kalinka-machja CERCLE CULTUREL ET HISTORIQUE CORSE-RUSSIE-UKRAINE

Ukraine-Russie ou les Frères ennemis


Ukraine-Russie ou les Frères ennemis

 Image en provenance de : http://acturatons.blogspot.fr/
 
 
 UKRAINE-RUSSIE OU LES FRÈRES ENNEMIS.
 
Le grand Ibn Sinà, alias Avicenne, avait quelque raison de dire: "La vérité est comme l'eau, qui prend la forme du vase qui la contient".
Un exemple édifiant ?
Les manifestants pro-européens de la place Maïdan ont été présentés à travers le discours officiel occidental et les médias dominants comme de vaillants et purs démocrates, tandis que les sécessionnistes de Donetsk et de Lougansk, de même que les pro-russes de la péninsule de Crimée, ont été présentés comme des nervis au service de Poutine.
Des articles plus nuancés que ceux des media mainstream, voire même des analyses franchement opposées aux thèses occidentales contrebalancent la vision "pro-occidentale" de la "révolution" de Maidan….. et de ses suites.  
Ces articles et analyses, proviennent des sites suivants:
 

Herodote.net    http://www.herodote.net/
Diploweb - La revue géopolitique on line  http://www.diploweb.com/
Blog de Geoffroy Géraud Legros: http://www.7lameslamer.net/quand-les-nazis-menent-le-bal.html
Marianne. Article d'Elie Arié. http://www.marianne.net/elie-pense/xml/syndication.rss -
Le Point.fr - 17.03.2014   Vive la Crimée Russe - Gabriel Matzneff - 
Site d'Ahmed Bensaada   (http://www.ahmedbensaada.com/).
La révolution de Maïdan y est présentée comme un "coup d'Etat". Cf.
https://ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=257:ukraine-autopsie-dun-coup-detat
 


 
 __________________________________________________________________________


Tiré du site  "HERODOTE.NET"
https://www.herodote.net/
1er mars 2014


 
Gare à ne pas désespérer la Russie 

 
Tandis que la crise ukrainienne menace la paix en Europe, notre éditorialiste Joseph Savès revient sur la genèse du conflit..

Vladimir Poutine montre ses muscles. Il occupe la Crimée pour déstabiliser l'Ukraine et la ramener dans le giron de Moscou. Faut-il s'en étonner ? Que nenni. C'est la même stratégie qu'il a employée à l'égard d'un autre satellite, la Géorgie, en 2008. Et l'opération a réussi au-delà de toute espérance, avec qui plus est la bénédiction des Occidentaux.
Mieux encore, le président de la République française de l'époque a donné un blanc-seing au gouvernement russe pour rééditer son coup, dans un entretien avec son homologue Dmitri Medvedev au Kremlin, mardi 11 août 2008. Qui s'en souvient ? Voici ce que nous écrivions à l'époque et que vous pouvez retrouver sur notre site  :
Extrait de notre éditorial du 18 août 2008 : Tout est dit dans une formule de Nicolas Sarkozy que les commentateurs, curieusement, n'ont pas relevé malgré son caractère stupéfiant : « Il est parfaitement normal que la Russie veuille défendre ses intérêts ainsi que ceux des Russes en Russie et des russophones à l'extérieur de la Russie ».
Cette formule empreinte d'un gros bon sens prudhommesque, dans la manière du président français, avalise de la pire façon qui soit le nouvel impérialisme russe. Elle légitime par avance une intervention russe dans les pays baltes, membres de l'Union européenne, pour le cas où des ressortissants russophones de ces pays viendraient à se plaindre d'être opprimés..

La Russie rejetée dans les confins

La crise ukrainienne est bien plus grave que la précédente car elle concerne un pays de 45 millions d'habitants au cœur de l'Europe et, qui plus est, suréquipé en installations nucléaires.
Cette crise est née d'une grosse maladresse des dirigeants européens qui ont fait un appel du pied à l'Ukraine sans mesurer l'importance vitale pour l'ensemble des Russes du lien qui les rattache à celle-ci. Nous l'avons souligné dans notre précédente analyse de la crise ukrainienne, en novembre 2013 :
Extrait de notre éditoral du 21 novembre 2013 : Mettons-nous un instant dans la peau d'un Russe de Moscou ou Vladivostok. Il n'est pas concevable pour lui que se dresse un « rideau de fer » entre son pays et l'Ukraine, entre la « Grande-Russie » et la « Petite-Russie ». Cela reviendrait à l'isoler complètement entre des mondes plus ou moins hostiles : l'Extrême-Orient chinois, l'Asie centrale turque, l'Europe atlantique.
On n'imagine pas davantage qu'il accepte un « rideau de fer » au sein même de l'Ukraine, entre une partie russophone qui reviendrait dans le giron russe et une partie occidentale, sans réalité historique, qui chercherait sa voie aux côtés d'une Union européenne désargentée et sans leadership. 
Quoi que pensent les Russes de leur président Poutine, de sa brutalité et de son autoritarisme, ne doutons pas qu'ils partagent sa volonté de conserver l'Ukraine - et la Biélorussie, ou « Russie blanche » - dans la sphère d'influence de Moscou. Si certains grands pays comme le Japon peuvent se délecter d'une solitude hautaine, il n'en va pas ainsi de la Russie qui, comme les autres États européens, a besoin d'être entourée d'amis et d'alliés.

La Russie intégrée à l'Europe

Après l'avertissement géorgien de 2008, il était proprement insensé de la part de Bruxelles de laisser croire à un partenariat avec Kiev qui replongerait Moscou dans une dramatique solitude.
Pour ne rien arranger, les principaux dirigeants européens ont snobé l'ouverture des Jeux de Sotchi, manquant l'occasion de rassurer le président russe sur les intentions de l'Union européenne. La Chine, le Japon ou encore la Turquie étaient quant à eux représentés au plus haut niveau, de même que l'ONU.
On me dira que le président et le vice-président américains ne se sont pas non plus dérangés à Sotchi. C'est qu'ils ont en commun avec les Russes d'agir selon ce qu'ils pensent être l'intérêt national. Tout le contraire des dirigeants européens qui seraient bien incapables de définir l'intérêt de l'Union, entre des Polonais qui rêvent de « libérer » les Ukrainiens, des Allemands qui veulent préserver leurs approvisionnements en gaz russe, des Français qui veulent on ne sait trop quoi etc.
Le gouvernement américain, donc, sait ce qu'il veut. Il veut attiser les cendres de la guerre froide selon la méthode employée avec brio en Géorgie et en Ukraine. De cette façon, il justifie la survie de l'OTAN et son protectorat sur le Vieux Continent. Qui plus est, il affaiblit la cohésion de l'Europe et son économie. Imaginons a contrario ce qu'il lui en aurait coûté si les Occidentaux avaient soutenu Mikhaïl Gorbatchev en 1991 quand il avait sollicité leur aide financière pour sauver son économie et ses réformes...
Plus près de nous, imaginons où nous en serions si nous avions accordé à Vladimir Poutine autant d'égards qu'aux autocrates du Qatar ou d'Arabie et si nous l'avions rassuré en démantelant l'OTAN, qui a perdu sa raison d'être avec la fin de la « guerre froide » (la vraie) et s'est discréditée au Kossovo, en Afghanistan et en Libye. « De l'Atlantique à l'Oural », selon le mot de De Gaulle, nous assisterions à l'ébauche d'un ensemble économique majeur, uni par l'Histoire et la civilisation... Mais sans doute n'est-ce pas ce que souhaitent les États-Unis et aussi la Chine, l'un et l'autre conscients de leur intérêt national.
Maintenant, bien malin qui peut dire le chemin qu'empruntera l'Histoire. On peut seulement être sûr de deux ou trois choses :
- Vladimir Poutine, avec sa brutalité coutumière et plus ou moins d'habileté, va tout mettre en oeuvre pour maintenir l'Ukraine dans l'orbite russe ; il bénéficie dans cette mission du total soutien de ses concitoyens,
- Le gouvernement américain va laisser pourrir la situation en veillant seulement à ce qu'elle ne dégénère pas,
- Comme à son habitude, l'Union européenne va tergiverser, soufflant le chaud et le froid (il est amusant qu'elle ait soudain trouvé dix milliards d'euros pour secourir l'Ukraine alors qu'il y a quatre mois, elle n'avançait que quelques centaines de millions, mais c'était avant le coup de force en Crimée).
Reste l'imprévisible : une manifestation de rue, des tirs de chars intempestifs, toutes choses qui échapperaient aux dirigeants.
                                                                                                                                    Joseph Savès



