toute offensive victorieuse en Russie autrement qu’en conduisant plusieurs campagnes d’été consécutives.
Bref, qu’il s’agisse de l’avancée des unités ou de leur ravitaillement, la Russie constitue un défi matériel et logistique insoluble. Et tout cela les Allemands le savent mieux que quiconque : leurs généraux, encore jeunes officiers, s’y sont battus entre 1914 et 1918.
L’oubli de l’expérience
 
Ils le savent, mais ils décident de faire comme s’il n’en était rien. Par orgueil, arrogance, par une telle certitude d’être supérieurs aux Soviétiques qu’ils sombrent dans l’hybris et considèrent la campagne à l’Est comme une formalité.
 
Il est vrai qu’ils peuvent se sentir sûrs d’eux. Ils ont balayé la Pologne, écrasé Néerlandais et Belges, vaincu en six semaines l’armée française, considérée comme la meilleure du monde, obligé le corps britannique à rembarquer précipitamment. Ils ont conquis les Balkans en un éclair, rejetant une fois encore les Anglais à la mer. Or ils considéraient ces adversaires, Français, Britanniques et Belges du moins, comme des ennemis coriaces, dotés d’un corps d’officiers brillant, sachant mener à la bataille des hommes disciplinés et bien formés.
 
Une image flatteuse qui n’est pas du tout leur perception de l’Armée rouge. Ils considèrent le « Russe » comme un fantassin courageux, endurant. À défaut il n’aurait pas tenu tête à l’armée du Kaiser pendant quatre ans. Mais au-delà des qualités du soldat, Hitler et son entourage jugent que l’armée soviétique ne peut soutenir la comparaison avec la Wehrmacht. Pour des motifs politiques et raciaux en premier lieu, des facteurs militaro-industriels ensuite. Associant judaïsme et bolchévisme au sein d’un même ensemble honni et méprisé, le Führer et ses généraux ne considèrent pas qu’ils font face à des égaux, mais à des sous-hommes juifs et slaves. Des êtres frustres, qui ont assassiné leurs meilleurs cadres en 1938. Qui  n’ont même pas été capables d’écraser la minuscule armée finlandaise durant l’hiver 1939-1940. Tout juste une horde à balayer. D’autant que les Allemands, se jugeant supérieurs humainement, s’estiment aussi meilleurs du point de vue de la tactique et des armements. Ce en quoi ils se trompent aussi lourdement, alors même que de nombreux indices leur démontrent que l’instrument de combat soviétique est loin d’être aussi dépassé qu’ils le pensent.

Les Allemands ont eu longuement l’occasion d’observer les Soviétiques, avec lesquels ils ont coopéré en matière d’armement entre 1922 et 1941, malgré des séquences d’interruption. Ils ont manœuvré avec eux, visité leurs usines, pu examiner leurs matériels lors de leur invasion conjointe de la Pologne. Certains savent que l’URSS dispose de bons chars, plus puissants que les modèles allemands les plus lourds qui, déjà, ont eu fort à faire face aux B1-Bis français. Mais – faillite des services de renseignement, mal coordonnés – ils ne sont pas entendus ou bien, lorsqu’ils le sont, ne sont pas écoutés, le haut commandement allemand jugeant que l’industrie soviétique n’est pas  en mesure de produire des matériels modernes rapidement en grandes séries et le sera encore moins une fois les coups de boutoir de Barbarossa assénés.
Or les Russes seront en mesure de produire plus que l’industrie de défense allemande, malgré la perte de nombreuses usines dans les territoires occupés par la Wehrmacht. Et au-delà des chars, les Soviétiques pourront de plus en plus compter sur un excellent matériel : l’artillerie, l’armement du fantassin égalent, voire dépassent qualitativement, leurs équivalents allemands de 1941. Mais ces atouts, estiment les Allemands lorsqu’ils en ont connaissance, sont négligés pour une raison simple : fidèles au précepte prussien de la bataille décisive, ils sont persuadés d’en avoir fini avant l’hiver. En conséquence, l’Armée rouge, détruite dans de grandes batailles d’encerclement n’aura pas le temps de monter en gamme. Ses restes seront, si nécessaire, balayés en 1942.

