kalinka-machja CERCLE CULTUREL ET HISTORIQUE CORSE-RUSSIE-UKRAINE

ANTISEMITISME "HISTORIQUE" EN UKRAINE ?


Trois figures contestées du nationalisme ukrainien : Petliura, Makhno, Bandera.
 
Symon Petliurahomme de guerre mais aussi homme de Lettres (22 mai 1879 - 25 mai 1926). alimente encore de nos jours de vives controverses à propos du sort réservé aux Juifs en Ukraine durant les  années  où il fut homme de guerre et  exerça  les fonctions de chef d’État (1917-1920).
Ce responsable nationaliste fut assassiné en 1926 à Paris par un jeune anarchiste juif qui affirma lors de son procès avoir été motivé par l'unique désir de venger les pogroms d’Ukraine, mais qui fut aussi soupçonné d'avoir été manipulé par les bolcheviques.
La dichotomie des opinions et des jugements concernant Petlioura trouve son origine dans les « camps » d’appartenance respectifs : celui de ses admirateurs Ukrainiens, ou celui des membres de la communauté juive qui refusent la négation ou l’oubli.
 
Il en va de même pour un autre chef de guerre ukrainien de cette tragique époque, l’anarchiste Nestor Makhno, qui souleva les masses paysannes de l’Ukraine profonde et, tantôt allié, tantôt adversaire, combattit simultanément ou alternativement les Bolchéviques, les Blancs .... et Petlioura  lui-même.

Tous deux furent accusés d’antisémitisme plus ou moins caractérisé pour avoir sinon organisé, du moins laissé se développer sans réaction les nombreux pogroms dont fut alors victime la communauté juive d’Ukraine.
Sans ressusciter une polémique sulfureuse à propos des comportements de chacun de ces deux Ukrainiens devenus des personnages historiques, il convient de replacer ces comportements  ou attitudes dans le contexte de la période.
 
- La forte présence d’une communauté juive d’implantation séculaire en Ukraine, dont l’émancipation la conduisait à prendre un poids économique (relatif) jalousé par la paysannerie ukrainienne, constitue l'un des éléments de la problématique en question.
- Une influence culturelle grandissante de cette même communauté a sans doute attisé des rancœurs dans l'intelligentsia et la bourgeoisie ukrainiennes.
- Les prêches d’un clergé « basique » orthodoxe ancré dans des préjugés religieux ancestraux ont dû vraisemblablement contribuer à la stigmatisation des juifs.
- Il faut y ajouter un « état d'esprit » hérité de l’Empire russe. En effet ce dernier avait longtemps imposé aux Juifs un statut dont le moins que l’on puisse dire est qu'il ne leur était pas très favorable. Nombre de Juifs  ont en conséquence adhéré aux divers mouvements révolutionnaires qui ont précédé la révolution de 1917. Le comportement des couches populaires ukrainiennes a donc été expliqué également par le fait que les Juifs avaient fourni au parti bolchevique tout à la fois d’éminents théoriciens, des cadres, et des partisans "zélés" dans la répression.
- Enfin l’histoire partagée de la Pologne et de l’Ukraine, ainsi que leur proximité géographique immédiate, notamment dans le sud, ne sont pas à négliger.
A l’époque des pogroms ukrainiens la population juive de Pologne, forte au moins de 3 millions d'âmes, (près de 10% de la population totale ) bénéficiait d’une culture affirmée, faite d’une langue spécifique et d’une pratique religieuse solidement étayée. Elle était cependant victime d'un antisémitisme prononcé, antisémitisme au demeurant alimenté par un clergé catholique traditionnellement très influent dans le pays. 
Tout ceci n’a pas été absent des événements d’Ukraine. 

Si les historiens parviennent à s’accorder sur la difficulté d’attribuer des responsabilités évidentes ou claires à Symon Petlioura et Nestor Makhno, ils restent partagés sur leur degré d’implication dans ce que l’on pourrait appeler la fureur antisémite de l’époque.
De nos jours la polémique n’est pas éteinte : les partisans de Petlioura et Makhno rejettent l’accusation portée contre ces derniers d’avoir inspiré, encouragé ou « commandité » les pogromistes. Pour leur part, les Juifs soucieux de perpétuer le souvenir des persécutions subies par leur communauté imputent aux deux chefs militaires une responsabilité dans les massacres perpétrés. Il faut préciser que l’entreprise hitlérienne d’extermination du peuple juif vécue ultérieurement (shoah 39-45) leur confère,  à travers le temps, une "légitimité mémorielle". 

S’agissant de Petlioura, nombre de ses épigones ou thuriféraires réfutent les assertions le concernant et préfèrent avant tout lui rendre hommage pour son combat en faveur d’une Ukraine libre. Il est donc célébré aussi bien dans les sphères gouvernementales ukrainiennes actuelles que dans celles de l'émigration (non juive s'entend).

Makhno, pour sa part, ne bénéficie pas de la même notoriété, et son culte ne survit que dans la sphère restreinte des anarchistes relevant d'une sorte de « canal historique ».
Il faut dire que le régime soviétique s’est acharné à le déconsidérer, et qu’il n’a eu ni les hautes responsabilités politiques ni la dimension culturelle de Petlioura.

Quant à Stepan Bandera (1ᵉʳ janvier 1909-15 octobre 1959) il est le plus controversé des trois dans la mesure où son nationalisme ukrainien et sa haine du bolchevisme l'ont conduit à  pactiser avec les nazis lors de la seconde guerre mondiale.
Ses compromissions avec l'envahisseur allemand sont volontiers rappelées par le Pouvoir russe tandis que dans l'Ukraine actuelle  il bénéficie d'une sorte de réhabilitation, voire même d'une culte officiel.
 
Qu’en est-il précisément de l'antisémitisme en Ukraine ? Elle compte un nombre considérablement réduit de Juifs par rapport à la période prérévolutionnaire. Ceci est dû à une forte émigration en Amérique et en Israël, émigration très largement suscitée par les persécutions subies.
La communauté juive ukrainienne  connaît cependant une curieuse situation : certains de ses membres occupent d’éminentes fonctions politiques, dont celle de chef de l’État, et elle comporte dans la vie économique des  « oligarques » influents … alors que l’on a pu noter la résurgence de mouvements de type néo-nazi lors des événements qui ont accompagné ou suivi Maïdan.


Jean Maiboroda


 
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Les articles qui suivent traitent de réminiscence mémorielle et de ré-écriture de l'histoire à propos de l'antisémitisme ukrainien.
J.M

 

 
Union de concurrents: Batko Makhno et L'Ataman Petlura

17 Septembre  2014
  • https://topwar.ru/58333-soyuz-konkurentov-batko-mahno-i-ataman-petlyura.html
  • Histoire
auteur:        Iouri Gluchakov
origine:       http://rusplt.ru/world/soyuz-konkurentov-batko-mahno-i-ataman-petlyura-12718.html

 
OBSERVATIONS :

Traduction automatique  plutôt approximative. Correction par personne qualifiée souhaitée.
Diatribe qui éclaire les divergences idéologiques de l'époque .
JM


 



 

 
 
Union des concurrents : Batko Makhno et Ataman Petlyura
La rencontre d’un anarchiste et d’un nationaliste


Colère douloureuse

En Ukraine, il y a toujours eu une place pour divers enseignements et courants radicaux. Depuis les années 1870, le mouvement anarchiste a commencé à s’y développer rapidement. Au début du XXe siècle, deux des trois plus grands centres de l’anarchisme de l’Empire russe étaient situés en Ukraine - à Odessa et Ekaterinoslav (aujourd’hui Dnepropetrovsk). Dans la province d’Ekaterinoslav pendant la révolution russe de 1905-1907, les activités de l’un des anarchistes les plus célèbres du monde du XXe siècle, Ataman Nestor Makhno, ont commencé.

Cette activité pouvait très rapidement se terminer sur la potence - le jeune travailleur Nestor ne distribuait pas les pamphlets du prince Kropotkine, mais se livrait à la terreur et aux expropriations. Mais le nœud coulant a été remplacé par le travail forcé. Au printemps 1917, Makhno, au zénith de sa renommée de condamné politique libéré par la révolution, retourne dans son village natal de Gulyaipole. Les passions politiques bouillonnent ici, divers partis se battent pour les âmes des paysans locaux, ainsi que des ouvriers, dont il y avait aussi beaucoup à Gulyaipole. Presque tous les agitateurs du parti sont des socialistes de différentes obédiences, ils ne diffèrent que par le degré de radicalisme et leur attitude à l’égard de la question ukrainienne. Le groupe de communistes anarchistes Gulyaipol dirigé par Makhno s’est déclaré international.

S’exprimant contre tous les partis « menant une sale lutte pour le pouvoir », l’anarchiste Makhno avait une méfiance particulière envers les nationalistes ukrainiens. Sinon, en tant que chauvins, il ne les appelait pas. Dans ses mémoires, Makhno a écrit que les chauvins ukrainiens « persécutaient tous les révolutionnaires, le qualifiant de « traître à l’Ukraine » et de défenseur du « katsapiv », qui selon « l’idée » de la Rada centrale ukrainienne ... il fallait tuer, 'yak gobyli v movi'. » Une telle idée a offensé les paysans. Ils ont tiré les prédicateurs de la tribune et les ont battus. Ce sermon des Ukrainiens chauvins a poussé la population ouvrière du district de Gulyaipol sur la voie de la lutte armée contre toute forme d’ukrainisme isolé, parce que la population voyait dans ce chauvinisme, qui était en fait l’idée directrice de l’ukrainisme, la mort pour la révolution.
 
Nestor Makhno (à l’extrême gauche dans la rangée du bas) avec un groupe d’anarchistes de Gulyaipol, 1909. Source : makhno.ru
 
Mais Nestor Makhno, sans aucun doute, était un Ukrainien ethnique, mais du sud-est de l’Ukraine. Il a ensuite exposé son attitude à l’égard du problème de la langue ukrainienne dans ses mémoires. À l’été 1918, Nestor traversa l’Ukraine de l’Hetman : « Et moi, ne connaissant pas ma langue maternelle ukrainienne, j’ai dû le défigurer tellement dans mes appels à ceux qui m’entouraient que c’est devenu embarrassant... J’ai un peu réfléchi à ce phénomène; et, pour vous dire la vérité, cela m’a causé une colère morbide... On peut supposer que la base de son rejet de l’ukrainisation était le complexe habituel de l’Ukraine orientale. Longtemps résigné à la russification, mais résistant farouchement à sa conscience brisée à nouveau à travers son genou, cette fois dans la direction opposée.

Cependant, les problèmes linguistiques n’étaient en aucun cas les principaux dans les divergences entre le père anarchiste et les nationalistes ukrainiens. Et à la fois avec leur aile conservatrice de droite en la personne des Hetmans, et avec la gauche - avec les Petlyuriens et les socialistes similaires. Tous, de son point de vue, n’étaient que des traîtres bourgeois. Les seules exceptions pourraient être les socialistes-révolutionnaires de gauche ukrainiens et les nationalistes d’ultra-gauche comme les « SR communistes » des Borotbistes.