 __________________________________________________________________________

Tiré de http://www.diploweb.com/
La revue géopolitique on line

 
​Kiev défie Poutine
Par Xavier GUILHOU , le 28 février 2014

De nouveau , la presse occidentale titre avec exaltation et toujours avec un certain romantisme sur cette nouvelle « révolution » ukrainienne :
« Timochenko libérée ! Ianoukovitch démissionné ! Une nouvelle ère débute ! … ». Pour autant tous les chroniqueurs font preuve cette fois-ci de prudence et nuancent leurs analyses en se demandant avec un peu d’inquiétude si les événements de la place Maïdan ne seraient pas une «révolution de trop  », « la goutte d’eau qui pourrait faire déborder le vase », compte tenu du niveau de tensions qui règnent sur cette région de la Mer Noire, du Caucase, de la Caspienne et de la Méditerranée orientale. Tous, forts des enseignements récents et des convulsions en Lybie, en Égypte, en Tunisie, mais aussi actuellement dans les Balkans, s’interrogent sur les dérivées de ce nouvel épisode. La plupart savent par ailleurs que le rêve européen n’est qu’un miroir aux alouettes pour l’Ukraine et que l’UE ne pourra pas réellement l’assumer. Par ailleurs certains font remarquer que la plupart des signaux géopolitiques sur ces régions ne sont pas sans nous rappeler étrangement les causes de la Grande guerre dont nous célébrons le centenaire… Pour reprendre ce fameux mot de Marcel Achard : « La grande illusion , c’est la guerre, - La grande désillusion, c’est la paix !" Telle est désormais l’équation que Poutine doit traiter face à ce défi ukrainien.
Il est clair que le temps long de l’Histoire n’a rien à voir avec le temps court des médias. L’émotion twittée de l’infirmière, qui se meurt puis revit sur la place Maïdan, parait désormais bien fugace face à l’arrivée des bataillons d’experts occidentaux au chevet d’une Ukraine en défaut de paiement et sans réelle gouvernance. Pour autant, face à l’inexpugnable ours russe qui se sent encerclé et assailli dans sa tanière, à la réémergence discrète du Sonderweg [1] de Mme Merkel ou au basculement historique des Etats-Unis vers le Pacifique incarné par Obama, la réalité est d’un autre ordre. Certes il y a cette indéniable aspiration des peuples à rejoindre d’autres modèles de société et de gouvernance où la liberté, la démocratie, le bien être, la sécurité sont portés en exergue face à l’oppression, la pauvreté, les dictatures… Elle est non seulement légitime mais estimable. Pour autant nous ne pouvons pas conjointement sous-estimer l’instrumentalisation médiatique, portée par les tenants des droits de l’homme, qui l’accompagnent au titre de la modernité avec tous leurs réseaux. La place Maïdan n’a pas échappé à cette scénarisation très bien rodée auprès de nos opinions avec les divas habituelles des plateaux TV et ces agents d’influence de toutes les révolutions dites libérales de ces dernières décennies [2]. Maintenant, face au crescendo militaire auquel nous assistons, et qui n’est pas s’en rappeler la crise de Cuba (1962), nous ne pouvons nous satisfaire de ces formes récurrentes de catharsis collective et ignorer ce que sont les fondamentaux de la géopolitique, surtout sur une région aussi sensible pour l’équilibre de la sécurité mondiale.

