kalinka-machja CERCLE CULTUREL ET HISTORIQUE CORSE-RUSSIE-UKRAINE

Nouveau numéro de la revue SLAVICA OCCITANIA


Nouveau numéro de la revue  SLAVICA OCCITANIA
PROPOS LIMINAIRE Jean Maiboroda :



Notre compatriote Dany SAVELLI, enseignante à l'Université de Toulouse II - Le Mirail participe activement à la rédaction de la revue SLAVICA OCCITANIA.
Elle est l'auteur(e) de nombreux ouvrages, articles et  "communications" ayant trait au monde slave. Citons notamment :

 

Direction d’ouvrages

  • Savelli Dany (éd.), La Guerre russo-japonaise. Faits et imaginairesCarnets de l'exotisme (Paris-Poitiers-Pondichéry), nouvelle série n° 5, Kailash, 2005, 590 p.
  • Savelli Dany (éd.), Présence du bouddhisme en RussieSlavica Occitania (Toulouse), 21, 2005, 470 p.
  • Savelli Dany (éd.) La Religion de l'Autre. Réactions et interactions entre religions en RussieSlavica Occitania, 29, 2009, 482 p.
  • Savelli Dany (éd.), Le Japon en Russie : imaginaire, savoir, conflits et voyages, Slavica Occitania, 33, 2011, 483 p.
  • Andreev Alexandre & Savelli Dany (éd.), Rerikhi: mify i fakty [Les Roerich entre faits et mythes], Saint-Pétersbourg, Nestor-Istorija, 2011, 309 p.
Articles
  • Savelli Dany, « Kiakhta ou l'épaisseur de la frontière », Études mongoles et sibériennes, centrasiatiques et tibétaines, 38-39, 2007-2008, p. 271-337.
  • Savelli Dany, « Découverte et redécouverte du bouddhisme dans le monde russe (Autour de quelques revues russophones parues depuis les années 1990) », Slavica Occitania, 29, 2009, p. 427-444.
  • Savelli Dany, « L’expédition Roerich (1925-1928) en quête de Shambhala d’après les coupures de presse du Nicholas Roerich Museum » in D. Aigle, I. Charleux, V. Goossaert & R. Hamayon (éd.), Festschrift in Honour of Françoise Aubin, Institut Monumenta Serica, Sankt Augustin, 2010, p. 781-811. (version longue : « Shambhala de-ci, de-là : syncrétisme ou appropriation de la religion de l’Autre ? », Slavica Occitania, 29, 2009, p. 311-351).
  • Kitamura Yukiko & Savelli Dany, « L’exotisme justifié ou la venue du kabuki en Union soviétique en 1928 », Slavica Occitania, 33, 2011, p. 215-252.
  • Savelli Dany, « Sous les yeux d’Occident : L’Expédition Roerich en Asie centrale vue par les Britanniques (d’après les archives britanniques et indiennes) » Études mongoles et sibériennes, centrasiatiques et tibétaines (à paraître)
  • Savelli Dany, « Konstantin Léontiev : vers une réévaluation de l’Asie dans la pensée russe », Slovo (Paris) (à paraître)
  • Kitamura Yukiko & Savelli Dany, « La tournée de la troupe d’Ichikawa Sadanji II en URSS en 1928: impressions des participants japonais », Kōhyō (Tokyo) (à paraître).
__________________________________________ La revue Slavica Occitania a le plaisir de vous annoncer la parution de son 37e numéro.
Figures d’exil entre Russie, Occident et Orient
Irina Kantarbaeva-Bill & Danièle Beaune-Gray (éd.)
319  p., ill., 25 €
L'introduction, l'index et les résumés des articles en français, en anglais et en russe sont en ligne.
Achat en ligne par PayPal sur
http://w3.slavica-occitania.univ-tlse2.fr


INTRODUCTION
Irina KANTARBAEVA-BILL Exil en Russie et hors de Russie : de la singularité des expériences
 
I. EXIL ET DÉCHIREMENT
Hélène MENEGALDO « L’Autre patrie » : la France et la « jeune génération » des écrivains exilés
Catherine GÉRY L’Exil en Amérique : les souvenirs-valise de Sergueï Dovlatov (1941-1990)
 
II. EXIL, ERRANCE, FASCINATION ET DÉSILLUSION
Michel NIQUEUX Émigration, conversion, désillusion : l’itinéraire de Vladimir Petcherine (1807-1885)
Marie-Christine AUTANT-MATHIEU Les tournées du Théâtre d’Art de Moscou en Amérique du Nord (1923-1927) : Messianisme et pragmatisme
Jean-Paul DEPRETTO Fred Beal, un Américain en URSS dans les années 1930
Charlotte KRAUSS « Aujourd’hui Nicolas, – Napoléon demain ! » Paul de Julvécourt (1807-1845) à la recherche du bon tsar paternel
Sophie OLLIVIER Dostoïevski en France et en Angleterre (15 juin – 15 juillet 1862)
Peter I. BARTA La Vengeance du nègre de Samuel Kissine : marginalité, négritude et fragmentation
 