Très vite, les divergences entre les bolcheviks et les anarchistes d’une part et les nationalistes ukrainiens d’autre part sont passées du plan théorique à l’armée. Au début d’avril 1918, les troupes de la République populaire « socialiste » d’Ukraine (UNR) reprirent Iekaterinoslav aux bolcheviks et se dirigèrent vers Gulyaipol. Ici, au centre même du mouvement makhnoviste, une conspiration a également mûri, dont le noyau était composé d’anciens officiers ukrainisés A. Volokh, L. Sakhno-Prikhodko, O. Solovey, T. Byk, agronome Y. Domashenko. Ils ont également été aidés par des traîtres individuels, tels que Lev Schneider, membre du groupe de communistes anarchistes Gulyaipol, et Vasily Sharovsky, un Makhnovite.

Makhnovets Nazariy Zuychenko a décrit ce coup d’État à Gulyaipole : « Les conspirateurs ont remplacé la compagnie de service de garnison par une compagnie juive (centrale), qui a été influencée par la communauté juive, intimidée par les nationalistes. Il a joué un rôle décisif, arrêtant des membres du Comité révolutionnaire, du Conseil des députés ouvriers et paysans et des membres actifs du groupe anarchiste communiste. Lev Schneider, notre ancien chef de groupe, a été le premier à pénétrer dans les locaux du bureau de notre groupe, où il a déchiré des banderoles, arraché les murs et piétiné avec ses pieds des portraits de Bakounine, Kropotkine, le défunt chef de groupe Sasha Semenyuta. Les conspirateurs ont présenté nos fusils, nos mitrailleuses et plusieurs centaines de fusils aux envahisseurs qui sont entrés dans Gulyaipole, et lors du rassemblement, le même Lev Schneider a fait un discours ignoble. Mais les Haydamaks n’aimaient pas cela et scandaient toujours les slogans « Battez les Katsaps et les Juifs - sauvez l’Ukraine! ». Sharovsky s’est comporté différemment et, au dernier moment, a encore averti les anarchistes de Gulyaipol du danger qui les menaçait.

 
 
Pavlo Skoropadsky. Source : ar25.org


Les makhnovistes n’ont pas eu le temps de compter avec les socialistes nationalistes de l’UPR pour le coup d’État, le 29 avril, la Rada centrale elle-même a été victime d’un coup d’État organisé par leurs propres alliés allemands. Les Allemands portent au pouvoir l’hetman Pavlo Skoropadsky, qui équilibrait entre les propriétaires terriens nationalistes ukrainiens réactionnaires et les centaines noires russes. Les makhnovistes ont remboursé le régime conservateur de l’hetman au centuple, non pas par peur, mais par conscience, ce qui a aidé les Allemands et les Austro-Hongrois à pomper des ressources hors d’Ukraine et à voler la population. En coordination avec Lénine et le gouvernement soviétique, Makhno retourna dans la région de Zaporozhye et organisa une guérilla impitoyable contre les Haydamaks et les occupants.

Skoropadsky a pleinement justifié son nom de famille - il est tombé bientôt. Mais même après que les sociaux-démocrates ukrainiens et les socialistes-révolutionnaires aient restauré la république à la fin de 1918, Makhno a continué à se concentrer sur une alliance avec le pouvoir soviétique. Malgré toutes les contradictions et le dénouement tragique qui s’ensuivit, le seul allié stratégique de son armée fut toujours les bolcheviks. Et ici, le point n’est pas dans les préférences personnelles – c’était la nature de la révolution sociale en Ukraine, dont les différentes unités étaient des communistes bolcheviks et des communistes anarchistes. Dans l’armée elle-même, en plus des anarchistes fidèles, il y avait aussi des socialistes-révolutionnaires de gauche et des communistes de gauche dans les postes de commandement. Mais les nationalistes ukrainiens radicaux, même de gauche, n’ont pas été autorisés à entrer dans « l’armée nommée d’après Batka Makhno ». Cependant, parfois, dans le choix des alliés et le principe Nestor Ivanovich avait des exceptions.

En décembre 1918

, alors que le gouvernement hetman-allemand se désintégrait et que les forces du Don blanc et des hommes de Petlyur rivalisaient dans la lutte pour le territoire de l’Ukraine, le détachement de Makhno se trouvait dans une situation difficile - les rebelles manquaient cruellement d’armes  et de munitions. Et puis l’ancien colonel tsariste Gorobets a pris contact avec les Makhnovistes par téléphone. Il était le chef de la province d’Ekaterinoslav sous l’hetman monarchiste, pour avoir « protégé l’ukrainienité », il a été laissé commissaire de la province d’Ekaterinoslav et sous le socialiste Petlyur. Le siège de Makhno a accepté la proposition du commissaire provincial. Après des négociations avec Gorobets, un accord a été conclu - l’armée makhnoviste a reçu des armes des hommes de Petlyur, permettant au Directoire de l’UPR de mener des mobilisations sur son territoire. Le commissaire-colonel Gorobets a immédiatement expédié un wagon de munitions et un demi-wagon de fusils aux rebelles - les « soi-disant » avaient besoin de tout allié dans la lutte contre les partisans de la « Russie unie et indivisible » qui les habitait. Selon les mémoires de Chubenko, pour un pot-de-vin décent dans un dépôt d’artillerie, les rebelles ont également réussi à obtenir des bombes et des explosifs - étaient les fondements de la corruption, qui a ensuite endommagé l’Ukraine?

 
 
Армия УНР во время полевых занятий, 1918 год. Источник: wikimedia.org


Cependant, dès que les membres du quartier général makhnoviste allaient rentrer, ils sont montés dans la voiture, lorsque les hommes armés de Petlyur ont fait irruption. Un Gorobets furieux brandit un télégramme l’informant que Makhno avait occupé Sinelnikovo et piraté la compagnie républicaine. Chubenko a réussi à convaincre le commissaire petlyur qu’il s’agissait d’une provocation, et les Makhnovistes ont été libérés. Mais sur le chemin du retour à Nijnedneprovsk, ils ont également été accueillis de manière très désagréable par les alliés bolcheviks. Pourquoi sont-ils allés chez les hommes de Petlyur? Chubenko a dû révéler un secret : au départ, aucune alliance avec les nationalistes n’était prévue, le traité était une fiction afin d’obtenir des armes et des munitions des autorités de l’UPR. Cependant, les bolcheviks n’étaient pas très convaincus. Mais ils ont quand même accepté le délégué de Makhnov au Revkom provincial d’Ekaterinoslav.

Cependant, très vite, Makhno montra aux Petlyuriens et prouva aux communistes ce que valait ce traité - le 27 décembre, ses détachements avancés, avec les bolcheviks, sous le couvert de travailleurs de la route, pénétrèrent dans Ekaterinoslav et tombèrent soudainement sur les unités de l’UPR. Après une bataille acharnée, Ekaterinoslav fut repoussé par les hommes de Petlyur. Bien que bientôt les rebelles, qui ont subi de lourdes pertes, aient dû quitter le centre provincial, la question de leurs relations avec la république ukrainienne a été complètement clarifiée.

Le 12 février 1919 s’est tenu le deuxième Congrès des rebelles de première ligne, des conseils ouvriers et paysans du district de Gulyaipolsky, au cours duquel les Petlyuriens, ainsi que les partisans de Skoropadsky, n’ont pas été qualifiés de « bourreaux et voleurs qui empiétaient sur la liberté des travailleurs ukrainiens ». Mais lors du congrès, la question de l’attitude à l’égard de l’EPU a encore fait surface. Un porte-parole de l’armée rebelle, Lavrov, membre du présidium du congrès, a déclaré : « Le gouvernement du Directoire a mobilisé des soldats pour lutter contre la chute rapide ; mais vu le fait que le peuple ne s’arrêtait pas à la plate-forme de construction d’une nouvelle vie par le Directoire, mais allait plus loin, et ne voulant pas mener une guerre fratricide, autorisa la délégation à savoir au siège du Père Makhno s’il était en contact avec Petlyura et s’il était possible d’aller au Directoire ukrainien du peuple. Makhno lui a répondu qu’il n’avait conclu aucun accord avec Petliura et qu’il était impossible de se rendre au Directoire en raison d’opérations militaires.

En déchiffrant le récit officiel des événements, il convient de noter que dans le mouvement makhnoviste lui-même et parmi la population de la zone contrôlée, l’attitude à l’égard de l’EPU pourrait également être ambiguë. L’armée de Makhnov ne pouvait pas être qualifiée de purement anarchiste – c’était un mouvement paysan insurgé de masse avec une variété d’humeurs, y compris antisémites. Et surtout, Makhno lui-même, son quartier général et le groupe de communistes anarchistes Gulyaipol y ont introduit une organisation et une idéologie claire. Par conséquent, on peut supposer que derrière la phraséologie radicale du makhnoviste Lavrov se cache le désir d’une partie des soldats de première ligne d’une alliance avec le Petlyur Directory - et pas seulement afin d’éviter une « guerre fratricide ». C’est juste qu’une partie de la paysannerie « zamozhnykh » du modèle de la région d’Ekaterinoslav d’un État national modérément social-démocrate pourrait être beaucoup plus proche de la commune de Makhnov, bien que libre, mais soviétique. Cependant, la force était pour les commandants de terrain du groupe Gulyaipol, qui se considéraient comme anarchistes, et les « oncles » - soldats de première ligne de Bolchaïa Mikhaïlovka devaient aller au gouvernement provisoire des ouvriers et des paysans à Kharkov au lieu du Directoire du peuple.

Makhno et Petlyura sont deux beaux-fils de la révolution

ukrainienne Pourquoi l’union entre Makhno et Petlyura bEst-ce impossible? Après tout, si vous regardez ces dirigeants les plus remarquables de l’ère de la guerre civile en Ukraine, vous pouvez trouver de nombreuses similitudes en eux. Cependant, il existe des différences encore plus irréconciliables entre eux. Bien que tous deux viennent de la rive gauche, seuls Petlyura du « cœur de l’Ukraine », le traditionaliste Poltava, et Makhno de la luxuriante région cosaque de Zaporozhye. Mais Petlyura vient d’une riche famille bourgeoise, étudiante au séminaire. Et Makhno vient des paysans pauvres. Petliura avait vraiment le choix de devenir prêtre, fonctionnaire ou d’aller à la révolution. Pour Makhno, la seule alternative à l’activité révolutionnaire était la part peu enviable d’un propriétaire terrien ukrainien ou d’un travailleur d’un entrepreneur juif.

 
 
Simon Petliura, 1918. Photo : RIA Novosti


Et dans la révolution, sur la base de leurs « capacités de départ » initiales, ils ont pris différentes voies. Petlyura éduqué dès le début a fait carrière dans la direction de RUP-USDLP. Il avait également un « aérodrome de réserve » - la spécialité d’un comptable et d’un travail éditorial. Et après la défaite de la révolution de 1905-1907, petlyur, non entaché par les « ex » et le combatisme, se tourne vers les activités professionnelles. Mais Makhno dès le début a dû se frayer un chemin avec un revolver dans les mains. Et après la défaite de la révolution, il n’avait tout simplement pas le choix, il ne pouvait plus déposer les armes. Par conséquent, l’éducation de Makhno, qui s’est miraculeusement échappé du « cintre », devait être reçue dans le château de la prison de Butyrka. Dans l’ensemble, même après la Révolution de Février et sa libération, peu de choses ont changé pour lui – personne n’attendait un ancien condamné politique de la province, que ce soit à la Douma ou à la Rada centrale. Mais la force et l’autorité des Soviets révolutionnaires ont grandi précisément à partir de l’énergie exubérante de personnalités telles que Nestor Ivanovitch.