Un agenda chargé

Les événements de la place Maïdan (novembre 2013-février 2014) convergent, comme par hasard, avec un agenda très dense et sensible au niveau mondial. Bien entendu personne n’a occulté le fait qu’ils se sont déroulés pendant les jeux olympiques d’hiver de Sotchi, contraignant Vladimir Poutine à un apparent silence pour ne pas gâcher sa fête et sa volonté d’affirmer au monde que la grande Russie était de retour. Etrange parallèle de l’Histoire, si nous rapprochons cette actualité avec celle des jeux olympiques de Pékin lorsque, dans la nuit du 7 au 8 août 2008, au moment de la cérémonie d’ouverture, Poutine lança une guerre éclair en Ossétie du sud pour répondre aux tentations d’émancipation de la Géorgie [3] , bien conseillée entre autre par les américains, et qui manifestait le souhait de rejoindre l’OTAN… Match nul : les réseaux occidentaux, qui soutiennent et conseillent début 2014 les opposants ukrainiens dans leur volonté de rejoindre l’Europe, ont bien retenu la leçon de leurs échecs sur le Caucase. Ils avaient à l’époque sous-estimé le coup de patte de l’ours russe qui ne négocie plus lorsque l’on s’amuse à toucher de près ou de loin à son « étranger proche », celui qui conditionne sa place, son rôle, sa sécurité et désormais son hégémonie dans les grands jeux mondiaux. En l’occurrence ce corridor caucasien constitue un nœud géostratégique pour le pétrole et le gaz de Bakou, d’Asie centrale, du Moyen-Orient et de l’Iran vers l’Europe et surtout vers la Chine. C’est aussi un nœud sécuritaire très sensible pour Moscou qui doit faire face aux groupes islamistes de Tchétchénie et du Daguestan. Poutine avait planifié dès 2006 l’opération sur Tbilissi pressentant cette obsession, notamment anglo-saxonne, de lui amputer son espace vital. Qu’a-t-il planifié pour l’Ukraine ? Est-il cette fois-ci surpris et déstabilisé ? Ou bien attendait-il les occidentaux pour les piéger ? Les scénarios sont ouverts y compris celui, forcément inconcevable pour les européens, d’un retour de la guerre.
Pourquoi cet emballement de nouveau sur Kiev ? Les experts en énergie diront : « pour les mêmes raisons que dans le Caucase et en Syrie», et nous pourrions ajouter « qu’en Asie centrale  » où les réseaux, notamment néo conservateurs américains, ont maintenu sans cesse la pression depuis 20 ans pour tenter d’obtenir des anciens satellites de l’URSS qu’ils basculent sous obédience occidentale, certes pour la démocratie mais surtout pour la richesse de leurs sous-sols… Ils n’y sont jamais arrivés, Vladimir Poutine étant plus coercitif et fin manœuvrier sur le terrain… En revanche sur la Mer Noire les manœuvres se sont durcies depuis un an avec une remise en cause des grands projets de gazoduc et de pipe-line sur l’ensemble de la région, surtout avec le règlement en cours de l’affaire iranienne qui clôt la stratégie du « Great Middle East » de la politique étrangère américaine.
Nabucco, South Stream et North-Stream : chacun de ces gazoducs a une signification géopolitique différente.
Les tracés adoptés modifient la carte des équilibres géostratégiques et ne sont pas neutres pour comprendre la sensibilité que revêt le verrou ukrainien. Jusqu’au mois de juillet 2013 deux projets s’affrontaient de part et d’autres de la Mer Noire pour alimenter l’Europe du sud. Le projet Nabucco au sud [4] était porté jusqu’à présent par la commission européenne, avec la bénédiction de Dick Cheney et de ses réseaux d’influence [5]. Il permettait au gaz de transiter par la Turquie, les Balkans, la Hongrie jusqu’à l’Autriche. Son concurrent, le projet South Stream passe plus au nord et est porté par un consortium Gazprom/ENI via la Mer Noire, la Bulgarie et la Serbie [6]. Les décisions entre autre de l’Azerbaïdjan de se rallier à South Stream et du Turkménistan de privilégier la demande chinoise, ont donné de fait à Vladimir Poutine une main considérable pour ses négociations avec l’Europe, mais aussi pour monter en puissance son projet d’Union eurasiatique [7]. Rappelons qu’il contrôle aussi au nord le réseau North-Stream qui transite par la Baltique pour approvisionner l’Allemagne au travers d’un consortium Gazprom, EOM, GDF [8]. La mise en échec de Nabucco, conjuguée au verrouillage du nœud syriaque par la diplomatie russe (avec l’accord discret des chinois) a radicalisé le jeu d’un certain nombre de réseaux européens et anglo-saxons dont les intérêts marchands et financiers sont menacés. Il faut ajouter à ce dossier les découvertes récentes de poches de gaz au large de Chypre, de la Syrie, du Liban, d’Israël et de Gaza avec le champ dit du Léviathan, dont les potentiels seraient aussi, sinon plus important, que les gisements qui sont exploités par le Qatar et l’Iran dans le golfe d’Oman...
Au premier degré nous retrouvons tous les jeux d’acteurs des opérateurs du monde de l’énergie, avec un certain nombre de majors américains et européens qui sont très visibles et actifs autour de Nabucco. Au deuxième degré il y a les éternels jeux discrets de la diplomatie d’affaire allemande qui joue son double jeu classique en bilatéral vis-à-vis de la Russie (ne jamais oublier que G. Schroeder est le conseiller de Gazprom), mais aussi en parallèle avec la Turquie, l’Iran, la Chine. Au troisième degré il y a les anciens équilibres que l’Occident a noués avec la dynastie saoudienne et les pays du Golfe autour de la sécurité énergétique, mais qu’Obama n’a plus envie désormais d’incarner et de soutenir. Au quatrième degré il y a tout ce repositionnement du barycentre énergétique qui est en cours depuis vingt ans sur le Tigre et l’Euphrate (Irak, Iran) avec l’affirmation d’un nouveau nœud géostratégique sur la Syrie, le Kurdistan et l’Asie centrale où la Russie joue un rôle de pivot incontournable notamment vis-à-vis des besoins de la Chine et de l’Europe [9]. Enfin il ne faut jamais oublier quel est le poids actuel de la Russie dans les marchés mondiaux du gaz et du pétrole [10], surtout dans cette phase post Fukushima (2011) qui génère des débats politiques aigus sur la transition énergétique au sein des pays européens.
Cette tectonique des plaques s’accompagne par ailleurs d’un repositionnement de plus en plus explicite de l’actuelle administration américaine sur l’Océan indien et sur le Pacifique, avec un transfert très conséquent de leurs moyens militaires, doublé d’un repli monétaire et économique au profit du continent nord américain et d’une volonté d’un retour à une autosuffisance énergétique, grâce aux gaz de schiste, pour assurer la survivance de leur modèle et la résistance de leur leadership. Ce basculement géostratégique voulu par Obama depuis son premier mandat ne fait pas l’unanimité à Washington. Il est notamment contesté par la plupart des milieux néoconservateurs, entre autre par les lobbies israéliens, qui voient d’un mauvais œil un affaiblissement de la posture américaine sur la zone du Proche et Moyen-Orient, en particulier pour le complexe militaro-industriel. De fait, ce repositionnement de la diplomatie américaine se traduit par une réémergence fulgurante des grandes puissances centrales sur l’ensemble de la région (Turquie, Egypte, Iran et Russie) qui conversent désormais entre elles en s’affranchissant des tutelles occidentales [11]. Elle se caractérise aussi par une implosion identitaire et religieuse du Moyen et Proche-Orient, avec le retrait progressif du parapluie américain. Cela se traduit par une radicalisation de cette Fitna [12] qui déchire le monde sunnite, à laquelle il faut ajouter cet affrontement historique et de plus en plus violent entre sunnite et chiite qui, des faubourgs de Bahreïn à ceux de Beyrouth, endeuille quotidiennement le monde arabo-musulman [13].