Le plan de Hitler

Certes Hitler, avec l’assentiment d’autres officiers généraux et amiraux, a dans un premier temps conçu un plan plus raisonnable que ce rush vers la Volga. Le Führer, dont le Grand Amiral Raeder a encore l’oreille en 1941, a saisi l’importance de faire de la Baltique un lac allemand en s’emparant des pays baltes et de Saint-Pétersbourg. Ceci permettrait à la Kriegsmarine d’une part de neutraliser la menace sous-marine russe, d’autre part d’assurer un ravitaillement par mer plus rapide des troupes du groupe d’armées Nord. Cela autoriserait aussi l’ensemble des moyens navals allemands à se concentrer à la lutte dans l’Atlantique, en neutralisant Mourmansk et en privant ainsi les Soviétiques du ravitaillement anglais. Cette première phase accomplie et les arrières de la Wehrmacht sécurisés, Moscou, l’Ukraine et le Caucase auraient fait l’objet d’une campagne en 1942 lors de laquelle serait donné le coup de grâce. Mais Hitler, dont on ne saurait nier qu’il eût en plusieurs occasions des intuitions géniales, est aussi un homme incapable de demeurer ferme dans sa résolution. Il ne sait résister à sa nature, renoncer à sa stratégie habituelle de tout risquer sur un coup gagnant. En conséquence ce plan, qui aurait pu mettre la Wehrmacht en meilleure position au printemps 1942 – sans lui assurer en aucun cas la victoire pour autant – est abandonné au profit d’une avance sur l’ensemble d’un front allant de la Baltique à la Mer noire. Soit une ligne de 1 200 kilomètres qui ne cessera de s’allonger démesurément au cours de la progression vers l’Est et sur laquelle l’Allemagne n’engage que de modestes moyens.
L’Ostheer met en ligne 3 266 chars le 22 juin 1941, contre 2 582 le 10 mai 1940. Mais elle engage 2 800 avions seulement, 1 200 de moins que lors de son triomphe à l’ouest. Et la plupart des trois millions d’hommes qui se mettent en marche vers l’Est ne sont pas motorisés. C’est à pied qu’ils devront progresser par des chemins épuisants pour suivre les panzers évoluant quelquefois à des centaines de kilomètres vers l’avant. Et l’adversaire est infiniment plus coriace et puissant que les Français et les Britanniques. Dès les premiers jours de l’offensive, les Allemands notent que les Soviétiques se battent avec fureur, lancent contre-attaque sur contre-attaque. Celles-ci, mal conduites, se soldent par des pertes énormes chez l’adversaire. Mais elles n’en ralentissent pas moins sensiblement le rythme de l’offensive allemande tout en impressionnant fortement cadres et officiers de la Wehrmacht qui, très rapidement, prennent conscience qu’ils font face à une hydre.
Terrain hostile, adversaire déterminé et aux moyens inépuisables… À ces défis, l’Allemagne répond de surcroît sans méthode. Entre Leningrad, Kiev et Moscou, la sécurisation de la Baltique, la saisie des ressources naturelles de l’Ukraine et du Caucase, son haut commandement ne tranche pas, sans doute parce qu’il se rend compte, inconsciemment ou non, qu’il ne peut exister de Schwerpunkt contre un tel adversaire. Ses troupes enchaînent les victoires grandioses, claironnées par le communiqué de la Wehrmacht, en vain. L’Armée rouge plie, mais ne rompt pas, tandis que l’idéologie nazie prive le Reich d’un atout majeur : le courant de sympathie qui a accueilli ses troupes à leur entrée en URSS et qui aurait pu, habilement récupéré, offrir à la Wehrmacht le concours de millions de soldats et des arrières sécurisés.