Des personnalités aussi différentes auraient-elles pu être d’accord ? Si cela ne tenait qu’à eux, alors peut-être. Mais derrière eux se tenaient leur entourage, leurs partis, leurs organisations et, surtout, ces masses de personnes dont ils exprimaient les intérêts. Derrière Batka Makhno se trouve la majorité de la paysannerie et une partie des travailleurs du sud-est de l’Ukraine. Derrière l’ataman en chef Petlyura se trouvent l’intelligentsia, les officiers ukrainisés et la partie riche de la paysannerie, principalement d’Ukraine centrale. Selon tous les concepts sociaux de cette époque, l’union entre eux était impossible. Mais le chaos de la situation militaire a dicté ses propres règles.

Batko contre l’ataman

Au même moment dans le sud de l’Ukraine s’élève l’étoile d’un autre commandant de terrain - Ataman Grigoriev. Ancien officier de l’armée tsariste, il servit sous Skoropadsky, mais prit une part active au soulèvement contre l’hetman. N’ayant pas reçu le poste de ministre de la Guerre à l’UNR, il passe des Petlyuriens aux côtés de l’Armée rouge. Pour la prise d’Odessa, Grigoriev fut le troisième de la République soviétique à recevoir l’Ordre du Drapeau rouge. Makhno est quatrième. Mais Grigoriev préfère être ami non pas avec les communistes, mais avec les militants de gauche de la SR. Cette faction anti-bolchevique et, bien sûr, les ambitions napoléoniennes personnelles ont poussé Grigoriev à agir contre les bolcheviks. Et en mai 1918, il a soulevé une rébellion qui a créé une menace mortelle pour le pouvoir communiste en Ukraine.

 
 
Caricature soviétique de l’ataman Grigoriev, 1919. Source : wikimedia.org


Il est caractéristique que Grigoriev soit allé au soulèvement sous des slogans nationalistes, mais avec une teinte de gauche. On peut dire qu’il était en ce moment « laissé » petlyura. Grigoriev est pour l’Ukraine soviétique, seuls les Soviétiques devraient être ukrainiens. Cependant, du point de vue du nationalisme d’ultra-gauche, l’ataman de Tripoliy Zeleny dans la région de Kiev et d’autres commandants sur le terrain ont parlé. Mais dans l’universel d’Ataman Grigoriev, il a été dit que 80% des sièges dans les autorités seront attribués aux Ukrainiens ethniques, et aux Juifs, par exemple, seulement 5%. Le taux réel en pourcentage, comme dans la Russie tsariste. Certes, les Russes ne sont pas du tout mentionnés dans ce pourcentage. En pratique, tout cela se transforme en véritable antisémitisme et en près de quinze cents pogroms juifs. À Yelisavetgrad et à Tcherkassy, les soi-disant Grigorievites tuent plusieurs centaines de Russes avec les Juifs. Beaucoup d’anarchistes hésitent, d’abord sympathiques au « mouvement anti-bolchevique spontané ». Mais bientôt les fusillades des anarchistes commencent. Dans les têtes sombres des Grigorievites, il y a une idée fantastique que ce sont les communistes anarchistes qui étaient à blâmer pour le fait que les « bons » bolcheviks se sont transformés en « mauvais » communistes.

Makhno, malgré le fait que son chef d’état-major, le SR Ozerov de gauche, propose de rejoindre le soulèvement, refuse de soutenir Grigoriev. Et l’Armée rouge, avec les Makhnovistes, les Socialistes-Révolutionnaires-Borotbistes et même l’anarcho-bandit Mishka Yaponchik, répriment la rébellion d’un autre aventurier militaire. Grigoriev lui-même se cache avec un petit détachement.

Mais bientôt, sur ordre de Trotsky, Makhno serait également mis hors la loi. Les détachements de batka et d’ataman se réuniront et feront alliance. Mais très vite Grigoriev sera tué par le makhnoviste Alexeï Chubenko, le garde du corps de l’ataman sera abattu personnellement par Makhno. Le revolver avec lequel Grigoriev a été abattu dans le combat, selon la légende, Makhno enverra à Trotsky. Le prétexte officiel de la liquidation de Grigoriev est les liens prétendument révélés de l’ataman avec les Dénikines. En réalité, l’une des raisons était, apparemment, la rivalité personnelle entre les deux dirigeants.

Makhno et Grigoriev sont également des antipodes complets, bien que tous deux soient des chefs paysans. Makhno est un ouvrier paysan, Grigoriev est une caste militaire. Makhno est un leader spontané qui dirige au nom des masses, Grigoriev est le Bonaparte local. Grigoriev voit l’ennemi principal dans les communistes, et Makhno dans les gardes blancs et les propriétaires terriens. Ataman Grigoriev dans la lutte pour le pouvoir essaie de s’appuyer sur des sentiments antisémites, Makhno tire pour les pogroms juifs.

La rébellion de Grigoriev a eu une conséquence grave : elle a forcé les bolcheviks à limiter fortement la souveraineté de l’Ukraine dans le cadre de l’union militaro-politique des républiques soviétiques.

L’alliance de Makhno et Petlyura-2

Makhno a toujours été imprévisible, tant pour les alliés que pour les adversaires. Petlyura était aussi presque destinée au sort de l’Ataman Grigoriev.

Même pendant l’amitié avec Grigoriev, associé au Directoire de l’UNR, le 27 juin 1919, le commissaire Petlyur est arrivé au siège de Makhno. L’envoyé de l’ataman en chef a promis d’oublier Ekaterinoslav et a de nouveau offert aux Makhnovistes une alliance. Makhno s’y est mis, espérant obtenir à nouveau des armes de l’armée de l’UPR. Un délégué du Makhnovtsy Shpot, qui avait une apparence typiquement ukrainienne et parlait bien ukrainien, a été envoyé au siège de Petlyur. Mais cette fois, les Petlyuriens étaient plus rusés et n’étaient pas pressés d’aider les rebelles avec des armes.


 
 
Quartier général de l’Armée insurrectionnelle révolutionnaire d’Ukraine, 1920. Source : makhno.ru


En septembre 1919, les formations makhnovistes ont été transformées en Armée insurrectionnelle révolutionnaire d’Ukraine, mais se sont retrouvées dans une situation difficile. Dénikine, ouvrant la voie à Moscou, mena une offensive continue contre les rebelles. Après une retraite épuisante de 600 kilomètres de Marioupol au nord-ouest, l’armée makhnoviste a été prise en sandwich entre dénikine et Petlyuriens dans la région de Zhmerynka-Uman. Makhno préférait une alliance avec Petlyura à une guerre sur deux fronts. Pour négocier avec le Directoire, une commission diplomatique spéciale a été créée, dirigée par un spécialiste de la région de Grigoriev, Alexeï Chubenko. Le 20 septembre, à Zhmerynka, un nouvel accord sur la lutte commune contre Dénikine a été signé entre le Directoire de l’UNR et le RVS du RPAU des Makhnovistes. Certes, Vsevolod Volin, qui dirigeait le RVS De Kulprosvet de l’armée de Makhnov, préfère en parler dans ses mémoires comme d’un accord de neutralité, et non d’une alliance. Embarrassé, peut-être même une alliance forcée avec les nationalistes.

Néanmoins, selon cette union, les Makhnovistes ont reçu des munitions et du matériel, plus de trois mille de leurs malades et blessés ont été logés dans les infirmeries de l’UPR à Vinnitsa, Zhmerynka et en Galice. Cependant, la clause sur la liberté mutuelle d’agitation a été rejetée - Petlyura craignait que les prédicateurs de l’anarcho-communisme et une vie tentante sans propriétaires, fonctionnaires et capitalistes ne désintègrent rapidement son armée. Malgré cela, les Makhnovistes ont publié le jour de la signature de l’accord un dépliant d’exposition « Qui est Petlyura? ». Pour les négociations sur la liberté d’expression, l’ataman en chef de l’armée de l’UPR s’est personnellement rendu aux négociations avec Makhno à Ouman. Selon le témoignage du chef d’état-major du RPAU Viktor Belash, le cosaque du Kouban et anarcho-bolchevique Ivan Dolzhenko a proposé de traiter Petlyura comme avec Grigoriev. Un groupe terroriste a été envoyé à Ouman et une brigade de cavalerie a été envoyée avec Makhno. Mais au bonheur de Symon Petlyura, il décida soudain d’échapper à la réunion et, au moment de l’entrée de la brigade de cavalerie Makhnov à Ouman, il s’en éloigna dans son train.

Bientôt, l’armée de l’UPR sera vaincue par les Dénikines, et les fusiliers Sič à Ouman passeront du côté de la « Russie unie et indivisible » et rendront la ville. Ensemble, ils parcourront les hôpitaux et les appartements privés, à la recherche et à l’achèvement des Makhnovistes blessés. Volin écrit généralement que les Petlyuriens ont conclu une trêve avec les Dénikines précisément pour détruire les Makhnovistes et ont délibérément laissé cinq régiments blancs à l’arrière des rebelles. Et en vain. Soudain, la cavalerie Makhnov près d’Ouman lance une contre-attaque et coupe simplement les régiments d’officiers sélectionnés. Les rebelles iront d’ici à un raid profond sur l’arrière de Dénikine, ce qui mettra un terme aux plans du commandant en chef de l’AFSR de prendre Moscou.

 
 
Nestor Makhno (deuxième à partir de la gauche) et les commandants de l’Armée insurrectionnelle révolutionnaire d’Ukraine, 1920. Source : makhno.ru


Par la suite, le siège du RPAU a tenté d’attirer une partie des Petlyuriens dans ses rangs. L’opposant à cela était Makhno. Mais le chef d’état-major pragmatique Belash était un partisan de l’utilisation des hommes de Petlyur contre Dénikine. Il écrit qu’en novembre 1919, Yuri Tyutyunnik, en fait la deuxième personne de l’armée de l’UPR, et les socialistes-révolutionnaires de gauche qui faisaient partie de la direction de cette armée sont arrivés au quartier général de Makhnovsky. Ils ont demandé des armes pour organiser des détachements rebelles dans la région de Kiev. Mais Makhno est intransigeant. « L’UPR est notre ennemi de classe. Je ne permettrai pas qu’un seul fusil soit libéré de l’armée pour ce vassal impérialiste », crie le prêtre à la délégation, et elle doit partir sans rien. Peut-être Makhno a-t-il été influencé par l’exemple malheureux de la GAUCHE SR - un partisan de l’UPR Blakitny-Yelansky, qui a reçu des armes des Makhnovistes, mais sous Chigirin a appelé son détachement des troupes républicaines. Dans le même temps, d’anciens adhérents de l’UPR tels que Matyazh, Gladchenko, Melashko, Ogiy et d’autres ont rejoint l’armée makhnoviste, ont commencé à se dire anarchistes et ennemis de Petlyura. Ainsi, Gladchenko a dirigé le groupe d’insurgés cosaques libres de la région d’Ekaterinoslav dans le cadre du 3e corps iekaterinoslave du RPAU.

Batko Makhno est-il un Soi-disant ukrainien ?

Néanmoins, aujourd’hui, de plus en plus de tentatives sont faites pour dépeindre Nestor Makhno comme un « nezalezhnik » ukrainien, presque comme le deuxième Simon Petliura. Bien sûr, c’est un hommage à la situation politique. Mais quelle est la base de cette interprétation, qui est encore plus libérale que les Soviets de Gulyaïpol ?