Vu de Moscou

Pour toutes ces raisons Moscou ne peut rester insensible aux évènements en Ukraine et à l’échec patent d’Ianoukovitch dans la maitrise de la violence sur cette place Maïdan, surtout si un « emballement démocratique » et une volonté de stigmatisation débouchait, comme dans les Balkans, sur des affrontements en ravivant les griefs ancestraux entre les communautés uniates et slaves [14]. Encore plus si l’agitation diplomatique et médiatique en cours suscitait une escalade avec une éventuelle scission de l’Ukraine en deux, voire en trois en jouant sur une velléité d’indépendance des Tatars sur la Crimée. Ces développements ne peuvent qu’être inacceptables pour Vladimir Poutine qui ne peut admettre les menaces sous-jacentes pour les intérêts vitaux de la Russie, mais aussi en termes d’effets collatéraux sur les autres pays d’Asie centrale et surtout vis-à-vis de son propre leadership personnel à Moscou. D’une part les exhortations de I. Timochenko, dans sa prise de parole très médiatisée du 22 février 2014, pour dupliquer cette révolution partout… jusque sous les murs du Kremlin, ne peuvent être ressenties que comme une provocation pour V. Poutine. Par ailleurs Vladimir Poutine ne pourra jamais admettre que la Crimée puisse passer, avec une indépendance ou une partition de l’Ukraine, sous contrôle de l’Europe et des intérêts occidentaux. Ce serait un casus belli ! Sébastopol, ne l’oublions pas, concentre une grande partie de la flotte russe [15], celle justement qui est en Abkhazie en appui de la stratégie caucasienne et surtout celle qui est sur les rivages alaouites du côté de Tartous en appui de l’allié syrien, ainsi qu’au large des zones grecque et chypriote en soutien des communautés orthodoxes. Ces navires de guerre qui croisent en Méditerranée orientale sur le flanc sud de la Turquie, et de fait de l’Otan ont ne l’oublions jamais leur base arrière en Crimée... Or l’Ukraine a passé un accord de 30 ans avec la Russie sur ce point contre un accord préférentiel sur les approvisionnements gaziers. Toucher à ce dossier sensible c’est s’attaquer aux racines les plus profondes de l’histoire russe [16]. C’est ignorer tous les fondamentaux de cette civilisation slave issue entre autre de l’histoire de l’empire byzantin et incarnée par le triangle historique « Novgorod, Saint-Pétersbourg, Kiev » [17]. Medvedev dans ses prises de position depuis le 23 février 2014 ne cesse de le préciser comme s’il s’agissait d’un avertissement solennel qui va bien au-delà les usages sémantiques pratiqués par les diplomates. La mobilisation de 150 000 hommes, 90 avions, plus de 120 hélicoptères, 880 tanks, 80 navires sur le flanc ouest de la Russie et la mise en alerte de la flotte de la Mer Noire n’est pas qu’une figure de style, notamment pour l’Otan…
Certes en jouant sur ce verrou ukrainien, les chancelleries et réseaux d’influence, qui sont vexées par l’échec de Genève II sur le règlement de la question syrienne, qui sont obligées d’assumer désormais une délocalisation dramatique de la gestion de cette crise sur le Liban, et qui ont perdu leurs capacités de gesticulations sur le Bosphore avec l’abandon de Nabucco, imaginent qu’ils vont faire plier Vladimir Poutine en l’obligeant à négocier cette fois-ci sur Kiev. C’est méconnaître l’intéressé et sous-estimer sa fierté, son cursus et sa pugnacité en matière géostratégique. C’est jouer avec l’ours en voulant le harceler dans sa tanière. Certes l’Occident a de nombreuses cordes à son arc dans cette bataille : la dette ukrainienne qui n’est pas sans conséquence sur l’économie russe, elle-même mise sous tension avec la guerre monétaire entre le dollar et le rouble [18] (comme toutes les monnaies des pays émergents), sans compter les cours du pétrole et du gaz qu’américains et saoudiens peuvent encore et de nouveau manipuler, ainsi que les taux d’intérêts qui dépendent de la politique plus ou moins accommodante de la FED, tout ceci se négociant actuellement dans les coulisses du G20…
La Russie se veut de nouveau une puissance
Mais Poutine n’est pas naïf. Il sait tout cela et il n’a pas oublié, lorsqu’il était encore au KGB, tous les enseignements qu’il a pu tiré de la chute de l’Union soviétique et de toutes les opérations menées par le couple Reagan-Bush dans les années 1980 pour casser l’hégémonie du système communiste. Depuis la Russie s’est redressée, elle détient des ressources énergétiques, financières, économiques mais aussi militaires qui ne peuvent être sous-estimées. Elle est aussi devenue une puissance globale au même titre que les Etats-Unis avec une présence géostratégique affirmée sur le Pacifique vis-à-vis de la Chine, en Méditerranée orientale vis-à-vis des grands jeux énergétiques mais aussi vis-à-vis de l’Arctique dans la perspective de l’ouverture de la route nord qui changera beaucoup de choses dans les rapports de force sur ce XXIème siècle. Elle contrôle avec beaucoup de fermeté et de proximité ses intérêts en Asie centrale. C’est une puissance spatiale, engagée dans l’univers des cyber-stratégies, bien au-delà la maitrise balistique des ADM. C’est surtout une puissance qui n’est plus seulement régionale, comme ce fut le cas après l’effondrement du communisme, mais de nouveau mondiale et qui entend bien exister avec sa singularité dans les grands jeux qui se reformulent notamment sur le Pacifique nord.
C’est ce que Poutine a voulu démontrer au travers des jeux de Sotchi. Néanmoins avec la place Maïdan, un certain nombre d’acteurs, qui aiment bien jouer depuis quelques temps avec des boites de Pandore, ont voulu le ridiculiser et l’enfermer dans un jeu régional. La fenêtre de tir était il faut l’avouer tentante. Est-ce que l’opportunité va se transformer en piège, notamment pour les européens ? Où est ce que le "tsar" va admettre qu’il a perdu une bataille en acceptant de se replier en deçà du Dniepr ? N’oublions pas que Poutine détient l’arme du gaz, pratique l’effet de surprise et surtout n’a peur de rien ! C’est un patriote au sens où il entend incarner de nouveau l’histoire de la Sainte Mère Russie (Родина-Мать). Ces critères sont bien entendu très éloignés de nos référentiels démocratiques et des modes de représentation véhiculés par les médias occidentaux. Pour autant ils constituent un préalable incontournable pour bien cerner le personnage dont la longévité politique et l’audace géopolitique défient jusqu’à présent tous les pronostics.