Un million et demi de citoyens soviétiques collaboreront avec le Reich. Mais ils seront relégués dans des tâches ancillaires. Les populations conquises, qui espéraient être débarrassées du joug communiste, retrouver la disposition de leurs terres, leurs églises, voire, comme les Baltes et les Ukrainiens, obtenir leur indépendance, comprennent très vite qu’elles ne sont qu’une masse d’esclaves à peine humaine aux yeux des nazis. « Nous avons perdu la guerre le jour où nous n’avons pas hissé le drapeau ukrainien sur la Rada », déclara Erich Von Manstein.  Pour avoir ruiné les espoirs d’une population déjà martyre, l’Allemagne, qui ne peut se permettre de gaspiller ses moyens, sera contrainte d’immobiliser de nombreuses divisions sur ses arrières pour lutter contre les partisans et sécuriser ses lignes de communication.
Sous-estimation de l’adversaire et des difficultés du théâtre d’opérations, surestimation de ses capacités : Barbarossa, marqué du sceau de l’amateurisme, n’avait aucune chance d’atteindre ses objectifs. Elle dénote, dès l’été 1941, la déconnexion d’Hitler avec la réalité de la guerre. Aveuglé par ses fantasmes il précipite dans la catastrophe une Allemagne alors au sommet de sa puissance.

_____________

 
Philippe Migault
Directeur du centre européen d'analyses stratégiques, Philippe Migault est auditeur de l'Institut des hautes études de la défense nationale (IHDN) et du centre des hautes études de l'armement (CHEAr). Analyste, enseignant, il est spécialiste des questions stratégiques.




_________________________________________________________________
 

 



https://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=19410622&ID_dossier=85

 

22 juin 1941

La Wehrmacht envahit l'URSS



Le 22 juin 1941, à 4 heures du matin, Staline  est réveillé par un coup de fil du général Joukov  dans sa datcha des environs de Moscou : « C'est la guerre ! »

Les troupes allemandes viennent de pénétrer en Union soviétique. Cette guerre non déclarée survient un an jour pour jour après l'armistice franco-allemand.

André Larané


Europe nazie

Le 23 août 1939, Hitler a conclu un pacte de non-agression avec Staline pour avoir les mains libres face aux démocraties occidentales. Ayant attaqué et défait celles-ci au terme d'une guerre-éclair sans avoir pu traverser la Manche, Hitler n'a plus trouvé que l'Angleterre de Churchill pour lui résister. C'était paradoxalement le seul pays étranger qu'il avait en admiration et avec lequel il aurait souhaité une alliance de raison.

Désespérant de vaincre l'Angleterre, le Führer décide malgré tout d'attaquer l'URSS, avec le risque d'ouvrir un double front. Il suit de la sorte un objectif qu'il s'est fixé dès le début de sa carrière politique : offrir au peuple allemand l'« espace vital » (Lebensraum) indispensable à son développement. Sur une suggestion de son ministre des Affaires étrangères, Joachim von Ribbentrop, le déclenchement de l'invasion est secrètement fixé au 15 mai 1941.

Mais entretemps, le 27 mars 1941, à Belgrade, en Yougoslavie, le gouvernement yougoslave a été renversé par des officiers de l'armée de l'air deux jours après avoir signé un pacte avec l'Allemagne et l'Italie. Hitler craint avec raison que le nouveau gouvernement yougoslave ne prenne le parti des Anglais.

Là-dessus, Mussolini appelle le Führer à l'aide. Le dictateur italien avait conquis l'Albanie  avant le déclenchement du conflit mondial et, profitant du conflit européen, avait tenté d'étendre ses conquêtes dans les Balkans en envahissant la Grèce. Mais ses armées ont été refoulées du fait d'une résistance inattendue des Grecs. Hitler, qui conserve de l'admiration pour le Duce, ne peut faire moins que de lui répondre favorablement.

C'est ainsi que le 6 avril 1941, la Wehrmarcht envahit la Yougoslavie. Elle entre à Belgrade le 12 avril et à Athènes le 27 avril. Du fait de ce contretemps, l'invasion de l'URSS est repoussée de cinq semaines ! Ce retard sera lourd de conséquences car il empêchera la Wehrmacht d'atteindre Moscou avant l'hiver.

Opération « Barbarossa »

Malgré la discrétion dont les Allemands entourent leur projet d'invasion de l'URSS, Staline en est très tôt et très complètement informé grâce à ses services secrets et notamment à l'action de son agent en poste à Tokyo, Richard Sorge, qui se fait passer pour nazi et travaille auprès de l'ambassadeur allemand au Japon, Eugen Ott.