En effet, à la dernière étape du mouvement makhnoviste en 1920-1921, une certaine croissance de la conscience nationale a commencé à y être observée. Mais on ne peut pas dire que les Makhnovites étaient à l’origine des « cosmopolites sans racines ». Malgré toute la rhétorique internationaliste, ils se sont toujours sentis ukrainiens. En 1918, un certain détachement d’anarchistes partisans libres publia le tract suivant : « Lève-toi, peuple ukrainien ! Défendez l’Ukraine libre. Chaque jour, chaque heure de plus en plus, votre ennemi, la bourgeoisie allemande et russe aux traîtres gaydamaks, va de plus en plus loin : vos jardins fleuris, vos riches champs, vos maisons, vos forêts, vous emportez vos frères, sœurs, épouses, enfants dans leurs tentacules. Souvenez-vous de vos ancêtres, Taras Bulba, qui se sont battus comme des lions pour la chère liberté de l’Ukraine. Sinon, vous n’entendrez pas un chant de rossignol au-dessus de votre hutte, mais un fouet bourgeois sifflera.

En octobre 1919, les Makhnovistes lèvent l’interdiction du général blanc May-Maevsky sur l’étude de la « langue maternelle » à l’école. Mais dans le même temps, les délégués du quatrième congrès de district à Gulyaipole refusent de discuter davantage de la question de la relation entre les langues russe et ukrainienne en Ukraine, laissant sa solution aux vastes congrès ouvriers et paysans du futur proche. Ils comprennent à quel point cette question est sensible et subtile dans le sud-est, habitée par des Ukrainiens, des Russes, des Allemands, des Grecs, des Serbes, des Juifs, des Bulgares. Mais bientôt dans ce futur même, la section de l’éducation publique, dirigée par l’épouse de Makhno, Galina Kuzmenko, professeur de langue ukrainienne au gymnase de Gulyaipol et ukrainienne consciente, lancera néanmoins une activité rapide pour populariser la langue ukrainienne, le théâtre ukrainien, la littérature, etc. La littérature de propagande des makhnovistes a commencé à être publiée en ukrainien. C’est à la paternité de Galina Kuzmenko, par exemple, qu’un tract signé par Nestor Makhno le 29 septembre 1920 est attribué : « De lourdes heures sont arrivées au jour de l’Ukraine. Znovu na zmuchenu batkivshchyna nasuvOrages khmari. Z Zakhodu yde nezavishny skin Ukraintsevi istorichnyj vorog — Szlachta polonais... » Ce tract, cependant, est dédié à l’alliance des Makhnovistes avec l’Armée rouge pour combattre la Pologne. Mais Ida Mett, qui connaissait bien Makhno depuis l’émigration parisienne, affirme dans ses mémoires que Kuzmenko « appartenait plutôt aux Petlyuriens et n’a jamais rien eu à voir avec le mouvement révolutionnaire ». Beaucoup attribuent à cette caractéristique de Mett la jalousie féminine habituelle. Mais parfois, dans le journal de Galina Kuzmenko, écrit en ukrainien et capturé par l’Armée rouge, les lignes suivantes passent également à travers : « Les Pavloviens ont envoyé deux hommes à la poursuite du père Makhno, afin qu’il vienne avec son détachement et aide les villageois à chasser les voleurs et les violeurs russes. »

 
 
Défilé de l’Armée rouge à Kharkov, 1920. Photo : RIA Novosti


Alors, quelle est la raison du « tournant ukrainien » dans l’armée makhnoviste ? Les anciens atamans de l’EPU y ont-ils apporté l’idée nationale ? Ou est-ce le département de l’éducation sous la femme du nestor Ivanovich qui a eu un tel impact, y compris sur le père lui-même? Bien sûr, presque toutes les femmes ont une forte influence sur leur mari. Mais peu importe à quel point la « première dame » était décisive et charmante, elle ne pouvait pas influencer toute l’organisation des communistes anarchistes du district de Gulyaipol, dont l’exécuteur testamentaire était Makhno. C’est juste qu’en 1920, les principaux concurrents du groupe insurgé Gulyaipol parmi les paysans d’Ukraine - les commandants de terrain du genre Petlyur - ont été grandement épuisés par les Rouges. Dans ces conditions, il ne semblait plus que l’idée ukrainienne ferait le jeu de ces « traîtres sociaux ». L’implication des masses paysannes qui les suivaient, en particulier dans le centre de l’Ukraine, où le RPAU tentait de diffuser son activité, nécessitait certaines étapes vers leurs sentiments nationaux. De plus, Nestor Makhno, chassé par la cavalerie rouge de l’Ukraine soviétique, prévoit de transférer ses activités en Galicie occupée par la Pologne et d’y déclencher un soulèvement pour l’indépendance. C’est peut-être la raison d’un certain « manifeste Nezalezhnitsa », que Makhno a préparé, mais n’a pas eu le temps d’imprimer en raison de sa fuite en Roumanie en août 1921. L’existence de ce manifeste est mentionnée par Victor Belash dans son témoignage aux tchékistes, mais de telles sources doivent être traitées de manière critique.

En même temps, Makhno, en tant qu’expression fidèle des humeurs du sud-est multinational de l’Ukraine, ainsi que du groupe anarchiste Gulyaipol, comme l’ensemble du mouvement anarchiste international de l’époque, ont toujours été des opposants irréconciliables à tout nationalisme et inimitié interethnique, peu importe d’où ils viennent.

Et le chef des nationalistes ukrainiens Petlyura le 25 mai 1926 tombera des balles de l’anarchiste juif Schwarzbad, familier avec Makhno. Schwarzbad affirme avoir tiré sur l’ancien chef chef pour les pogroms. Makhno n’approuvera pas une attaque terroriste contre son vieil adversaire. Il admet que Petlyura n’était pas un pogromiste et condamnera publiquement le meurtre dans la presse.

 
 
 
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https://fr.timesofisrael.com/le-petit-fils-dun-fasciste-ukrainien-et-lheritage-de-la-collaboration-nazie/
 
 
Le petit-fils d’un fasciste ukrainien et l’héritage de la collaboration nazie

 
 
Le grand-père de Steve Bandera, Stepan, a dirigé un mouvement dont les partisans ont tué des dizaines de milliers de Juifs et de Polonais
Par SAM SOKOL
29 janvier 2021



 
En ce 1er janvier 2019, photo de dossier, des militants de divers partis nationalistes portent des torches, des drapeaux nationaux ukrainiens et un portrait de Stepan Bandera lors d'un rassemblement à Kiev, en Ukraine. (AP Photo/Efrem Lukatsky, File)
En ce 1er janvier 2019, photo de dossier, des militants de divers partis nationalistes portent des torches, des drapeaux nationaux ukrainiens et un portrait de Stepan Bandera lors d'un rassemblement à Kiev, en Ukraine. (AP Photo/Efrem Lukatsky, File)

JTA – Le rabbin a l’air sérieux, avec juste un soupçon de sourire derrière sa longue barbe blanche. Debout à côté de lui, un homme trapu et discret, à la moustache noire épaisse, saisit un smartphone, les bras tendus sur les côtés. Il a aussi un petit sourire.

La scène est à la fois pittoresque et surprenante. La photo, tweetée en marge du Forum juif ukrainien, rassemblement de représentants des organisations juives de l’Etat post-soviétique, montre Yaakov Dov Bleich, grand rabbin de Kiev et d’Ukraine, avec Stepan « Steve » Bandera, l’homonyme et petit-fils d’un des collaborateurs nazis les plus connus d’Ukraine.

« Rencontre avec mes bons amis… pour le petit-déjeuner », a tweeté Bleich, en taguant Bandera ainsi que la ministre de la Santé Ulana Suprun et son mari, Marko.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’ancien Bandera avait servi comme Providnyk – un titre analogue au führer allemand – de l’Organisation des nationalistes ukrainiens, [Organization of Ukrainian Nationalists – OUN], une organisation ultra-nationaliste ukrainienne brutalement violente et autoritaire qui avait collaboré avec les Nazis.

Steve Bandera, (à droite), avec Yaakov Dov Bleich, l’un des principaux rabbins d’Ukraine, (à sa droite). (Autorisation)

Née de la fusion de groupes fascistes et d’extrême droite, l’OUN, comme on l’appelle familièrement, s’était engagée dans une campagne soutenue de terreur et d’assassinats politiques pendant l’entre-deux-guerres, lorsque l’Ukraine occidentale était sous contrôle polonais. En 1940, l’organisation s’est scindée et l’aîné Bandera a pris le contrôle de la faction la plus importante, OUN-B, qui a ensuite adopté un manifeste en 1941 demandant à ses membres « de liquider les Polonais, Moscovites et Juifs indésirables ».

L’OUN a collaboré avec les nazis et ses membres ont servi dans diverses formations allemandes participant à la Shoah, mais se sont finalement retournés contre les Nazis lorsque Berlin a refusé de reconnaître sa déclaration d’indépendance ukrainienne. Bandera fut incarcéré dans le camp de concentration de Sachsenhausen (deux de ses frères mourront à Auschwitz) ; il fut ensuite libéré et reprit sa collaboration.

Parmi les historiens de la Shoah, le consensus est que l’OUN et sa branche militaire, connue sous le nom d’UPA, ont été responsables de la mort de milliers de Juifs et de près de 100 000 Polonais pendant la guerre (les estimations varient)   

  

En 2019, cependant, avec la montée du nationalisme et du sentiment anti-russe en Ukraine, Bandera est réhabilité dans le pays en tant que héros patriotique et anti-soviétique. Et son petit-fils est au centre du débat sur son héritage, tendant la main aux Juifs et exprimant sa tristesse face à la Shoah tout en défendant la réputation de son grand-père et en se disputant avec les historiens qui affirment que Stepan Bandera a du sang juif sur ses mains.

Steve Bandera, journaliste et citoyen canadien, soutient depuis des années que son grand-père et le mouvement nationaliste ukrainien en général sont innocents des crimes de guerre perpétrés contre les Juifs. C’est un point de vue que certains historiens considèrent comme du révisionnisme de la Shoah.

Bandera a dit qu’il était incapable de dire de première main ce que son grand-père pensait des Juifs. Cependant, il a dit à la Jewish Telegraphic Agency que dans « l’activisme antisoviétique de mon père, il y avait beaucoup de collègues et d’alliés juifs » et que son père « faisait un effort pour tendre la main et travailler ensemble avec des juifs qui étaient sur la même longueur d’onde ».

Bandera insiste sur le fait que la propagande anti-ukrainienne des Russes a déformé les faits historiques.

Le chercheur suédois Per Anders Rudling (à gauche) a critiqué les tentatives de Steve Bandera pour défendre l’héritage de son grand-père. (YouTube screengrab)

« Le surnom de Bandera est devenu un symbole et a été beaucoup utilisé dans la propagande soviétique pour diaboliser l’Ukraine », a-t-il déclaré dans une interview vidéo de ce pays.

« Bandera sonne même comme un bandit. Ça sonne mal, n’est-ce pas ? J’en suis donc venu à voir comment la propagande soviétique l’utilisait et cela a contribué à la popularité, si vous voulez, de l’introduire dans le discours. Poutine et la Russie l’utilisent encore aujourd’hui comme un moyen, comme un surnom, comme un terme de dénigrement. »

Au fil des ans, Bandera a eu de nombreuses altercations avec des historiens du nationalisme ukrainien et de la Shoah, affirmant à plusieurs reprises que son grand-père avait été « innocenté » de tout acte fautif et que les auteurs (selon une lettre au Edmonton Journal en 2010) avaient tenté « de souiller notre nom de famille ».