La situation reste ouverte

La plupart des grands experts de la Russie et plusieurs grands diplomates ont appelé à la plus grande prudence et à un retour à une certaine modération dans l’exaltation démocratique du moment. D’autant que les termes de la nouvelle gouvernance de l’Ukraine, avant les éventuelles élections de mai 2014, sont loin d’être fiables et stabilisés. Tous sont unanimes pour avouer que les niveaux de corruption pratiqués par l’ensemble des leaders ukrainiens sont irrecevables et qu’ils posent concrètement de vraies questions de stabilisation pour ce pays désormais profondément divisé. Problèmes de gouvernance qu’aucun pays européen, il faut bien l’avouer, n’est à même d’assumer réellement, encore moins sur le plan sécuritaire. Par ailleurs le niveau de défaillance financière avec un défaut de paiement de l’ordre de 35 milliards de dollars et la quasi disparition d’un Etat ne sont pas de nature à faciliter une sortie de crise par le haut. Tous ont par ailleurs rappelé que Vladimir Poutine n’était pas n’importe qui, que nous avions affaire à un nouveau « tsar » et qu’il serait très aventureux, entre autre pour l’Europe, de générer sur ce verrou ukrainien les germes d’une nouvelle guerre civile ou division civilisationnelle, comme en ex-Yougoslavie. Elle ne ferait qu’enflammer la fierté russe, la solidarité panslavique et ranimer la discorde entre le monde chrétien et le monde orthodoxe. Cela mettrait en échec vingt ans d’efforts bilatéraux pour apaiser les relations entre ces deux civilisations, berceaux de toute l’histoire du continent européen. Dans le jeu ambivalent de la diplomatie américaine, et même allemande, à laquelle les anglais apportent une fois de plus leur quitus ambigu (comme si les expéditions dans les Dardanelles et en Crimée ne leur avaient rien appris), il est clair que certains essayent de calmer leurs réseaux d’affaire et leurs lobbies sur ce dossier comme le demande Sergueï Lavrov [19], alors que d’autres allument joyeusement les mèches, les polonais et français n’étant pas parmi les derniers…
Il n’est pas certain que cette agitation soit totalement du goût de Barack Obama et de John Kerry qui passent actuellement beaucoup de temps sur le Pacifique nord pour calmer les coréens et japonais face à la montée de l’hégémonie chinoise. Ils ont par ailleurs sur leurs propres zones d’intérêts stratégiques en ASEAN et dans les Caraïbes d’autres évènements tout aussi sensibles à gérer avec le Venezuela et la Thaïlande dont les pics de colère font autant de victimes que l’Ukraine (mais avec beaucoup moins d’échos dans nos médias européens). Il n’est pas certain que ce réchauffement géostratégique sur cette région de la Mer Noire soit vraiment opportun pour eux alors qu’ils essayent de se dégager par tous les moyens et en souplesse de cette zone complexe où tous les prétextes sont bons pour les obliger à revenir en termes d’arbitrage et de régulation [20]. Ils ont à peine réussi à se sortir momentanément du piège syrien (paradoxalement grâce aux russes) qu’ils se retrouvent de nouveau embarqués dans le piège ukrainien… Pour autant ils ne peuvent pas déjuger J-M Barroso et leurs alliés à la veille d’élections importantes pour la survie du projet européen, mais aussi à la veille d’importantes négociations sur une éventuelle signature d’un accord de libre échange entre les Etats-Unis et l’UE [21]. Le jeu est complexe côté occidental et Vladimir Poutine le sait parfaitement. Il sait que personne n’ira se battre militairement pour l’Ukraine, excepté les soldats russes qui ont la mémoire de Stalingrad.
Qui est prêt à mettre plusieurs dizaines de milliards d’euros sur la table pendant plusieurs dizaines d’années ?
Il sait qu’aucun argentier occidental ne fera un chèque de 35 milliards à fonds perdu sans un minimum de garantie de bonne gouvernance. A commencer par le FMI qui est actuellement poussé en avant pour jouer le rôle de pompier après le passage des pyromanes. Il sait surtout que l’Ukraine ne peut pas exister sans le gaz et l’aide de la Russie dans tous les domaines… Pour qu’une OPA, voire une OPE, fonctionne il faut que les fondamentaux de l’opération soient sains et durables. Or le "tsar" sait que ces derniers sont explosifs et sans avenir immédiat. Le temps joue pour lui et paradoxalement contre les occidentaux : s’il coupe le gaz, s’il commence à jouer sur les irrédentismes civilisationnels de part et d’autre du Dniepr et s’il décide de monter la pression sécuritaire en dénonçant les menaces sur les populations russophones de la région (Transnistrie, Crimée,…) nous n’aurons plus qu’à nous replonger dans les livres d’histoire pour revisiter nos expéditions désastreuses en Orient [22] à moins que nous soyons tout simplement ridiculisés par notre incapacité chronique à répondre à ce type de défi…
Dans ce jeu de poker menteur oublier la Russie ou la mépriser constituerait une grave erreur dans le traitement de cette crise très sensible. Rien ne pourra être envisagé sur ce dossier sans Vladimir Poutine. Qu’elle que soit l’opinion que l’on a de l’intéressé et de ses méthodes de gouvernance, mais aussi qu’elle que soit l’admiration que l’on puisse porter vis-à-vis de tous ces ukrainiens qui se sont levés pour plus de dignité et de liberté, la solution n’est pas qu’à Bruxelles, à Berlin ou Washington, elle est aussi et surtout à Moscou ! Les relations internationales ne sont pas qu’une pièce de théâtre médiatique, elles peuvent être aussi à la base de grandes tragédies historiques qui commencent toujours quand l’hubris et l’hégémon sont utilisés sans discernement. Plus que jamais sur l’ensemble de cette partie orientale de la Méditerranée, de la Mer Noire et de la Caspienne, il faut faire preuve de prudence et d’intelligence. Toutes les mèches sont en train de s’allumer sur de multiples barils de poudre qui rappellent à tout le monde que le temps long de l’Histoire est plus dimensionnant que le commentaire médiatique. Gare au coup de patte de l’ours s’il se sent acculé. Il peut se dresser pour grogner mais il peut aussi se défendre parce qu’il se sent attaqué sur l’intégrité de son territoire… La mise sous tension de l’ensemble des forces russes sur le front occidental pour des manœuvres d’envergure de la Baltique à la Mer Noire surprend tous les commentateurs sauf ceux qui connaissent bien Vladimir Poutine !
Maintenant, au-delà les discours romantiques et vertueux de la place Maïdan, avons-nous le courage d’aller réellement l’affronter sur les rives du Dniepr, nous qui n’avons même plus les moyens d’aller en Syrie, qui ne sommes pas capables de monter de véritables coalitions européennes pour traiter les crises africaines et qui nous confinons dans une velléité réduite aux plateaux télévisés ? Poutine le sait mieux que quiconque, il connait parfaitement l’impuissance de nos puissances [23]. Il sait aussi que nous sommes dans une phase très délicate de déconstruction de l’ordre mondial issu de Yalta, et qu’il doit préserver ses capacités de manœuvre pour consolider l’avenir. Mais peut-il admettre pour autant l’offense et les germes de déstabilisation sous-jacents vis-à-vis de sa stratégie de restauration du rayonnement de la grande Russie ? La guerre n’est jamais une finalité en soi sans un but politique, mais une déstabilisation géopolitique légitime toujours une guerre. En Syrie, Poutine a réussi à mettre en «  échec » le jeu des occidentaux et de leurs alliés du Golfe. Sur Kiev ces derniers viennent de pratiquer une manœuvre aventureuse pour « roquer [24] » les pièces maitresses du Kremlin. Désormais Poutine n’a plus le choix, il doit mettre l’Europe, et les actionnaires de cette opération Maïdan, en « échec et mat  » en les divisant et en les effrayant, voire en les brutalisant afin qu’ils comprennent qu’il y a des limites à ne pas franchir... Il en va tout simplement de sa survie politique ! L’affrontement parait inévitable et la bataille du Dniepr ne fait que commencer.
Manuscrit clos le 27 février 2013
Copyright Février 2014-Guilhou/Diploweb.com
 