III. L’EXIL INTÉRIEUR OU LA FUITE
Tatiana SOKOLNIKOVA Entre fuite extérieure et intérieure : les personnages de Mikhaïl Boulgakov, reflets du choix difficile de l’écrivain
Laurence GUY Le rêve de « la Russie absente et présente » dans l’oeuvre de Vladimir Nabokov : continuité ou rupture ?
Anna LUSHENKOVA L’errance dans La Vie d’Arséniev d’Ivan Bounine et Autres Rivages de Vladimir Nabokov
Danièle BEAUNE-GRAY Dmitri Kontchalovski et l’Occident
 
IV. EXIL ET ESPIONNAGE
Cécile VAISSIÉ Moscou – Cannes – Hollywood : les allers-retours d’Andreï Kontchalovski
Dany SAVELLI « Un homme d’origine russe, à la nationalité douteuse et avec un passeport français » : Nicolas Roerich entre jeux et enjeux de l’apatridie
 
V. EXIL, VOYAGE ET TRANSFERT CULTUREL
Stéphanie CIRAC Alfred Bem (1886-1945) ou la géographie intime d’un exil
Maxime MAKAROV La colonie russe au Lavandou dans les années 1920 Photographies inédite

 

Exil en Russie et hors de Russie : de la singularité des expériences. INTRODUCTION.
 
IRINA KANTARBAEVA-BILL
 
 
 
            Ce recueil entend aborder, à travers la singularité des expériences, l’exil aussi bien hors de Russie que vers la Russie, aussi bien avant qu’après cette césure dramatique que représente la révolution d’Octobre. De fait, les quinze contributions réunies ici1 évoquent des errances, des déchirements, des bouleversements identitaires, mais aussi parfois des acclimatations et même des louvoiements inattendus.
            Rapports officiels, articles de presse, correspondances, journaux intimes, œuvres de fiction, autant de sources considérées dans ce volume pour cerner les rapports dialectiques entre identité et altérité, rencontre et rejet, assimilation et répulsion. Que l’exil corresponde à un départ volontaire ou à une expulsion brutale hors de la terre natale, il est souvent une épreuve existentielle menaçant l’identité originelle, plus rarement, une expérience à même de renforcer cette identité au cœur de l’entre-deux offert par la terre d’origine et la terre d’accueil. La réalité de l’exilé ne saurait se lire uniquement que dans des espaces et des temporalités désaccordées, certes, mais comment s’opère donc cette négociation entre l’ailleurs et l’ici, l’avant et le présent ?
 
            HÉLÈNE MENEGALDO, dont l’article ouvre la première partie, intitulée Exil et déchirement, de ce recueil, examine comment l’écriture, et elle seule, a offert à la « génération perdue » des jeunes écrivains russes installés dans la France des années 1920 un lieu de liberté où mémoire et imaginaire ont fondé un terroir hospitalier.
En se penchant sur une œuvre du romancier Sergueï Dovlatov (1941-1990) qui émigra à New York en 1979, CATHERINE GÉRY insiste sur la signification symbolique du bagage emporté dans l’exil. Pour l’écrivain, il s’agit avant tout de s’immiscer par l’écriture dans un univers toujours hors d’atteinte pour conjurer solitude et nostalgie, pour retrouver une unité intérieure en dépit de l’expérience de la déchirure.
 
            Exil, errance, fascination et désillusion, seconde partie de ce recueil, traite de la question de la fascination ou de la répulsion exercée par le pays dit d’accueil. Vladimir Petcherine (1807-1885), dont MICHEL NIQUEUX retrace l’errance entre Russie et Occident et le passage d’une religion à une autre, se sentait exilé dans son propre pays mais conserva ce sentiment dans ses nouvelles patries.
            Les tournées du Théâtre d’Art de Moscou en Amérique du Nord évoquées par MARIE-CHRISTINE AUTANT-MATHIEU se situent au moment où la rupture entre ici et là-bas est aussi de nature idéologique. L’exil, qui peut cacher une tentation du cosmopolitisme, s’éprouve alors comme une mécanique binaire d’exclusion systématique. Le choix du lieu où vivre devient redoutable.
            L’expérience de l’exil, on ne saurait l’oublier, permet aussi un regard acéré sur l’ailleurs. Le romancier Paul de Julvécourt (1807-1845), qui fuit la France révolutionnaire en 1830 et qu’évoque CHARLOTTE KRAUSS, tout comme le syndicaliste américain Fred Beal (1896-1954), qui se réfugie en URSS en 1930 et dont JEAN-PAUL DEPRETTO analyse les déceptions, apportent chacun à un siècle d’écart une vision personnelle sur la réalité russe qui constitue pour nous aujourd’hui un témoignage de choix.
            Les notes de voyage de Fiodor Dostoïevski offrent un autre exemple d’une critique à double tranchant sur les réalités occidentales. SOPHIE OLLIVIER analyse les impressions que la France et l’Angleterre de 1862 produisirent sur le grand écrivain depuis peu de retour de la « maison des morts ». Elles sont à l’origine de sa dénonciation du capitalisme comme du nihilisme.
 