Per Anders Rudling, un chercheur suédois qui a beaucoup écrit sur la formation narrative dans la diaspora ukrainienne, a accusé Steve Bandera de révéler « la mentalité des apologistes fascistes ».

Bandera parle de Rudling comme d’un « hack poursuivant un programme politique sous couvert d’études sur la Shoah ».

Le culte de Bandera

Stepan Bandera a été assassiné par le KBG alors qu’il vivait en exil à Munich dans les années 1950, et sa veuve a déménagé au Canada, où se trouve une importante communauté de la diaspora ukrainienne. Elle est arrivée avec ses trois jeunes enfants, dont le père de Steve, Andrii. Né à Winnipeg en 1970, Steve Bandera a grandi dans un milieu nationaliste ukrainien à Toronto, fréquentant une école ukrainienne, participant à des groupes de jeunes Ukrainiens et accompagnant son père (militant politique et rédacteur en chef de The Ukrainian Echo, une importante publication banderite) à des manifestations antisoviétiques.

Son père est mort au début de la quarantaine, laissant Steve le porteur du nom Bandera. Lorsque l’Ukraine a déclaré son indépendance de l’Union soviétique en 1991, il s’est immédiatement envolé pour Kyiv, ou Kiev dans l’orthographe anglaise classique. Les électeurs ont dû ratifier la déclaration d’indépendance par référendum et il était déterminé à faire sa part pour « la lutte et le combat ».

« En fait, nous avons fait venir trois presses offset du Canada et nous avons installé une presse d’impression dans une usine à la périphérie de Kiev », dit-il. « Nous avons commencé à distribuer des tracts et des documents avec comme message de voter pour l’indépendance de l’Ukraine. »

Il continuera à s’y rendre et fera carrière dans le journalisme des deux côtés de l’Atlantique, notamment au Kyiv Post et dans divers médias de la diaspora nord-américaine.

En 2014, la Russie a envahi l’Ukraine, annexant la péninsule de Crimée et lançant une guerre par procuration dans l’Est industriel du pays. En réponse, Kiev a lancé une nouvelle campagne pour rompre ses liens historiques avec son voisin, créant une nouvelle historiographie nationale qui a salué et réhabilité des figures « antisoviétiques » telles que le grand-père de Bandera.

DOSSIER- dans cette photo de dossier du 22 janvier 2010, le président ukrainien Viktor Yushchenko, (à gauche), remet à Stepan Bandera, le petit-fils de feu Stepan Bandera, fondateur d’un mouvement rebelle qui a combattu le régime soviétique, le prix Hero of Ukraine, à Kiev, Ukraine. Le prix a ensuite été annulé mais la glorification officielle de Bandera repris en 2014. (AP Photo/Mykola Lazarenko, Dossier)

Le plus jeune Bandera a voyagé en Ukraine pour enseigner l’histoire de sa famille et a assisté à plusieurs reprises à la dédicace des statues de son grand-père. Dans une certaine mesure, dit-il, une telle glorification le met mal à l’aise.

« En ce qui me concerne, les monuments et ce commerce me rappellent l’époque soviétique, mais cela vient d’un contexte canadien », a-t-il dit. « Je crois vraiment que si en Ukraine et en Occident, s’il y avait une condamnation aussi forte de Lénine et de Staline que de Hitler, alors la demande pour les monuments Bandera chuterait considérablement. Le problème du monument cesserait d’être un problème. »

De tels monuments, à son avis, constituent une tentative de la part des Ukrainiens de dire « hey, nous avons notre histoire, il s’agit de ceux que nous pensons être nos héros ». C’est aussi, dit-il, une façon de dire « Bandera ne se résume pas à ce manifeste de 1941, il y a beaucoup de choses dans cette histoire et nous avons aussi notre propre histoire ».

Interrogé sur la communauté juive ukrainienne actuelle, qui s’est fortement prononcée contre la réhabilitation de son grand-père, Bandera a appelé au dialogue et a imputé la mauvaise réputation de son nom de famille à la « propagande ».

« Si je me lance dans des polémiques, nous entrons dans l’histoire, alors je peux parler de Menachem Begin ou de l’Irgoun ou de Stern », a-t-il dit, faisant référence à des militants et groupes juifs qui ont mené une guerre clandestine contre les Britanniques en Palestine mandataire.

Malgré sa défense énergique de l’héritage de son grand-père, Bandera a cependant souligné que « la seule chose réelle que je puisse faire ou que nous puissions faire aujourd’hui est de promettre que cela ne devrait pas se reproduire et que cela ne peut plus se reproduire ».

« Dans la mesure où Bandera reste un symbole jusqu’à aujourd’hui », dit-il, « je pense qu’il est également important de se lever et d’être vu avec la communauté juive pour dire, ‘hey, nous pouvons nous tenir ensemble' ».

Ouverture et angles morts

Les contradictions de Steve Bandera divisent observateurs et historiens.

Selon Mark Freiman, avocat canadien et membre du conseil d’administration de l’Ukrainian Jewish Encounter, une organisation qui cherche à créer un terrain d’entente entre Ukrainiens et Juifs, Bandera a « un angle mort ».

Ayant grandi au Canada, il défend de nombreuses valeurs libérales nord-américaines et « a une vision bienveillante des Juifs et du judaïsme », a dit Freiman.

Il a accompagné Bandera au village ukrainien de Sambir il y a dix ans. Le village avait été le théâtre d’un massacre pendant la Shoah, mais au lieu d’ériger un mémorial à la mémoire des Juifs assassinés, les habitants locaux ont érigé trois croix de 4,5 mètres de haut sur le site. Les deux espéraient parvenir à un compromis qui honorerait la mémoire des Juifs.

Une statue de Stepan Bandera se dresse à Ternopil, en Ukraine. (Mykola Vasylechko/Wikimedia Commons)

Alors que les efforts de Bandera ont été repoussés, « il a été salué partout comme un dieu vivant », se souvient Freiman.

« Il a toujours été un compagnon agréable et bien disposé à notre projet, mais je ne pense pas qu’il ait réévalué les vues de son grand-père ou les vues que son grand-père avait des Juifs », dit Freiman, qui a décrit ce qui lui semble être « une classe entière d’intellectuels ukrainiens nationalistes » qui essaie de « dépasser les notions racistes et l’antisémitisme traditionnel » mais ne veut pas encore abandonner un passé « nationaliste dont il avait hérité ».

« Étant donné qui il est et d’où il vient, j’ai été très impressionné par son ouverture d’esprit et sa chaleur et par sa tentative d’aider, qui était authentique et sincère », a-t-il fait remarquer.

Bleich, qui a rencontré Steve Bandera il y a deux décennies, au début de la période post-soviétique, avait aussi des choses positives à dire.

Alors qu’il décrivait Bandera comme une connaissance plutôt qu’un ami proche, le rabbin né à Brooklyn a dit qu’il avait immédiatement noué un lien avec lui.

« Je l’ai trouvé ouvert et, pour ainsi dire, respectueux des mêmes choses que moi. Vivre en Ukraine en tant qu’expatrié américain, quand vous rencontrez des anglophones, vous commencez à vous identifier à eux avant d’apprendre qui ils sont », a dit M. Bleich. « Je le trouve objectif en tant que journaliste et occidental. Il se trouve qu’il a le pedigree qu’il a ».

Lorsqu’on lui a demandé s’il pensait que Steve Bandera était un révisionniste de la Shoah, le rabbin a répondu que les deux n’avaient jamais discuté de la question et qu’il croyait qu’“un jour il y aura une histoire objective écrite par des historiens et non une histoire politique”.

« Je ne suis pas historien », affirme Bleich. « Vous devez trouver un historien qui sait exactement ce que son grand-père a fait et ce qu’il essaie de faire, et vous pourrez le décrire comme un révisionniste de la Shoah ou non. »

Cela ne cadrait pas bien avec Rudling, le chercheur suédois.

« Je ne pense pas que l’histoire appartienne au camp juif ou au camp ukrainien. Je suis historien », a-t-il dit à JTA. « L’héritage de Bandera ? Je pense que ce que Bandera pensait des Juifs est assez bien documenté. »

Grzegorz Rossoliński-Liebe, historien d’une biographie politique de Stepan Bandera, critique également son petit-fils, affirmant qu’il « a participé à la propagation du culte de son grand-père » dans les années 1990 et 2000.

DOSSIER – Dans cette photo de dossier du 15 octobre 2005, un ancien combattant partisan de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne porte un portrait du chef de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne, Stepan Bandera, pendant une marche à Kiev. Ukraine. (AP Photo/Efrem Lukatsky, File)

« Il a participé à de nombreuses cérémonies consacrées à la gloire de Bandera, telles que le dévoilement de monuments et la remise de prix par le président Viktor Yushchenko. Il a attaqué des universitaires qui enquêtaient sur l’OUN et l’UPA et a exprimé de nombreuses idées néo-fascistes et antisémites dans des journaux nationalistes ukrainiens et de la diaspora », a déclaré Rossoliński-Liebe à JTA.

« A mon avis, c’est un mélange d’attachement émotionnel à son grand-père, le climat de la diaspora et ses vues nationalistes qui l’ont motivé à propager le culte Bandera en Ukraine post-soviétique.

Pour sa part, Bandera a déclaré que le livre de Rossoliński-Liebe contient des « affirmations scandaleuses » et s’est plaint que le chercheur germano-polonais ne l’avait jamais consulté pendant ses recherches.

Parmi les autres Juifs d’Ukraine, tout le monde n’est pas aussi prêt que Bleich à embrasser le petit-fils de Bandera.

Inna Ioffe, la PDG de la Confédération juive d’Ukraine, à laquelle le grand rabbin est affilié, a déclaré à JTA en termes très clairs que ses organisations n’ont « aucun lien avec [Steve] Bandera ». Elle a insisté sur le fait que sa présence au Forum juif n’avait rien à voir avec le groupe de coordination et qu’il n’était là qu’en tant qu’invité personnel du rabbin.

Et bien que Mme Ioffe ait dit que Bandera n’était pas responsable des crimes de son grand-père et qu’elle ne s’opposait pas à sa relation avec Bleich, elle a dit clairement à plusieurs reprises qu’il n’y avait « aucun contact entre le petit-fils de Stepan Bandera et la Confédération juive d’Ukraine ».

Dialogue et réconciliation

Bien que l’héritage de la Seconde Guerre mondiale ait été une pomme de discorde entre Juifs et Ukrainiens, Bandera estime que le conflit russo-ukrainien pourrait être la clé de la réconciliation entre les deux groupes.

« Ce n’est pas une guerre totale comme celle de la Seconde Guerre mondiale, mais on voit des Ukrainiens, des Juifs et d’autres groupes lutter contre un autoritarisme venant du Nord en la personne de Poutine », a-t-il dit. « Dans ce sens, il est plus facile de trouver un terrain d’entente et de s’engager à être des alliés [parce que] il y a un ennemi commun maintenant. »

Bandera a également mis en avant le succès récent de politiciens juifs en Ukraine comme le Premier ministre Volodymyr Groysman et le président Volodymyr Zelensky, affirmant qu’ils sont une preuve convaincante contre « cette notion que les Ukrainiens sont en quelque sorte génétiquement antisémites ».(Bandera lui-même a critiqué Zelensky, un comédien devenu politicien, écrivant récemment sur Facebook que l’opposition à Zelensky découlait de ce que Bandera a décrit comme ses « offres culturelles anti-ukrainiennes »).

