kalinka-machja CERCLE CULTUREL ET HISTORIQUE CORSE-RUSSIE-UKRAINE

Katia Maïboroda: " Une démarche habitée".


 Katia Maïboroda: " Une démarche habitée".
"Une démarche habitée"

Article paru dans CORSICA - le mensuel d'information de la Corse - numéro 116 - mai 2009.

Une démarche « habitée »

Habiter, c'est vivre en harmonie avec un environnement, naturel comme architectural. C'est la philosophie que contribue à diffuser Katia Maïboroda, architecte, directrice du Conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE) de Corse-du-Sud, présidé par Pierre-Paul Luciani, maire d'Albitreccia et conseiller général de Santa Maria Siche.

Habiter n'est pas un verbe passif. Ce n'est pas être « posé » au beau milieu d'un quelque part qui pourrait être n'importe où. C'est bel et bien une action qui se répercute sur l'environnement, sur la physionomie d'une ville ou d'un village. C'est aussi être en mesure d'éprouver un sentiment de bien-être, de sécurité, d'harmonie. Autant de choses qui ont toujours passionné Katia Maïboroda et l'ont conduite à exercer, depuis 2001, des missions de conseil, d'information, de formation et de sensibilisation au sein du Conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement de Corse-du-Sud. « Une mission gratuite, précise-t-elle, qui ne consiste absolument pas à effectuer de la maîtrise d'oeuvre, mais, en quelque sorte, à faire de l'architecture avec les autres, à travailler en amont de divers projets. » Et où il importe de savoir autant conseiller qu'écouter. Formée à l'école nationale supérieure d'architecture de Marseille-Luminy, Katia Maïboroda n'y a pas seulement acquis des techniques, l'art de concevoir un bâtiment, une maison individuelle, mais aussi une philosophie, une sorte de règle d'or. « L'espace, c'est quelque chose qui se vit. L'architecte n'a pas seulement la capacité de voir les choses en trois dimensions, de visualiser les pleins comme les vides. Il est aussi, et même d'abord, celui qui sait entendre les gens : leurs envies, la façon dont ils ont envie de vivre, comment ils se projettent dans une maison, le budget dont ils disposent. » C'est à partir de cette écoute qu'il est en mesure de conseiller, de concilier les désirs et les réalités, qu'elles soient budgétaires ou qu'elles tiennent à des contraintes d'urbanisme, d'intégration au site. Son diplôme en poche, Katia Maïboroda ne se hâte pas de poser sa plaque, de s'installer à son compte. Elle intègre l'office des HLM d'Ajaccio en qualité d'ingénieur chargé des services techniques. « Lorsqu'on est architecte, on est maître d'oeuvre, or dans ce cas, il s'agissait de travailler sur de la maîtrise d'ouvrage. Cela m'a permis de mieux comprendre ce qui se passe de l'autre côté, d'intégrer un autre point de vue. Et ainsi de compléter ma formation. Une belle expérience qui a duré 3 ans. » Puis, en novembre 2000, le Conseil général de la Corse-du-Sud réactive son CAUE. Dont elle intègre la direction. La mission du CAUE tient en peu de mots - promouvoir la qualité du cadre de vie, dans les domaines de l'architecture, de l'urbanisme et de l'environnement - aussi bien auprès des collectivités locales que des particuliers ou des enfants des écoles, les objectifs nationaux étant « redéfinis localement en fonction des particularités du territoire ». D'où une grande diversité des actions menées dans ce sens, souvent en « collaboration étroite avec le CAUE de Haute-Corse », et une implication dans le rural : « Si les villes principales sont dotées de services d'urbanismes, les petites communes n'en disposent pas, nous sommes donc là pour assister des collectivités locales, ou des administrations dans leurs projets de construction ou d'urbanisme, pour l'aide à la décision comme pour la programmation ». Il peut s'agir aussi d'interventions sur la restauration du petit patrimoine bâti, dans le cadre d'une convention avec l'Office de l'environnement. Ou encore d'organisation de journées de sensibilisation et d'édition d'ouvrages, de fiches pratiques, financées grâce au soutien du Conseil général.
Le CAUE reçoit également beaucoup de particuliers pour les guider dans tout projet relatif à leur habitat. « Il faut savoir qu'à l'heure actuelle, 80 % des maisons individuelles sont réalisées sans architecte, parfois à partir d'un plan trouvé sur une revue et qui ne sera pas nécessairement adapté au terrain ni à ce qui l'entoure. » Ceux qui désirent construire peuvent, avant de se lancer bille en tête, s'adresser au CAUE. « Nous ne sommes pas là pour concevoir leur maison. En revanche, nous les aidons, y compris en les accompagnant sur le terrain, à mieux cerner leurs possibilités : tant au niveau de l'intégration au site et à l'urbanisme local que des contraintes climatiques ou de leur façon de vivre. Les gens pensent souvent qu'on peut faire l'économie d'un architecte, et l'argument fréquemment entendu est que avant on construisait sans architecte. Oui. Mais, avant, on construisait avec une profonde connaissance empirique du lieu, du climat, en utilisant des matériaux locaux, tout était adapté. D'où l'importance, aujourd'hui, de l'architecte, qu'il est opportun de choisir un peu comme on choisirait son médecin de famille. Car il est bien entendu que nous n'avons pas à orienter ceux que nous recevons vers un architecte en particulier. C'est d'ailleurs déontologiquement impensable. En revanche, nous aidons à bien formuler et énoncer leur programme, à cerner les demandes. »
Autre aspect auquel Katia Maïboroda tient beaucoup, les interventions auprès des scolaires, tant en milieu urbain qu'en milieu rural : étudier le patrimoine d'Ajaccio ou concevoir une cabane à Alata. « L'architecture, c'est aussi notre histoire, celle de nos manières de vivre à une autre époque. Tout en abordant autrement des matières comme les maths, la géo, les sciences naturelles, le dessin ou l'histoire, on travaille sur les notions d'harmonie, d'échelle. On essaie d'apprendre aux élèves à regarder pour mieux comprendre, parce que c'est en comprenant les choses qui nous entourent qu'on arrive à les respecter, à les préserver. » Étant entendu que la préservation ne signifie pas le conservatisme. « La modernité ne peut naître que de la tradition. Promouvoir la qualité de l'architecture ou de l'environnement, ce n'est pas seulement s'en tenir aux leçons du passé. C'est savoir se servir de ces leçons pour innover. »

Élisabeth Milleliri