Sorge envoie à Staline le 30 mai 1941 une lettre précisant que l'invasion allemande aurait lieu dans la deuxième quinzaine de juin 1941. Dans le même temps, le 10 mai 1941, par un fait stupéfiant, Rudolf Hess, dauphin de Hitler, a gagné l'Écosse à bord d'un chasseur Messerschmitt et sauté en parachute. Capturé, il a prétendu amener une offre de paix et révélé l'imminence d'une attaque de l'URSS. Churchill a transmis l'information à Staline.

Mais le dictateur reste convaincu de la solidité du pacte de non-agression conclu avec les nazis. Non sans raison, il juge absurde que Hitler prenne le risque d'ouvrir un deuxième front et de renoncer aux approvisionnements soviétiques en matières premières, pétrole et produits agricoles, lesquels ont déjà contribué à sa victoire éclair sur la France.

Hitler baptise l'opération secrète : « Barbarossa », du nom de l'ancien empereur germanique Frédéric Ier Barberousse.

Sitôt informé de l'invasion, Staline, incrédule, sombre dans une dépression profonde sans se montrer ni voir personne pendant plusieurs jours. Pour lui comme pour beaucoup de contemporains, la victoire des Allemands paraît une nouvelle fois inéluctable...

Le 3 juillet 1941 enfin, après que des militaires l'aient adjuré de se ressaisir, il prononce un vibrant discours radiodiffusé et sans rien cacher du désastre, en appelle au sursaut patriotique. Il se garde bien d'évoquer dans son discours le parti communiste, honni de beaucoup de ses concitoyens.

L'URSS reçoit l'appui sans condition du plus vieil ennemi du bolchévisme, le Premier ministre britannique Winston Churchill. À la différence de ses conseillers, celui-ci comprend que la défaite de l'Allemagne doit primer sur toute autre considération. Il signe le 16 juillet 1941 une alliance en bonne et due forme avec son vieil ennemi.

Soviétiques aux abois

Soutenue au nord par les Finlandais  et au sud par les Roumains, la Wehrmacht remporte d'abord des succès spectaculaires face à une Armée rouge de 4 millions de soldats et 170 divisions, mais démoralisée et décapitée par la disparition de la moitié des officiers généraux dans les purges staliniennes.

Dès le premier jour de l'invasion, les chars allemands, les Panzers, progressent de 60 kilomètres à l'intérieur du pays. Dans le même temps, l'aviation allemande, la Luftwaffe, détruit 1811 appareils soviétiques, dont 1489 au sol ! Staline, qui ne voulait donner aucun motif de méfiance à Hitler, avait interdit que l'on camoufle ou protège ces avions d'une quelconque façon.

Forts de 3 millions d'hommes, 3 600 chars et 4 200 avions, les envahisseurs capturent en quelques semaines... 600 000 soldats soviétiques ainsi que des milliers de chars.

Le 10 juillet, ils entrent dans Vitebsk, grande ville de Biélorussie que l'Armée rouge a évacuée après l'avoir incendiée.

En août, ils encerclent Kiev, capitale de l'Ukraine, et le 19 septembre entrent dans la ville. Ils font au passage 650 000 prisonniers supplémentaires et s'emparent de 900 chars et 3 000 pièces d'artillerie. Au nord, ils entament le 8 septembre le siège de Léningrad (aujourd'hui Saint-Pétersbourg). Celui-ci durera 900 jours.

Petit groupe de partisans soviétiques en 1941Sur le terrain, la guerre se fait impitoyable. Les paysans biélorusses, ukrainiens et russes dédaignent de soutenir le gouvernement soviétique, que généralement, ils exècrent. Contre les partisans qui tentent de mettre en oeuvre la « stratégie de la terre brûlée », ils prennent le parti de l'envahisseur. Pas moins d'un million de « volontaires orientaux » sont ainsi recrutés par les Allemands pour traquer environ 250 000 partisans.

Mais Hitler et les nazis, imbus de leur sentiment de supériorité raciale, n'exploitent pas cet atout. Ils dédaignent le soutien des populations slaves et des minorités ethniques exacerbées par la terreur communiste et laissent mourir les foules de prisonniers qui tombent entre leurs mains. 

Considérés par Staline comme des traîtres, ces derniers seront au total 5,7 millions de juin 1941 à février 1945 ; 3,3 millions mouront dans les camps de maladie, de faim et de mauvais traitements ! Les nazis multiplient aussi les exécutions sommaires de civils et surtout entament l'extermination des Juifs.