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, (à gauche), accueille le Premier ministre Benjamin Netanyahu dans sa résidence officielle à Kiev, le 19 août 2019. (Crédit : Amos Ben Gershom/GPO)

« Le président et le Premier ministre mis à part, il y a aussi une énorme quantité de richesse en Ukraine concentrée entre les mains des juifs, les oligarques », a-t-il poursuivi. « Vous avez Pinchuk, Kolomoisky [et] Bogolyubov », en référence aux milliardaires ukrainiens Viktor Pinchuk, Igor Kolomoisky et Gennadiy Bogolyubov.

« Si les Ukrainiens sont si antisémites, qu’en est-il de ces types ? Personne ne les fait sortir ou ne les force à quitter le pays. Les relations judéo-ukrainiennes sont si importantes pour le succès de l’Ukraine, alors je pense que c’est une bonne chose. »

Bandera croit qu’il a « combattu » et « résolu » la composante raciale de l’héritage de son grand-père.

L’antisémitisme, explique-t-il, « faisait malheureusement partie du discours politique de l’époque. Cela ne justifie aucun crime. Tous les crimes contre des civils innocents doivent faire l’objet de recherches, être punis dans la mesure où ils peuvent encore l’être et un engagement doit être pris pour que, vous le savez, plus jamais ça. »
 


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En Ukraine, le passé toujours vivant



 
GOBERT Sébastien, « En Ukraine, le passé toujours vivant », Études, 2018/5 (Mai), p. 19-30. DOI : 10.3917/etu.4249.0019.
URL : https://www.cairn.info/revue-etudes-2018-5-page-19.htm
 
 
 
1 Babi Yar s’est enfin couverte de couleurs. Dans les allées verdies du parc, familles et badauds déambulent en s’émerveillant des arbres en fleurs, comme pour conjurer les frustrations d’un hiver que l’on a cru interminable. Difficile d’imaginer que, sous les pelouses où se roulent les enfants, gisent entre 100 000 et 150 000 morts. Les 29 et 30 septembre 1941, des groupes d’intervention nazis exécutèrent ici 33 771 personnes, principalement des Juifs. Le ravin sert de fosse commune pendant les années de guerre, avant d’être comblé. Babi Yar est le plus important massacre de la « Shoah par balles »  [1] . Au fil du temps, ce nom sinistre est aussi devenu révélateur d’un problème de traitement de l’Histoire, et de la mémoire, en Union soviétique puis en Ukraine indépendante.

2 Un premier monument, érigé sur le tard, en 1976, a rendu hommage aux victimes soviétiques de la tragédie, sans distinction religieuse ou ethnique. Il a fallu attendre la dislocation de l’URSS en 1991 pour ériger une série de monuments distincts les uns des autres. À la mémoire des victimes juives, mais aussi des chrétiens orthodoxes, des nationalistes ukrainiens, des Roms, ou encore des enfants, tous assassinés à Babi Yar. En 2016, le président Petro Porochenko a relancé le projet d’un vaste complexe mémoriel, qui établirait une unité de mémoire entre ces catégories de victimes. Des palissades dressées dans le parc témoignent de l’amorce de travaux, en prévision d’une inauguration en 2021. Les divergences conceptuelles restent néanmoins profondes. Faut-il y commémorer la seule tragédie juive de la Shoah ? En faire un lieu d’unité des mémoires communautaires et religieuses ? En faire un mémorial des souffrances ukrainiennes du XXsiècle ? Y évoquer la participation ukrainienne aux massacres, au risque d’alimenter la machine de propagande russe ? Le débat fait rage. Babi Yar est l’un des nombreux symboles qu’en Ukraine, l’Histoire est bien vivante.

3 À la suite de la Révolution de la dignité, en hiver 2014, et dans le contexte de la guerre hybride que se livrent Kiev et Moscou, le pays s’est engagé dans une révision profonde de son historiographie officielle, et de la gestion de mémoires souvent opposées. Les discussions, débats et contentieux dépassent largement le simple cercle des historiens. L’objectif de cet article n’est pas de trancher les disputes académiques, mais plutôt d’en montrer les implications politiques et géopolitiques. De fait, l’Histoire et les enjeux de mémoire qui lui sont liés revêtent une dimension existentielle dans une Ukraine en transformation profonde.

 
Une lutte existentielle
 
4 Depuis le printemps 2014, l’Ukraine et la Russie s’affrontent dans une guerre qui ne porte pas son nom. Commencés par l’annexion de la Crimée par Vladimir Poutine, en mars 2014, les affrontements se déroulent dans les domaines politiques, militaires, commerciaux, énergétiques, financiers ou encore médiatiques. L’Histoire, comme point de contentieux récurrent entre Kiev et Moscou, est devenue une arme redoutable du conflit actuel. « L’annexion de territoires n’est pas possible sans l’annexion de l’Histoire », estime Oleksandr Soushko, directeur de l’Institut de coopération euroatlantique à Kiev. De fait, l’Histoire a été utilisée par les séparatistes pro russes, par le Kremlin et leurs soutiens, pour remettre en question la légitimité de l’Ukraine en tant qu’Etat-nation souverain. En mars 2014, l’annexion de la Crimée a ainsi été justifiée, en partie, par le passé prétendument « toujours russe » de la péninsule et l’absence de connexions historiques avec l’Ukraine. Des allégations qui relèvent plus du construit politique que d’une réalité objective, mais qui ont été acceptées comme telle par une partie de la population, et relayées par de nombreux médias.

5 Plus généralement, les dénominations de l’Ukraine comme un « pays sans histoire », une « erreur de l’Histoire », une « Petite Russie », abondent dans les médias et sur les réseaux sociaux, mais aussi dans les discours politiques. En 2014, le chef du Kremlin décrivait les régions orientales de l’Ukraine comme une simple NovoRossiya (« Nouvelle Russie » )  [2] , légitimant ainsi de prétendus mouvements pro russes à y faire sécession avec l’Ukraine. Un tel discours s’inscrit dans la continuité d’une Russie impériale qui n’aurait pas accepté l’indépendance du pays en 1991. Pour beaucoup d’Ukrainiens, le conflit hybride actuel serait donc une « guerre d’indépendance ». Pour le directeur de l’Institut de la mémoire nationale (IMN), à Kiev, Volodymyr Viatrovych, c’est une « guerre d’identité ». Une lutte à mort, non seulement pour le contrôle des territoires, mais aussi des esprits et du narratif politique. Et, dans cette guerre mémorielle, aux conséquences bien réelles, l’Ukraine n’est pas en reste.

 
Virage historique de l’historiographie
 
6 Le développement d’une historiographie d’État constitue un outil essentiel de l’affirmation d’un État indépendant, de ses institutions publiques et de son espace politique et médiatique. Or, depuis la dislocation de l’URSS en 1991, l’Ukraine a peu travaillé à l’élaboration d’une historiographie découplée des traditions russes et soviétiques. Les expérimentations du « président historien » Viktor Iouchtchenko (2005-2010) se sont révélées très polémiques, et peu relayées à travers le pays. Dans l’Ukraine post-Maïdan, la situation est différente. L’historiographie est désormais pleinement utilisée pour consolider la nation autour d’une histoire et d’une mémoire communes. Le processus est pensé comme une résistance aux attaques idéologiques contre l’idée ukrainienne. Il vise aussi à arrimer le pays à l’historiographie européenne, et au discours occidental sur la Seconde Guerre mondiale, centré sur la tragédie de l’Holocauste. Les soins particuliers apportés aux soixante-quinze ans de Babi Yar, en 2016, en sont un exemple parlant. Quatre lois mémorielles dites de « décommunisation », promulguées en mai 2015, ont marqué un tournant majeur, influencé par l’IMN de Volodymyr Viatrovych, ainsi que par des mouvances nationalistes à la Verkhovna Rada (le Parlement).

7 Une de ces lois condamne les régimes totalitaires communistes et nazis, et interdit leur propagande. Ce faisant, elle place les deux idéologies sur un pied d’égalité. La deuxième loi ordonne le démantèlement de statues et le changement des noms de rues et localités en lien avec le passé soviétique. La troisième ordonne l’ouverture intégrale des archives soviétiques au public. Et la quatrième valorise la mémoire des combattants pour l’indépendance de l’Ukraine au XXsiècle.

8 Ces lois mémorielles ont eu des conséquences considérables, en premier lieu sur l’urbanisme ukrainien. Le processus du Leninopad (littéralement, « la chute de Lénine ») a ainsi achevé le démantèlement, spontané ou organisé, de milliers de statues de ce leader. Dans le même temps, plus de 52 000 rues et 987 localités, dont 32 villes, ont été renommées. Dans un mélange plus ou moins coordonné de consultations publiques, d’esclandres médiatiques et de jeux d’influence politiques, certains changements de nom ont aussi joué d’originalité : dans la ville de Kalyny, en Transcarpatie, la « rue Lénine » est ainsi devenue la « rue Lennon », du nom du chanteur des Beatles. La décommunisation se manifeste néanmoins de manière différenciée et souvent incomplète, soit en raison de blocages politiques, soit pour de simples questions budgétaires, voire techniques. À Kiev, il est ainsi très difficile de dévisser les emblèmes soviétiques du bouclier de l’immense statue « Mère Patrie » du musée de la Seconde Guerre mondiale. Du haut de ses cent deux mètres, le marteau et la faucille dominent toujours la capitale ukrainienne.

9 Il n’empêche. La géographie mentale de l’Ukraine, des places centrales des villes aux cartes routières, s’est profondément transformée au cours des dernières années. Le processus a aussi agi comme un marqueur d’identité vis-à-vis de « l’autre », en l’occurrence la Russie, et les « territoires temporairement occupés » de Crimée, de Donetsk et Louhansk. Volodymyr Viatrovych va jusqu’à considérer la décommunisation du pays comme une « question de sécurité nationale ». Selon le directeur de l’IMN, effacer les traces de l’héritage soviétique revient à réduire les risques d’une déstabilisation russe du pays. Son association du passé soviétique à la seule influence russe est néanmoins contestable, dans la mesure où le rapport à l’héritage soviétique dépasse la simple question de la relation à la Russie contemporaine.

 
Le choix du tout-négatif
 
10 Selon les critiques, la décommunisation ukrainienne peine à se traduire en gains de démocratisation, dans la mesure où ce revirement historiographique ne constitue pas une remise en question de la nature du communisme, et du régime soviétique. Le Leninopad, par exemple, n’a rien à voir avec la personnalité de Lénine, comme le constate la chercheuse Myroslava Hartmond. « Lénine est littéralement absent du processus de chute de Lénine. Il n’est qu’une divinité nébuleuse, incarnant le mal, la destruction, et le pouvoir de l’autre, de l’étranger. » Les réflexions sur les soixante-dix ans de soviétisme, et ses réalisations, sont balayées au nom de la lutte contre le totalitarisme. Les lois de 2015 ont d’ailleurs introduit des sanctions pénales qui exercent une pression bien réelle sur le débat public. La peine de deux ans et demi de prison avec sursis, imposée, en mai 2017, à un étudiant de Lviv pour « diffusion d’informations tendancielles visant à idéaliser et à populariser l’idéologie communiste », en fait un simple post sur son profil Facebook, suscite de sérieuses inquiétudes.
 