Notes
 
[1 ] « Sonderweg » : « le chemin particulier de l’Allemagne »- cf. Jean Pierre Chevènement 1914-2014 « L’Europe sortie de l’Histoire ? » Fayard – déc. 2013
[2 ] cf. les actions menées par la fondation Freedom Zone et comment les Etats-Unis préparent les révolutions colorées : agoravox.tv/actualites/international/article/comment-les-usa-preparent-les-43719
[3 ] Suite à cette opération sur l’Ossétie du Sud et Abkhazie, 20% du territoire national géorgien est contrôlé par les forces russes. La Russie a reconnu l’indépendance de ces deux régions et a installé de nouvelles bases militaires dotées d’une forte présence militaire russe avec un armement lourd offensif. Cela signifie que la Russie est aujourd’hui à 50 kilomètres de la capitale géorgienne, Tbilissi.
[4 ] rfi.fr/emission/20130627-gazoduc-nabucco-verra-pas-jour
[5 ] fr.ria.ru/analysis/20080903/116530047.html
[6 ] south-stream.info/ ?L=1
[7 ] institut-thomas-more.org/fr/actualite/de-la-communaute-des-etats-independants-a-lunion-eurasienne-un-projet-russo-turcique.html
[8 ] nord-stream.com
[9 ] Voir Diploweb – Xavier Guilhou : « l’énigme syrienne » http://www.diploweb.com/L-enigme-sy...
[10 ] institut-thomas-more.org/fr/actualite/la-russie-leurope-et-le-gaz-une-guerre-de-lenergie-.html
[11 ] Cf. Les dernières rencontres entre le général Sissi et Vladimir Poutine sur l’aide à apporter à l’Egypte en substitution à celle des USA : rfi.fr/europe/20140213-russie-egypte-poutine-soutien-sissi
[12 ] « Fitna » signifie en arabe la division fr.wikipedia.org/wiki/Fitna
[13 ] Cf. Diploweb Xavier Guilhou : « Un islamisme séculier ? Au-delà des « révoltes », quel devenir pour le monde arabe » http://www.diploweb.com/Un-islamism...
[14 ] regard-est.com/home/breve_contenu.php ?id=167 la-croix.com/Religion/Actualite/Staline-a-voulu-la-fin-de-l-Eglise-greco-catholique-d-Ukraine-_NG_-2009-08-10-538085
[15 ] lefigaro.fr/international/2010/04/21/01003-20100421ARTFIG00458-la-flotte-russe-reste-a-sebastopol-pour-trente-ans-.php
[16 ] fr.wikipedia.org/wiki/Marine_imp%C3%A9riale_de_Russie
[17 ] Cf. Edward Rutherfurd, « Russka » Les Presses de la cité 2008
[18 ] globalresearch.ca/the-bricso-vs-the-us-dollar-what-will-happen-to-the-global-economy-if-brics-announce-launch-of-new-currency/5353714
[19 ] Le ministre des affaires étrangères russe qui est en première ligne sur tous les fronts syriens, chypriotes, caucasiens, et ukrainiens orientlejour.com/article/856193/lavrov-critique-ceux-qui-voudraient-forcer-la-main-de-lukraine.html
[20 ] Cf. édito Xavier Guilhou : « Crash ou guerre ? » août 2012 xavierguilhou.com/clients/guilhou/site_xavier.nsf/005546776102f9f0c1256d09002800c8/a44948df9340ad3cc125730900514c51/$FILE/Crash%20ou%20guerre.pdf
[21lemonde.fr/economie/article/2013/11/11/libre-echange-les-negociations-entre-les-etats-unis-et-l-europe-s-annoncent-longues_3511519_3234.html
[22 ] Cf. Pierre Miquel « Les poilus d’Orient » Fayard fevrier 1998
[23 ] Cf. Bertrand Badie « L’impuissance de la puissance » chez Biblis sept 2013.
[24 ] fr.wikipedia.org/wiki/Roque_(%C3%A9checs)




 __________________________________________________________________________
 
 

 
Tiré du blog de Geoffroy Géraud Legros :  http://www.7lameslamer.net/quand-les-nazis-menent-le-bal.html
8 décembre 2013
Geoffroy Géraud Legros
 