Retournement de situation

En juillet 1941, Hitler croit avoir eu une nouvelle fois raison contre ses généraux qui doutaient du succès de l'invasion. Mais très vite il doit déchanter.

Le régime soviétique résiste contre toute attente au choc des premières semaines de l'invasion. Très vite, la hiérarchie communiste se ressaisit et, d'une poigne de fer, mobilise toutes les forces du pays sans égard pour la vie humaine. Le potentiel industriel est préservé grâce au déménagement des grandes usines d'armement dans la région de l'Oural, à l'est de Moscou. Le gouvernement soviétique lui-même abandonne Moscou le 16 octobre 1941 et se réfugie plus à l'est.

Répression allemande contre les partisans russes en 1941Dans les régions envahies par la Wehrmacht, les minorités et les paysans changent d'attitude devant la haine des Allemands à leur égard. La guerre des partisans se fait plus brutale.

Or, la Wehrmacht souffre très vite d'un équipement logistique insuffisant. Elle manque dramatiquement de camions et de trains. Qui plus est, elle se disperse dans trois objectifs, Hitler et ses généraux n'ayant pu s'entendre sur un objectif prioritaire.

C'est ainsi qu'un groupe d'armées se dirige au nord vers Léningrad, un autre vers Moscou, un troisième au sud vers les plaines céréalières de l'Ukraine et les gisements pétroliers du Caucase. Aucun de ces objectifs n'est en définitive atteint.

Le 5 décembre 1941, épuisée par l'arrivée précoce de l'hiver et le harcèlement des résistants soviétiques, l'armée allemande interrompt son avance à 30 kilomètres de Moscou.

Le sacrifice de Masha et Volodya

Masha Maria Bruskina et Volodya Shcherbatsevitch (26 octobre 1941)Née à Minsk en 1924, Masha (Maria) Bruskina est cantonnée dans le ghetto juif de la ville à l'arrivée des Allemands en juillet 1941. Infirmière volontaire dans un hôpital sous administration allemande où sont soignés des prisonniers de guerre soviétiques, elle aide ceux-ci à s'évader avec faux papiers et vêtements civils. Dénoncée par un patient, elle est arrêtée le 14 octobre 1941, torturée et pendue le 26 octobre 1941 avec deux autres résistants, Kiril Trus et Volodia Shcherbatsevich (16 ans), que l'on voit ici à côté d'elle.

Cette image tragique a fait le tour du monde mais il faudra attendre 1996 pour que des historiens révèlent l'identité des victimes et leur judéité, car il était pour Staline inconcevable qu'une juive symbolise l'héroïque résistance soviétique (note).

Contre-offensive

Alors débute sur tous les fronts la contre-offensive soviétique. De gré ou de force, tous les Soviétiques font bloc autour de leur Vojd (Guide en russe) Staline. Il n'est plus question de marxisme-léninisme mais de « Grande Guerre patriotique » contre l'oppresseur héréditaire.

L'arrière et les usines d'armement sont tout autant mobilisés que les unités combattantes. Plus important encore, celles-ci bénéficient des armements qui arrivent par convois maritimes des États-Unis et sont débarqués dans les ports de l'Arctique, Arkangelsk et Mourmansk.

Pour la première fois depuis le début de la guerre, la Wehrmacht cède du terrain devant l'ennemi. Dans le même temps, les États-Unis entrent officiellement dans le conflit suite à l'attaque japonaise sur Pearl Harbor. C'est le tournant de la Seconde Guerre mondiale.


 
_________________________________________________________________



https://fr.rbth.com/histoire/86700-debut-seconde-guerre-mondiale-urss

 
Comment la Seconde Guerre mondiale a-t-elle commencé pour l'URSS?


Russia Beyond
HISTOIRE
22 JUIN 2021
BORIS EGOROV


 
Le 22 juin 1941, la plupart des habitants de l'Union soviétique étaient convaincus que l'Armée rouge vaincrait les nazis en quelques mois. Cependant, la déception s’est très vite manifestée.