11 Ievgenia Molyar, critique d’art pour la fondation artistique Izolyatsia, à Kiev, déplore aussi la destruction d’une partie conséquente du patrimoine artistique national, sous de faux prétextes idéologiques. Dans la même perspective, des réalisations clés du régime soviétique, telles que l’éducation, la santé ou encore les infrastructures, sont minorées. Le discours politique actuel rechigne ainsi à établir une continuité entre le passé soviétique et l’état actuel du pays. La chercheuse Ioulia Shukan rappelle pourtant que la simple question des frontières de l’Ukraine contemporaine ne peut être « décommunisée » : si Kiev peut aujourd’hui prétendre à sa souveraineté sur la Crimée, c’est bien grâce à une réalisation du régime soviétique, en l’occurrence le transfert de la péninsule de la République socialiste soviétique de Russie à sa consœur ukrainienne en 1954, et son rattachement consécutif à ses réseaux énergétiques, routiers et fluviaux.

12 Considérer l’héritage soviétique à travers le seul prisme du totalitarisme et des périodes de répressions pose ainsi question. « Puisque l’expérience soviétique s’est étalée sur autant d’années, le régime s’est normalisé », poursuit Ioulia Shukan. « Il était moins répressif à certaines époques, comparées à d’autres. » En janvier 2015, la Fondation des initiatives démocratiques indiquait, dans les résultats d’un sondage, que 47 % des Ukrainiens considéraient la création de l’URSS comme positive, contre 20 %, comme négative. Les lois de décommunisation, en égalisant communisme et nazisme, nient cet état de l’opinion de manière volontariste : il s’agit bien de transformer l’historiographie officielle, d’en dégager un message politique, et de la mettre au service de la consolidation d’une nation indépendante.

13 L’attitude des autorités ukrainiennes vis-à-vis du centenaire de la révolution bolchevique est révélatrice. De concert avec l’IMN, le président Petro Porochenko a décrété 2017 comme « l’année de la Révolution ukrainienne (1917-1921) », en commémorant la déclaration d’indépendance de la République populaire d’Ukraine. Volodymyr Viatrovych considère, lui, ce siècle comme celui de l’Indépendance ukrainienne et de la lutte contre « l’agression russe ». Le glissement interprétatif revisite la guerre civile de 1917-1921, entretient une confusion entre les bolcheviques de Lénine et les Russes de Vladimir Poutine, et nie les querelles meurtrières qui déchirèrent, à l’époque, les factions ukrainiennes. Enfin, il permet de simplifier le chaos de ces années troubles en une « agression étrangère », malgré le rôle prépondérant, et irréfutable, que le bolchevisme ukrainien a joué dans la création de l’URSS. Selon Tetiana Jourjenko, de l’Institut des sciences humaines à Vienne, cette politique de décommunisation à outrance « réduit le XXsiècle ukrainien au seul narratif de la victimisation nationale ».

14 L’accent porté sur la reconnaissance de l’Holodomor comme un acte de génocide relève de cette logique. Si les souffrances de la famine de 1932-1933 sont indéniables, le recours au concept de génocide fait débat parmi les historiens. Il n’est en effet pas prouvé que Staline avait une intention purement génocidaire dans son organisation des rationnements   [3] . Mais, sans attendre que la polémique académique soit tranchée, l’Holodomor est présenté comme un acte génocidaire imposé depuis Moscou, perpétré par des fonctionnaires et des tortionnaires russes. La participation active d’autorités locales ou encore le rôle de conflits de voisinage sont ici occultés. Ce qui amène Timothy Snyder, par ailleurs un fervent défenseur de la cause ukrainienne, à exhorter Kiev à reconnaître le rôle que des Ukrainiens ont joué dans le système des terreurs staliniennes. Un appel qui ne trouve pas d’écho pour le moment.

 
La guerre omniprésente
 
15 Dans le cadre des lois de 2015, et dans le contexte de l’affrontement hybride avec la Russie, un travail inédit a été effectué sur la mémoire de la guerre de 1939-1945. Le conflit a été rebaptisé « Seconde Guerre mondiale », en lieu et place de l’appellation soviétique « Grande Guerre patriotique ». Le 9 mai a été préservé comme « jour de la victoire », mais est désormais précédé du « jour de la mémoire », le 8 mai, date occidentale de la capitulation allemande. Lors de ces commémorations officielles, les symboles soviétiques, de même que les rubans de Saint-George  [4] , s’effacent au profit de symboles nationaux et de coquelicots rouges à cœur noir, des signes d’« ukrainisation » et d’européanisation des cérémonies. Dans ce cas précis, apparaissent les limites des lois de décommunisation. Les vétérans plaident leur légitimité à afficher les uniformes, les médailles et les drapeaux de l’Armée rouge victorieuse. Non comme un acte de propagande, mais de commémoration historique. Les partisans d’une lecture stricte de la loi dénoncent, eux, l’usage de ces symboles à des fins idéologiques et entendent empêcher, de diverses manières, les vétérans de les arborer. Chaque année, des cérémonies virent aux échauffourées.

16 Ces moments, très médiatisés, sont ressentis avec douleur dans la société, dans la mesure où la plupart des Ukrainiens ont un lien intime avec la Seconde Guerre mondiale, que ce soit à travers des membres de la famille engagés dans l’Armée rouge, dans l’armée insurrectionnelle ukrainienne  [5] , voire dans les deux. Les récentes commémorations se sont certes efforcées d’associer les vétérans des deux armées, traditionnellement opposés. Ces initiatives ne sont néanmoins pas relayées par le discours historique sur la Seconde Guerre mondiale, qui insiste plus, depuis 2014, sur le dénigrement de l’Armée rouge que sur la réconciliation des mémoires.

17 De fait, le discours traditionnel de libération du territoire ukrainien de l’emprise nazie est remplacé par celui d’une occupation par l’Armée rouge. Les accomplissements des forces soviétiques sont minimisés. À l’inverse, l’ukrainisation de la mémoire de la guerre implique une valorisation du rôle des Ukrainiens dans la lutte contre le nazisme. Alors que des millions de citoyens ont grandi dans le culte des exploits de leurs grands-pères mobilisés dans l’Armée rouge, de tels glissements interprétatifs causent de nombreuses tensions dans la société.

 
Ériger de nouveaux héros
 
18 En parallèle du rejet de l’héritage soviétique, de la victimisation de la nation, et de glissements interprétatifs inédits sur la mémoire des épreuves du XXsiècle, le virage historiographique s’accompagne de la redéfinition de l’image du pays sur la scène internationale. En l’occurrence, le discours politique glorifie un pays en première ligne de la lutte pour la liberté. « La frontière de la liberté en Europe s’est déplacée à l’Est », assure-t-on depuis le succès de la Révolution de la dignité, en février 2014, et le début de la guerre du Donbass. Imprimer une telle image du pays requiert une continuité historique. Ainsi les Cosaques, peuple guerrier qui a dominé les steppes du bassin du Dnipro jusqu’au XVIIIsiècle, sont-ils mis en avant comme des hommes libres, jaloux de leur indépendance. Les membres de l’UPA sont, de leur côté, promus au rang de combattants de la liberté.

19 Cela est plus controversé. Créée en 1942, l’Armée insurrectionnelle était la branche armée de l’Organisation des nationalistes ukrainiens  [6] , fondée en 1929 sur la notion d’un mouvement autoritaire, partisan d’une pureté ethnique de la nation. Au nom de la lutte pour une indépendance ukrainienne, l’OUN se livre à des actes terroristes, dans les années 1930, contre les Soviétiques, contre les Polonais mais aussi contre des détracteurs ukrainiens. En 1941, l’organisation se range aux côtés des nazis dans leur invasion de l’URSS, et participe à des exactions contre les populations juives. Opposés à l’idée d’une Ukraine souveraine, les nazis emprisonnent le chef de l’OUN, Stepan Bandera, et le transfèrent en Allemagne. Ses fidèles, menés notamment par Roman Choukhevytch, se retournent contre les nazis, tout en continuant à lutter contre les Soviétiques. Entre 1942 et 1943, dans une logique de purification ethnique, l’UPA se livre à des massacres d’environ 100 000 Polonais, en particulier dans la région de Volhynie. En 1944, l’OUN et l’UPA réitèrent leur soutien aux nazis contre l’avance de l’Armée rouge. Les nationalistes ukrainiens resteront actifs jusqu’au milieu des années 1950, notamment dans l’Ouest ukrainien.

20 Depuis lors, la mémoire de l’OUN et de l’UPA a été des plus clivantes. Diabolisée par l’historiographie soviétique, elle est honnie par une large partie de la population ukrainienne, principalement dans les régions orientales, et dans les catégories sociales enclines à une nostalgie de l’époque soviétique. Elle est aussi une des cibles de prédilection de la rhétorique russe sur le nationalisme ukrainien. À l’inverse, une partie de la population, principalement à l’ouest de l’Ukraine, entretient un culte de l’UPA comme bras armé de la lutte pour l’indépendance nationale.

 
« Bandérisation partielle »
 
21 À la suite du changement de régime en 2014, a fortiori dans le cadre de la guerre du Donbass, l’UPA est devenue un élément essentiel du virage historiographique ukrainien et encourage la valorisation d’une certaine catégorie de combattants de l’indépendance ukrainienne. Les références aux défenseurs des droits de l’homme des années 1970, à l’inverse, sont bien moins nombreuses dans le discours politique. Le chercheur Andreas Umland y voit une « bandérisation partielle des commémorations historiques, et du discours officiel, qui vient coupler la campagne de décommunisation de l’IMN ». La personnalité de Volodymyr Viatrovych cristallise ici de lourdes tensions. À 40 ans, le directeur de l’IMN est l’ancien chef de l’Institut pour l’étude du mouvement de libération [7] , un collectif d’historiens patriotes, basé à Lviv. Volodymyr Viatrovych lui-même est dénigré par ses pairs pour ses tentatives d’exonérer l’OUN de sa participation aux massacres de Juifs, teintées d’interprétations frauduleuses de faits historiques, voire d’une dissimulation d’archives compromettantes. Les milieux académiques et médiatiques font état d’une monopolisation du discours historique par l’IMN, voire d’un climat d’intimidation dans les débats, à l’encontre de ceux qui contrediraient le narratif officiel.

22 Près de quatre ans après la Révolution de la dignité, il convient de noter que l’environnement politique et médiatique reste pluraliste. Lénine n’a pas été remplacé partout par Stepan Bandera. Mais la « bandérisation partielle » relevée par Andreas Umland s’impose dans de nombreuses situations. Elle légitime aussi l’utilisation de l’outil historiographique par certains mouvements nationalistes, acteurs incontournables, bien que minoritaires, de la scène politique ukrainienne. Le très controversé bataillon Azov, dont certains membres sont ouvertement néonazis, a ainsi recours à des symboles historiques pour établir sa légitimité dans le jeu politique. Son jeune parti, Natsionalniy Korpus (« Corpus National »), et sa milice citoyenne, les Natsionalniy Druzhyny (« Brigades nationales ») s’inscrivent dans la tradition des combattants pour l’indépendance, et revendiquent un héritage nationaliste allant du royaume médiéval de la Rous’ de Kiev à l’UPA. « Un peuple sans histoire n’a pas de raison de se battre », assène ainsi le chef d’Azov, Andrij Bilezkyj. La redécouverte et l’instrumentalisation de thématiques historiques semblent justifier, dans les propos d’Azov, l’érection d’un ordre nouveau et une militarisation permanente de la société. De manière directe ou indirecte, un tel projet trouve un terreau fertile dans les troubles des dernières années et dans les polémiques liées au virage historiographique entretenu par l’IMN.