 Ukraine Quand les nazis mènent le bal…

 
« Négros, youpins, ruskofs » ! Ils sont dans le collimateur de la 4ème force politique ukrainienne depuis 2012, le parti nazi et pro-européen ukrainien « Svoboda », locomotive des manifestations qui se déroulent en Ukraine depuis deux semaines. Un premier rôle qui couronne dix années de dédiabolisation — toute formelle... — et obtient un label « révolutionnaire » et « démocratique » grâce aux médias occidentaux.
Un emblème omniprésent : trois doigts de la main couleur or sur bannière azur comme une promesse de victoire renouvelée. Des mots d’ordre et des drapeaux qui claquent au vent. Des porte-parole qui manient avec ardeur et habileté le langage « révolutionnaire ». Le parti « Svoboda » est la locomotive des manifestations qui, depuis deux semaines, secouent plusieurs villes d’Ukraine. Ainsi, ce sont ses militants qui ont fait franchir un cap décisif à la contestation ukrainienne, en occupant la mairie de la capitale, Kiev, transformée par leurs soins en « quartier général révolutionnaire ».
Pas une photographie, pas un reportage télévision qui ne donne à voir les insignes de cette organisation montante. Forte de 37 députés à la Verkhovna Rada (Assemblée nationale), « Svoboda » est devenu en 2012 la 4ème force politique de l’ancienne république socialiste. Une percée électorale et un activisme qui ont imposé Oleg Tiagnibok — au nombre des leaders de l’opposition — au président Viktor Ianoukovitch.
L’ancien et le neuf : malgré l’adoption d’un symbole « neutre », les militants de « Svoboda » restent attachés à la rune « Wolfsangel », signe de l’« idée de nation » et insigne de la division SS « Das reich ».
Du nazisme au dialogue
Sobrement identifié comme « nationaliste » par la presse occidentale, le dirigeant de « Svoboda » parade dans les médias, aux côtés d’Arseniy Yatsenyuk, représentant de l’oligarque emprisonnée Ioulia Timoshenko, et de l’ancien boxeur, Vitali Klitchko, revenu d’Allemagne après avoir annoncé sa candidature à l’élection présidentielle. C’est avec ce triumvirat que le ministre allemand, Guido Westerwelle, a souhaité entamer un « dialogue », après une visite sur la « Place de l’Indépendance » de Kiev (EuroMaïdan) en soutien aux « centaines de milliers de personnes dont le cœur bat en Europe ».
Stratégie de dédiabolisation
Pour « Svoboda », l’accès au leadership de « l’opposition démocratique » encouragée par les chancelleries occidentales couronne une stratégie de dédiabolisation engagée il y a 10 ans. En 2004, le « Parti national-socialiste d’Ukraine » néo-nazi, fondé en 1995, optait pour la dénomination plus consensuelle de « Svoboda » — « Liberté » en langue ukrainienne. Simultanément, la rune « Wolfstangel », symbole de « l’idée nationale » et insigne de la division SS « Das Reich », faisait place aux trois doigts couleur or, évocation « conviviale » du traditionnel trident ukrainien.
Mal acceptée par certains militants attachés à l’emblématique nazie, cette mue symbolique n’a en revanche guère affecté le discours du parti ultra-nationaliste. Ainsi, note la chercheuse, Halyna Bocheva, auteure d’une étude consacrée à l’extrême-droite ukrainienne, « Svoboda articule un discours ouvertement raciste à l’encontre des minorités visibles ».
Née à kiev de père congolais et de mère ukrainienne, la chanteuse pop « Gaitana » a été prise pour cible par « Svoboda ».
« Négros » et « youpins »
Outre les étudiants africains, qui, comme en Russie, constituent des cibles permanentes pour l’extrême-droite, « Svoboda » vise les quelques Noirs et métis du pays, dont la chanteuse « Gaitana », native de Kiev, de père congolais et de mère ukrainienne. Une « négresse », aux yeux de l’extrême-droite, qui « représente un coin quelque part en Afrique », estimait Yuri Syrotiuk, porte-parole du parti. Juifs et Russes, sont quant à eux, selon « Svoboda » les « ennemis naturels de la Nation ».
Un Poutine « pédé » et « enjuivé »
« La « mafia judéo-russe » contrôle le Kremlin », expliquait en 2004 Oleg Tiagnibok. Des Juifs qui seraient, depuis la Révolution bolchévique, les agents de la « russification », mettraient aujourd’hui le pays en coupe réglée via le gouvernement Ianoukovitch aux ordres du « Juif Poutine » et prépareraient un « génocide » contre la population chrétienne du pays. Des thématiques racistes qui expliquent le soutien, a priori paradoxal, que reçoit « Svoboda » d’une partie de l’extrême-droite russe, elle-même en pointe des manifestations anti-Poutine de l’an dernier, laquelle pourfend sans répit un Poutine « pédé » et « enjuivé ».
Oleg Tiagnibok, leader de Svoboda. À droite, le portrait de Stepan Bandera, chef collaborationniste ukrainien durant la Seconde Guerre mondiale.
Elle regrette la « fin de l’Apartheid en Afrique du Sud »
Au nombre de ses soutiens russes, « Svoboda » compte aussi l’ancienne dissidente, Valeria Novodvorskaya, qui, par ailleurs, dit « regretter » la « fin de l’Apartheid en Afrique du Sud ». En 2010, « Svoboda » appelait au boycott d’une exposition consacrée aux massacres de Polonais et de Russes par les Nazis au cours de la Seconde Guerre mondiale : une « provocation judéo-polonaise », selon le bureau du parti, dont le dirigeant dissertait plus tôt, en séance parlementaire, sur la distinction entre « youpins » et « Juifs », « Russkofs » et Russes. Nostalgique de la collaboration ukrainienne, « Svoboda » soutient la réhabilitation de la division SS « Galicie », partiellement composée de volontaires ukrainiens sous l’occupation nazie.
« Voler l’or des Ukrainiens »
Le parti s’inscrit ainsi dans un courant mémoriel et culturel initié par la « Révolution orange » qui, en 2004, a consacré la victoire du tandem pro-européen composé de Viktor Iouchtchenko et de Ioulia Timochenko. Cette dernière avait d’ailleurs en 2004 pris la défense du journal raciste « Isti Visti », auteur — entre autre — d’un article selon lequel « 400.000 Juifs ukrainiens avaient rejoint les troupes nazies pendant la Seconde Guerre mondiale, afin de voler l’or des Ukrainiens ».
 Un nazisme relooké
Outre la réhabilitation de plusieurs nazis notoires et la consécration du collaborationniste, Stepan Bandera, au rang de « héros national », la Révolution orange fut la matrice d’une culture d’extrême-droite underground, qui irrigue la confuse constellation de groupuscules qui, à la faveur de la crise, ont le vent en poupe en Europe : un nazisme relooké, qui mêle antisémitisme, suprématisme blanc, rejet des musulmans, hédonisme, post-modernisme et combine, en fonction des enjeux, discours social, féminisme, ultralibéralisme et appels à la tradition.
Aux portes du pouvoir ?
À la faveur de la crise de la corruption bien réelle du gouvernement en place, et de son recrutement caricaturalement favorable aux russophones, « Svoboda » met en avant des solutions économiques anti-libérales telles que la nationalisation des grandes industries, le protectionnisme économique, la sécurité de l’emploi, la protection de la paysannerie et l’extension du service public. Un agenda qui contredit en tous points le Traité d’intégration à l’Union européenne défendu par le parti, puisque celui-ci, rapporte la revue « Ekspert », exige de l’Ukraine la privatisation de son industrie gazière et le relèvement des tarifs individuels du gaz…
« Svoboda est devenu un acteur décisif du jeu politique ukrainien », observait en septembre dernier l’universitaire, Dustin Christensen, qui, déjà, voyait dans l’éventuel rejet de l’accord d’intégration avec l’Union européenne un facteur de crise politique susceptible de mener le parti de M. Tiagnibok aux portes du pouvoir. Nul doute que le bombardement de son parti au nombre des « forces démocratiques » par les médias occidentaux — et la diplomatie allemande, qui retrouve assez logiquement le fil de la Mitteleuropa — nourrira encore cette dynamique.
Geoffroy Géraud Legros
L’auteur de cet article a vécu plusieurs années dans l’aire qu’il est convenu de nommer « Europe centrale et orientale ». Outre ses travaux de recherche, il s’est investi dans la vie civile et politique des pays où il a séjourné — notamment dans l’espace (ex-) yougoslave. C’est l’observation, appliquée à l’Ukraine, de constantes dans la démarche des médias occidentaux, et notamment français, qui a suscité l’écriture de ces quelques lignes.
Non, « Svoboda » n’est pas un « parti nationaliste », comme on peut le lire un peu partout. Non, Oleg Tiagnibok n’est pas le « chef du parti de la Liberté », avec toute l’équivoque que peut comporter, dans le texte, la traduction bien placée d’un label partisan adopté sur le tard.
M. Tiagnibok est un dirigeant nazi, « Svoboda » est un parti nazi, et ce sont des emblèmes nazis et des mots d’ordre nazis que répercutent journaux et télés qui font leurs choux gras de la crise ukrainienne.
De même, les groupes issus du mouvement « Panthères » (Panteri), qui ont assailli le Parlement slovène en 2010, n’étaient pas, comme on a pu le lire, des « jeunes révoltés  » : ce sont des néo-nazis, qui tabassent, voire tuent les « nègres » (Zamorc) et confondent dans leur détestation Juifs, Serbes, Bosniaques, Croates, rassemblés sous le terme de « čefur », lui-même issu du vieux turcisme « čifut » : « youpin ».
Les manifestants-type de Moscou et de Kiev ne sont pas des geek à barbiche et à la coule, des activistes LGBT et des bloggers férus de droits de l’homme : ces gens-làn’existent pas en terme de rapport de force politique — ou existent juste assez pour servir d’idiots utiles à la large masse des néo-nazis, ultranationalistes et nostalgiques de l’ère Brejnev qui occupent les rues et écrivent, par exemple, qu’un tunnel caché relie le Kremlin à des synagogues secrètes où se déroulent des meurtres rituels.
Pire : tout se passe comme si, sans le savoir, nos confrères avaient pleinement intégré les lieux communs de la littérature consacrée aux « transitions » post-communistes — dont la mesure du caractère démocratique d’une société, à sa seule aptitude à garantir le « marché libre et non faussé ».
Ainsi, l’extrême-droite hongroise au pouvoir, active de longue date, raciste, pan-ottomane, qui veut dresser des « listes de Juifs nuisibles à l’État » et affirme que « l’islamisme est la seule chance de l’Europe » n’a commencé à inquiéter les faiseurs d’opinion qu’au moment où il s’est avéré qu’elle pourrait — peut-être — nationaliser certaines entreprises.
À l’inverse, on tend la perche (de micro) à des dirigeants croates qui emprisonnent leurs opposants, font l’apologie du régime nazi des Oustachi, et exigeaient après 1992 de la part de fonctionnaires yougoslaves présents sur le sol du nouvel État la production d’une domovnica — certificat de nationalité impossible à décrocher pour qui n’était pas « purement » Croate.
On préfère zoomer les tresses de Mme Timochenko que les réhabilitations d’anciens nazis qui ont lieu en Ukraine, mais aussi en Estonie, en Lettonie et en Moldavie ; on ne veut pas voir l’édification d’Etats autoritaires en Géorgie, en Serbie, ni, dans un autre registre, les progrès du salafisme dans la Bosnie soi-disant multiculturelle. Tout cela parce que les dirigeants de ces Etats, souvent plus autoritaires encore que leurs prédécesseurs, procèdent à des privatisations favorables aux intérêts des pays occidentaux — ou plus exactement, aux multinationales.
Cette cécité a de graves conséquences : non seulement par le pouvoir de légitimation qui accompagne la parole des médias de l’Ouest dans une Europe orientale qui continue de se vivre, selon la formule de Conrad, « sous l’œil de l’Occident ». Mais aussi, parce que l’extrême-droite « moderne », qui, après la Hollande, trouve à l’Est ses fabriques idéologiques et symboliques, profite dans son ensemble de cette mondialisation des symboles, thématiques et postures que lui offre une presse pourtant affairée, chez elle, à traquer antisémitisme, racisme et nazisme jusque dans le coeur ténébreux de l’inconscient et de l’implicite…
GGL