 

« L'offensive de nos troupes est apparue comme une surprise tactique complète pour l'ennemi sur l'ensemble du front. Les ponts frontaliers sur le Boug et les autres rivières ont été pris par nos troupes sans combat et en toute sécurité. La surprise totale de notre offensive pour l'ennemi est attestée par le fait que les unités ont été prises au dépourvu dans les casernes, que les avions se trouvaient sur les terrains d'aviation, couverts de bâches, et que les unités avancées, soudainement attaquées par nos troupes, demandaient au commandement ce qu'il fallait faire... », c'est ainsi que le chef d'état-major général de l'armée allemande Franz Halder a décrit dans son journal l’invasion par la Wehrmacht de l’Union soviétique au petit matin du 22 juin 1941.

Offensive allemande

Malgré la résistance acharnée des gardes-frontières soviétiques et les contre-attaques de l'Armée rouge, les troupes allemandes, soutenues par leurs alliés roumains, se sont enfoncées profondément dans le territoire soviétique. La forteresse de Brest  (Biélorussie), située sur la frontière, a reçu le premier coup de l'ennemi. « Tôt le matin, les enfants et moi avons été réveillés par un terrible fracas, a témoigné Anastasia Nikitina-Archinova. Les obus et les bombes éclataient et les éclats crissaient. J'ai attrapé mes enfants et j'ai couru dans la rue, pieds nus. Nous avons à peine eu le temps de prendre quelques vêtements avec nous. L'horreur régnait à l'extérieur. Des avions tournaient au-dessus du fort et lâchaient des bombes sur nous. Les femmes et les enfants se précipitaient, paniqués, tentant de s'échapper. L’épouse d'un lieutenant et son fils gisaient devant moi – tous deux avaient été tués par une bombe ».

Piotr Kotelnikov, 12 ans, qui a accueilli la guerre dans la forteresse de Brest, était un élève de la section de musique du 44e régiment de fusiliers : « Le matin, nous avons été réveillés par un coup violent. Le toit avait été percé. J'étais assourdi. J'ai vu des blessés et des morts et j'ai compris : ce n'était pas un exercice mais déjà la guerre. La plupart des soldats de notre caserne ont été tués dans les premières secondes. Suivant les adultes, je me suis élancé vers les armes, mais on ne m'a pas donné de fusil. Alors je me suis précipité avec un des hommes de l'Armée rouge  pour éteindre l’entrepôt. Ensuite, avec les soldats, je suis allé dans les sous-sols de la caserne du 333e régiment voisin de fusiliers... Nous avons aidé les blessés, leur avons porté des munitions, de la nourriture, de l'eau. Par l'aile ouest, nous nous rendions à la rivière la nuit pour nous approvisionner en eau, puis nous revenions ».

La Luftwaffe a lancé une attaque massive sur des dizaines d'aérodromes soviétiques, où étaient basées les principales forces aériennes des districts militaires occidentaux. Le premier jour, l'ennemi a réussi à détruire jusqu'à 1 200 avions, dont 900 n'ont même pas eu le temps de décoller. « Mon cœur s’est glacé. Quatre bombardiers bimoteurs avec des croix noires sur les ailes étaient devant moi, a décrit Iossif Gueïbo, commandant adjoint du 46e régiment d'aviation de chasse. Je me suis même mordu la lèvre. Mais ce sont des "Junkers" ! Des bombardiers allemands Ju 88 ! Que faire ? Une autre pensée m'est venue à l'esprit : "Nous sommes aujourd'hui dimanche, et les Allemands ne font jamais de vols d'entraînement les dimanches. Alors c'est la guerre ? Oui, la guerre !" ».

Avions soviétiques et allemands détruits au sol

Lire aussi : Qui a combattu avec Hitler contre l'URSS pendant la Seconde Guerre mondiale et pourquoi?

« Comment la guerre a commencé, je ne l'oublierai jamais. Je n'ai jamais connu une telle peur et une telle panique que le premier jour, ou plutôt les premières heures de la guerre, a déclaré le conducteur de char Ivan Khokhlov qui servait à Kaunas (Lituanie) à l'époque. Les avions allemands  ont commencé à nous bombarder vers 4 heures du matin, ou à peine après 5 heures. Nous dormions, seules les sentinelles étaient de service. Tout le monde sautait dans ses vêtements, s’agitait, criait, on ne voyait rien. Des avions bombardaient, tout autour de la cendre, quelque chose brûlait. Le plus intéressant, c'est que chez nous, les voitures étaient presque toutes sans roues, sur patins. Les gars se sont précipités pour obtenir des roues.... quelles roues... Il n'y avait que trois voitures de prêtes. Ceux d'entre nous qui ont survécu, ainsi que le commandant, se sont entassés à l'arrière d’un camion et sont partis vers l'est ».