            Mais l’exilé en tant qu’Autre peut aussi représenter un face à face brutal avec la société d’accueil. Dans une pièce inachevée de 1908, Samuel Kissine (1885-1916), écrivain du modernisme littéraire russe évoqué par PETER BARTA, dépeint l’intolérance rampante dans la société russe du début du XXe siècle. Il imagine un homme noir faisant face à la bourgeoisie pétersbourgeoise et tentant de tirer vengeance de son état d’être colonisé et déshumanisé.
           
            Comment l’exil peut-il transformer un écrivain ? Telle est la question à laquelle invitent à réfléchir les articles réunis dans la troisième partie L’Exil intérieur ou la fuite. ANNA LUSHENKOVA se penche sur deux écrivains majeurs de l’émigration russe, Ivan Bounine (1870-1953) et Vladimir Nabokov (1899-1977), tandis que LAURENCE GUY consacre son étude exclusivement à l’auteur polyglotte d’Autres Rivages. Dans le huis clos de la création se bousculent passé vécu et fiction, tandis que le seul bien préservé, la langue, devient l’interlocutrice privilégiée de Bounine. Nabokov opère, lui, le passage à une autre langue que le russe, mais la Russie, par sa présence ou son absence, est toujours là dans son œuvre.
            Sous la plume de Mikhaïl Boulgakov (1891-1940), certains personnages font les frais d’une fuite intérieure quand la création devient l’unique refuge. En régime totalitaire, rappelle TATIANA SOKOLNIKOVA, l’« exil intérieur » est l’unique recours pour se préserver d’un ici étranger et hostile.
Inconsolable du passé, amer face au présent, inquiet quant à l’avenir, tel pourrait être le portrait de nombre d’exilés et notamment de Dmitri Konchalovski (1878-1952), évoqué par DANIÈLE BEAUNE-GRAY. Cet historien vécut ses années hors de Russie dans la tension permanente entre un hier inaccessible, un aujourd’hui instable et des lendemains incertains. Pourtant, ses réflexions historiques et philosophiques ont contribué à enrichir la pensée politique de l’émigration.
 
            Dans Exil et espionnage, quatrième partie de ce recueil, CÉCILE VAISSIER et DANY SAVELLI examinent les parcours atypiques de deux Russes, respectivement le cinéaste Andreï Kontchalovski (né en 1937) et le peintre Nicolas Roerich (1874-1947). Avec ces deux artistes, on assiste au cas plutôt rare où l’exilé est maître de son destin, où il domine et défie les frontières étatiques comme idéologiques et jouit d’une liberté de mouvement proprement stupéfiante. Dans le cas de Roerich, le statut singulier acquis en exil encourage à rêver une singulière utopie.
           

            Dans une dernière partie Exil, voyage et transfert culturel, l’exil se présente comme l’occasion d’une métamorphose sereine, fût-elle de quelques instants. L’homme de lettres Alfred Bem (1886-1945), qui émigra dans les années 1920 à Prague, en offre un exemple de par son activité de passeur littéraire entre Russie et Tchécoslovaquie sur laquelle insiste STEPHANIE CIRAC. De même en va-t-il de ces exilés russes en villégiatures sur la plage de La Favière. Une série de photographies retrouvées par MAXIME MAKAROV immortalise ces instants de bonheur. Parmi ces êtres rayonnants sous le soleil de la Côte d’Azur, Maria Tokmakoff (1887-1964), une jeune femme issue d’une riche famille de marchands de thé qui, en 1921 et 1922, a traversé la Mongolie et la Chine avec ses quatre enfants avant de trouver refuge en Europe. Cependant, c’est un cliché de son passeport, précieusement conservé par ses descendants, que nous avons choisi de placer en couverture de ce recueil. Est-il meilleur symbole de l’exil que ce document déchiré, réchappé à une longue fuite hors de la Russie en proie aux turbulences révolutionnaires ?
 
Si les articles réunis ici aident à approfondir le regard habituellement porté sur l’exil au moment même où, en ce début de XXIe siècle, ses formes ne cessent de se multiplier, le but de cette publication aura été atteint.
Université de Toulouse – Le Mirail
LLA – CREATIS, CAS
 
 
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1. La plupart des études publiées ici sont issues du XIXe colloque de l’Association franco-britannique pour l’étude de la culture russe qui s’est tenu à l’Université de Toulouse – Le Mirail les 8 et 9 avril 2011.
 



 

Jean Maiboroda