__________________________________________________________________________
 

 
Vive la Crimée russe !

Matzneff 
Le Point.fr - 17/03/2014


J'ouvre au mot "Crimée" le célèbre Dictionnaire universel d'histoire et de géographie de Bouillet paru chez Hachette en 1843, je lis : "La Crimée, la Chersonèse Taurique des anciens, presqu'île de la Russie d'Europe, sur la mer Noire." Cette définition a la clarté du cristal.
Délivrée en 1783 du joug turc par Catherine II - l'impératrice des Lumières, amie de Diderot, de Voltaire, de Grimm, de Giacomo Casanova -, ce fut en 1791 que la Crimée devint définitivement russe. Cet exemple de la Crimée allait stimuler de manière admirable les patriotes grecs, et trente ans plus tard ce sera la Grèce qui, à son tour, se soulèvera contre l'occupation étrangère.
Qu'il s'agît de la Crimée ou de la Grèce, de l'impératrice Catherine de Russie ou de lord Byron, l'Europe progressiste, favorable à l'autodétermination des peuples, suivit avec enthousiasme ces reculs de l'impérialisme ottoman, ces victoires de la liberté.

Une politique décidée à Washington
Qu'en est-il aujourd'hui ? Les dirigeants européens semblent ignorer tout de leur propre histoire, ils sont comme frappés d'amnésie. Sans doute est-ce une des raisons de leur servile ralliement à la politique étrangère américaine. Lors de la guerre de l'Otan contre la Serbie, le président des États-Unis, le démocrate Clinton, aurait voulu que l'aviation turque bombardât Belgrade. Ce fut François Mitterrand qui le dissuada de commettre une pareille folie. L'ignorance qu'avait Clinton de l'histoire européenne, son successeur Obama en a, c'est l'évidence, hérité. Hélas, en 2014, à Paris, nous n'avons plus un François Mitterrand pour éclairer sa lanterne et désormais l'Élysée, le Quai d'Orsay ne sont que les caisses de résonance de la politique décidée à Washington.
Au train où vont les choses, je ne m'étonnerais pas que dans les mois à venir Obama et ses vassaux européens n'invitent leurs amis turcs à faire valoir leurs droits sur la Crimée. Ne l'ont-ils pas occupée de 1475 à 1783 ? La Turquie n'est-elle pas membre de l'Otan depuis 1952 ? Aux yeux des États-Unis, ces deux titres leur donnent assurément des droits à la reconquête, le second surtout, car pour les Américains les Européens se divisent en deux blocs : les bons qui font partie de l'Otan et les méchants qui ne lui appartiennent pas. Si les Polonais et les Ukrainiens sont présentement si bien vus de la Maison-Blanche, c'est parce qu'ils appellent de leurs vœux la protection de l'Otan contre les Russes, se montrent des serviteurs zélés et dociles des intérêts américains.
Deux poids, deux mesures
Dans le cas où Obama, pour se venger de Vladimir Poutine, encouragerait les Turcs à envahir la Crimée comme, il y a quarante ans, ils envahirent Chypre, je suis convaincu que M. Laurent Fabius, notre infatigable ministre des Affaires étrangères, pourrait obtenir de Son Altesse turque Erdogan qu'en échange de l'appui de la France il nomme Mamamouchi le vaillant président François Hollande. "Mamamouchi, vous dis-je. Je suis Mamamouchi." (Le Bourgeois gentilhomme, acte V, scène 1.)
Lundi matin, à Europe 1, dans sa revue de presse, la spirituelle Natacha Polony raillait tel quotidien de gauche parisien qui, après avoir soutenu le démembrement de la Yougoslavie, applaudi à la mainmise sur le Kosovo, berceau historique de la Serbie, par une bande de mafieux islamistes, à présent refuse aux habitants de la Crimée le droit de se sentir et de se vouloir russes. De fait, ce qui est choquant dans cette affaire, c'est le deux poids, deux mesures. Il est certes toujours délicat d'accuser les gens qui ne pensent pas comme vous de malhonnêteté intellectuelle, mais, si ce perpétuel deux poids, deux mesures pratiqué par certains intellos n'est pas de la mauvaise foi, ça y ressemble diablement.
Ah ! la Chersonèse Taurique des anciens Grecs ! Quel nom charmant ! Et plus que jamais d'actualité. Connaissez-vous le titre de l'exarque du patriarche de Moscou en France ? C'est celui d'évêque de Chersonèse. Depuis toujours, à chaque liturgie eucharistique, dans les paroisses orthodoxes de France qui dépendent du patriarcat de Moscou, nous prions pour l'évêque de Chersonèse. Ceux d'entre les lecteurs du Point qui me font l'honneur d'avoir mes livres dans leur bibliothèque savent que l'un de ces prélats m'inspira même un poème intitulé précisément "Chersonèse".
Vive la Crimée russe !
En ce temps pénitentiel de carême, je vous ferai un aveu. De son vivant, je fus jaloux de mon ami le théologien Olivier Clément. Je l'aimais beaucoup, il fut le témoin de mon mariage religieux à Londres, je suis le parrain de son fils, mais le patriarche de Constantinople lui avait conféré la distinction de Grand Chartophylax du Trône oecuménique, et cela m'épatait à un point dont vous n'avez pas idée. Faire graver sur ses cartes de visite : "Grand Chartophylax du Trône oecuménique", un rêve !
J'ai longtemps espéré que le patriarche de Constantinople, sensible à la place éminente qu'occupe l'Église orthodoxe dans mon travail d'écrivain, ferait de moi aussi un Grand Chartophylax, mais le temps passe, et telle Mme de Marlborough, je ne vois rien venir. Désormais, tous mes espoirs se tournent vers le patriarche de Moscou. Si je réussis à convaincre M. François Hollande de tenter à son tour de convaincre son ami Obama d'accepter que la Crimée reste russe et de renoncer à de misérables représailles d'ordre économique, ne pourrais-je pas recevoir l'Ordre de Saint-Vladimir (de Kiev, soit dit par parenthèse) ou, tel Tintin dans Le Sceptre d'Ottokar, être fait chevalier de l'Ordre du Pélican d'or ? Une telle distinction réjouirait mes vieux jours et, assurément, m'emplirait de bénignité envers l'actuel chef de l'État. La semaine dernière, dans ces colonnes, grâce à Christophe Girard, je me suis réconcilié avec M. Manuel Valls. Si demain, grâce à Sa Sainteté Cyrille Ier, je me mettais à écrire du bien de François Hollande, ce serait un miracle comparable à ceux de Lourdes ! Le Mamamouchi et le Chartophylax la main dans la main ! Embrassons-nous, Folleville ! Vive la Syldavie indépendante ! Vive la Crimée russe !




__________________________________________________________________________
 


http://www.marianne.net/elie-pense/xml/syndication.rss
Crimée, ou l'hypocrisie occidentale

Rédigé par Elie Arié le Mardi 18 Mars 2014
 
 
Toute la diplomatie occidentale (États-Unis et Europe) refuse d’accepter le verdict des urnes du  referendum de Crimée, par lequel la majorité de ses habitants ont choisi de quitter l’ Ukraine pour réintégrer la Russie, le déclarant illégal parce que réalisé sans l’accord du gouvernement central ukrainien  - contrairement à  celui, donné en exemple,  par lequel les Écossais se prononceront sur leur indépendance en septembre prochain, et réalisé, lui, avec l’accord de la Grande-Bretagne.
Mais l’ Occident a la mémoire très courte, et une interprétation à géographie variable du droit international.
Par  le référendum des mois de septembre et octobre 1991, réalisé sans l'aval du gouvernement serbe, le  Kosovars choisissaient l'indépendance.
On connaît la suite : entre le 24 mars 1999 et le 10 juin 1999, l’OTAN procédait à des frappes aériennes sur la Serbie, dont les troupes étaient venues défendre cette partie de son territoire ; le 17 février 2008, le Parlement de la province serbe du Kosovo, jouissant déjà (comme la Crimée dans l’ Ukraine) d’un large régime d’autonomie, réuni en session extraordinaire, votait  le texte présenté par le premier ministre Hashim Thaçi proclamant l'indépendance du Kosovo, malgré les protestations de la Serbie dont il faisait encore officiellement  partie ; dans les quelques  jours qui suivirent, les États-Unis, la France, l'Allemagne et  le Royaume-Uni reconnaissent l'indépendance du Kosovo ( à noter que personne, à ce moment-là, ne s’est jamais préoccupé du sort des importantes minorités serbes vivant dans cette province autonome de Serbie).
Où était la différence, du point de vue du droit international , entre la Crimée et le Kosovo?
Si on fait appel à l’Histoire, le comportement occidental n’y trouve guère davantage de justifications :
•  tout comme l’Ukraine fut le berceau historique de la Russie, les Slaves n’étant chassés vers Moscou que par les invasions des Tatars mongols des XIIème et XIII ème siècles, le Kosovo fut le berceau historique de la Serbie ;
•   la Crimée a été « donnée » à l'Ukraine en 1954, par décision unilatérale et solitaire de Khrouchtchev (ancien dirigeant du PC ukrainien), sans consulter ses habitants, traités ainsi comme des esclaves d’autrefois, qu’on pouvait vendre  ou offrir à sa guise, sans leur demander leur avis.
 
Certes, on a vu en Tchétchénie la manière dont Poutine appliquait, à l'occasion, « le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes »; mais, en Ukraine, il ne fait que tirer les conséquences de la promesse faite par l' Occident à Gorbatchev et non tenue de ne pas intégrer dans l' OTAN les pays ex-communistes d' Europe de l' Est si la Russie les évacuait : l' Occident a le Poutine qu'il mérite.
Gageons toutefois  que le parallèle entre la Crimée et le Kosovo s’arrêtera là : il me semble peu probable que l’ OTAN procède à des frappes aériennes sur la Russie, si ses troupes continuaient à venir  contrecarrer localement les positions diplomatiques occidentales : le « droit d’ingérence » n’a jamais été que le droit d’ingérence du fort sur le faible. Selon que vous serez puissant ou misérable...
Gageons aussi que, pour l’avenir, certaines déceptions attendent les habitants de la Crimée : parmi les multiples et complexes raisons des révoltes ukrainiennes, figure indiscutablement le désir de ses citoyens d’être gouvernés par dirigeants moins corrompus que ceux qui se sont succédé à sa tête depuis sa « révolution orange » de 2004 ; et, de ce côté-là, il est peu probable que le passage sous l’autorité du régime de Poutine leur apporte satisfaction... Mais ceci est une autre histoire.



__________________________________________________________________________
 


http://www.ahmedbensaada.com/
Ukraine: autopsie d’un coup d’état
 
Ce site étant empreint d'une idéologie spécifique,  nous choisissons de renvoyer directement nos visiteurs à sa lecture.
S'agissant de Maidan et de ce que l'on peut néanmoins qualifier de "révolution colorée" , Ahmed Bensaada fournit cependant une documentation fort exhaustive.