Tous les Allemands ne croyaient cependant pas au succès de la campagne militaire contre l'URSS. Juste avant le début de l'opération Barbarossa, le lieutenant Erich Mende de la 8e division d'infanterie de Silésie a eu une conversation avec son commandant. « Mon commandant avait deux fois mon âge, a-t-il relaté, et il avait déjà dû combattre les Russes à Narva en 1917, alors qu'il avait le grade de lieutenant. "Ici, dans cette vaste étendue, nous trouverons notre mort comme Napoléon..." – il ne cachait pas son pessimisme. – "Mende, souvenez-vous de cette heure, elle marque la fin de l'ancienne Allemagne" ».

Soldat de l'infanterie allemande devant un conducteur de char soviétique tué et son char BT7 en flammes

Ils se sont immédiatement convaincus que la guerre contre l'Union soviétique ne serait pas une promenade de santé pour les Allemands. Dans le rapport du chef d'état-major de la 4e armée, le général Günther Blumentritt, au tout début de la campagne, l’on peut lire : « Le comportement des Russes, même lors de la première bataille, était nettement différent de celui des Polonais et des alliés, vaincus sur le front occidental. Même encerclés, les Russes se défendaient fermement ».

Le 22 juin à midi, le commissaire du peuple aux Affaires étrangères, Viatcheslav Molotov, a pris la parole à la radio et annoncé l'invasion de l'Allemagne en Union soviétique ainsi que le début de la guerre intérieure contre l'agresseur. De nombreuses personnes se sont alors demandées pourquoi ce discours n'avait pas été prononcé par le chef de l'État. Le maréchal Gueorgui Joukov, dans ses Souvenirs et réflexions, commenta plus tard ces événements : « Staline était un homme de forte volonté et, comme on dit, "pas du genre lâche". Confus, je ne l'ai vu qu'une fois. C’était à l'aube du 22 juin 1941, quand l'Allemagne nazie a attaqué notre pays. Le premier jour, il n'a pas vraiment pu prendre le contrôle et diriger fermement les événements. Le choc produit sur Staline  par l'attaque ennemie était si fort que le son de sa voix a même baissé, et ses ordres pour l'organisation de la lutte armée ne correspondaient pas toujours à la situation établie ».

Annonce du début de la guerre à Moscou

Pour de nombreux citoyens soviétiques (en particulier pour ceux qui se trouvaient à l'arrière), le déclenchement de la guerre n'a néamoins pas provoqué d'inquiétude sérieuse. « Notre maison était un peu éloignée du village, donc je n'ai appris le début de la guerre que vers le soir, a confié Vitali Tcherniaïev, un habitant de la région de Kalinine (aujourd'hui Tver), qui avait alors onze ans. Et vous savez quoi ? Au début, cela ne me dérangeait pas du tout. Le deuxième jour, j'étais même content ! Nous avons tous été élevés avec des chansons et des films patriotiques. "Hitler n’est qu’un… Les Allemands ne pourront pas boire l'eau de la Volga ! Nous les battrons tous !", voilà quelles ont été mes premières pensées ».

Anatoli Vokroch vivait à l'époque près de Moscou : « Nous courions en criant : "La guerre a commencé ! Hourra ! On va gagner !". Nous n'avions absolument aucune idée de ce que tout cela signifiait. Les adultes discutaient des nouvelles, mais je ne me souviens pas qu'il y ait eu panique ou peur dans le village. Les villageois vaquaient à leurs occupations habituelles, et ce jour-là, et les suivants, les propriétaires de datcha quittaient les villes ». Personne n'aurait en réalité pu imaginer alors que la guerre contre l'Allemagne nazie et ses alliés durerait 1 418 jours et coûterait la vie à plus de 27 millions de citoyens soviétiques.

Colonne de soldats se rendant au front