23 Controversé en Ukraine, ce revirement historiographique n’en est pas moins clivant sur la scène internationale, dans le cadre de la guerre hybride contre la Russie mais aussi avec des partenaires traditionnels de l’Ukraine. En réaction à l’apparition d’une « avenue Stepan-Bandera » à Kiev, en juillet 2016, le Sejm (« Parlement ») a voté une loi, le 22 juillet, reconnaissant les massacres de Volhynie comme un « génocide ». Une décision lourde de sens politique, appuyée par l’Église catholique polonaise, et étayée par un film à gros budget, Wolyn. Il convient de noter que les développements politiques polonais, sous l’emprise du Parti conservateur de Jarosław Kaczyński, attisent les dissensions par ses propres revirements historiographiques. Le récent esclandre sur la « loi sur les camps de la mort », qui condamne l’évocation de tout crime qui aurait pu être perpétré par la nation polonaise, a suscité de vives critiques à travers le monde. La loi a aussi envenimé les relations entre Kiev et Varsovie, en raison de l’usage du terme « nationalistes ukrainiens ». Volodymyr Viatrovych, qui considère les massacres de Volhynie comme un simple « dommage collatéral de la guerre », est persona non grata en Pologne depuis novembre 2017. Plus à l’ouest, l’Allemagne voit aussi d’un mauvais œil la valorisation d’anciens collaborateurs des nazis. Israël et plusieurs organisations juives s’inquiètent qu’une organisation autoritaire et clairement antisémite comme l’OUN puisse être brandie comme un modèle historique pour la consolidation de la nation ukrainienne.

 
Dictature nationaliste contre autoritarisme oligarchique
 
24 Dans leur entreprise de réviser en profondeur l’historiographie nationale, les autorités sont aidées par un certain désengagement de la société civile, traumatisée par la guerre et déçue par l’échec des réformes radicales promises par la Révolution. Les circonstances dramatiques de la guerre hybride ukraino-russe légitiment aussi une monopolisation du discours historiographique. Critiquer la décommunisation de l’Ukraine, ou sa « bandérisation partielle », est souvent assimilé à une traîtrise antipatriotique. Une accusation qui phagocyte les débats et discrédite nombre de propositions alternatives.

25 « La société ukrainienne a réussi à réagir avec fermeté contre les aspirations dictatoriales du gouvernement oligarchique », analyse le philosophe Serhiy Datsyuk. En revanche, il ne reconnaît aux Ukrainiens qu’une faible compétence sociale et une capacité de résistance limitée aux dérives potentielles « face aux orientations dictatoriales du mouvement nationaliste ». En parallèle des débats d’historiographie, cette faiblesse est reflétée par la question linguistique, vécue par des millions d’Ukrainiens comme une humiliation de la langue russe, plutôt qu’un renforcement de la place de la langue nationale. Pour le philosophe, la question essentielle pour la société consiste à « reconnaître la tension négative dans les propositions des nationalistes » et à développer un discours propre à une société civile ouverte, inclusive, tolérante et réformatrice.

26 Inédit en Ukraine indépendante, le virage historiographique actuel semblait s’imposer comme outil de consolidation de la nation. Au-delà des cercles académiques, il influence la politique, la diplomatie et la société ukrainienne. L’acceptation de ce projet par la population reste incertaine, de même que l’ancrage que cette historiographie révisée peut trouver dans le long terme. Dans le village de Horbany, dans le centre du pays, une statue de Lénine parlant avec de jeunes pionniers (scouts soviétiques) trône dans une clairière de la forêt avoisinante. « Un groupe d’habitants l’a déplacé ici après que l’on a dû la déboulonner », explique le maire, Vasyl Vovtchanivski. « Elle ne dérange personne, donc je tolère cela. Et je me dis que c’est mieux de la garder, au cas où le régime change encore à Kiev. Peut-être que le prochain exécutif voudra remettre Lénine en place… »


 
Notes
  • [[1]]url:https://www.cairn.info/revue-etudes-2018-5-page-19.htm#re1no1
La « Shoah par balles » désigne le massacre de centaines de milliers de Juifs d’Europe centrale et orientale. À la différence de l’Holocauste industriel perpétré dans les camps d’extermination, l’immense majorité de ces Juifs sont morts sous les balles des Einsatzgruppen (unités de tueries mobiles à l’Est), d’unités de la Waffen SS, de la police allemande et de collaborateurs locaux.
  • [[2]]url:https://www.cairn.info/revue-etudes-2018-5-page-19.htm#re2no2
NovoRossiya, « Nouvelle Russie », est le nom donné par les tsars de Russie aux territoires conquis dans la seconde moitié du XVIIIsiècle. L’essentiel de ces territoires constitue aujourd’hui l’Ukraine du Sud et de l’Est.
  • [[3]]url:https://www.cairn.info/revue-etudes-2018-5-page-19.htm#re3no3
Sur cette question, voir la récente polémique entre Sheila Fitzpatrick et Anne Applebaum autour du livre de cette dernière, Red Famine. Stalin’s War on Ukraine (Doubleday, 2017).
  • [[4]]url:https://www.cairn.info/revue-etudes-2018-5-page-19.htm#re4no4
Le ruban de Saint-George, orange et noir, est un symbole militaire associé aux victoires de la Russie. Arboré par les séparatistes pro russes en Crimée et dans le Donbass en 2014, il a été banni en Ukraine.
  • [[5]]url:https://www.cairn.info/revue-etudes-2018-5-page-19.htm#re5no5
Українська Повстанська Арм i я (УПА), en ukrainien, ou Ukrains’ka Povstens’ka Armiya (UPA), voir plus loin.
  • [[6]]url:https://www.cairn.info/revue-etudes-2018-5-page-19.htm#re6no6
Орган i зац i я Укра ï нських Нац i онал i ст i в (ОУН), en ukrainien, ou Orhanizatsiya Ukrayins’kykh Natsionalistiv (OUN).
  • [[7]]url:https://www.cairn.info/revue-etudes-2018-5-page-19.htm#re7no7
Tsentr Doslydjen Vyzvolnoho Rukhu (TsDVR), en ukrainien. Cet Institut pour l’étude du Mouvement de libération a été fondé en 2002 à Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine. 


Mis en ligne sur Cairn.info le 27/04/2018
https://doi.org/10.3917/etu.4249.0019
 
 
 
 
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Mensonges et légitimation dans la construction nationale en Ukraine (2005-2010)

Delphine Bechtel
p. 47-56
 

RÉSUMÉ

Depuis son indépendance, et surtout à partir de la présidence de Viktor Iouchtchenko, l’Ukraine s’est construit un nouveau grand récit historique, appelé à fonder la grandeur héroïque de sa nation. Le mensonge ici se décline en un déni du caractère multiculturel de sa population (aux dépens en particulier de ses composantes juives et polonaises) et, concernant la part de l’Ukraine dans les événements de la Seconde Guerre mondiale, en un révisionnisme alimenté par la propagande nationaliste précédemment développée par un certain nombre d’intellectuels de la diaspora.

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TEXTE INTÉGRAL
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1L’historiographie ukrainienne est celle d’une nation jeune, en pleine construction, dont l’histoire est discontinue et fortement liée à l’histoire russe, polonaise et, pour certaines régions, autrichienne, hongroise, tchécoslovaque, etc. Depuis l’indépendance, en 1991, les historiens s’évertuent à produire un grand narrative de la nation, la faisant remonter, en l’absence de véritable continuité chronologique, géographique et étatique, à la Rous’ kiévaine, puis à la principauté de Galicie, passant ensuite aux Cosaques zaporogues, aux deux tentatives éphémères d’indépendance en 1918-1919, et enfin à l’invasion allemande de l’URSS en juin 1941.

2Cette production historiographique a pris naissance dès le tournant des années 1990 dans le berceau du nationalisme ukrainien, à Lviv, la capitale de l’Ukraine occidentale, avant de s’étendre progressivement au centre du pays et à la capitale, Kiev. Durant la présidence de Viktor Iouchtchenko (2005-2010), notamment, a été menée jusque par les plus hautes instances du pouvoir une relecture de l’histoire dont le but était, face à l’ancienne épopée soviétique de la « Grande Guerre patriotique1 », de créer un récit de l’histoire nationale fondé sur des stratégies d’héroïsation et de victimisation2 des seuls Ukrainiens ethniques et occultant la composante multiculturelle du pays, et de retracer les « efforts de libération » et de construction de l’État ukrainien. Cela n’est pas allé sans un certain révisionnisme, concernant notamment les périodes sombres de l’histoire, comme la Seconde Guerre mondiale.

La construction d’un récit nationaliste galicien en Ukraine occidentale

3Depuis les années 1990, les intellectuels et les édiles de Lviv, capitale de la région historique de Galicie (l’ancienne Lemberg autrichienne, puis la Lwów polonaise de l’entre-deux-guerres), ont entrepris de réinventer le passé de leur région. L’appellation « Galicie », tombée en désuétude sous l’ère soviétique, a été réinvestie avec une réactivation folklorique du mythe habsbourgeois (ouverture de cafés « viennois », marques de produits alimentaires faisant référence à la tradition « galicienne »). Ce particularisme s’est exprimé notamment à travers la revue Yi (nommée d’après la lettre ï, qui distingue l’alphabet ukrainien de l’alphabet russe), dirigée par Taras Vozniak et financée par la Fondation Heinrich Böll, qui a défendu dans les années 2000 une version douce du nationalisme local, consacrant plusieurs numéros tant aux conflits qu’à la réconciliation polono-ukrainienne et judéo-ukrainienne. Vozniak veut œuvrer en faveur d’une intégration rapide de l’Ukraine à l’Europe et a soutenu l’idée de faire de Lviv la « Strasbourg de l’Europe centrale de l’Est » et la capitale culturelle d’une Ukraine tournée vers l’Occident3.

4Dans cette région, berceau du nationalisme ukrainien, rurale et ukrainophone (contrairement à l’est du pays, industriel et russophone), gréco-catholique (contrairement à l’Est orthodoxe) et nationaliste (contrairement à l’Est, culturellement plus lié à la Russie), les fidèles de l’OUN (Organisation des nationalistes ukrainiens), mouvement ukrainien terroriste, fasciste, xénophobe et antisémite fondé en 1929, et de sa branche combattante l’UPA (Armée insurrectionnelle ukrainienne) se réveillent. Le parti UNA-UNSO (Assemblée nationale ukrainienne / Organisation national-socialiste ukrainienne), parti nationaliste ouvertement pronazi qui s’est renommé Svoboda (Liberté) après sa dissolution en 2004, et ses sbires bottés brandissant des drapeaux rouges et noirs évoquant les couleurs nazies défilent régulièrement lors des manifestations locales. Son leader, Oleh Tiahnybok, également élu député en 2002 au sein de la coalition Notre Ukraine de Iouchtchenko, dont il est l’un des soutiens, mène régulièrement campagne avec les slogans « L’Ukraine aux Ukrainiens » et « Dehors les Moscovites et les Juifs ».

5Depuis les élections locales de 2009 et 2010, Svoboda dispose d’une influence déterminante dans les conseils régionaux de Lviv et de Ternopil4, tandis que les discours et les thématiques nationalistes ont gagné droit de cité dans toute la région. D’autant qu’un certain nombre de députés de l’ancienne UNA-UNSO siègent désormais sous l’étiquette d’autres partis, comme Andriy Shkil, réélu plusieurs fois député de Lviv dans le Bloc Ioulia Tymochenko. Cette radicalisation de la vie politique locale et l’acceptabilité croissante des thèses nationalistes extrémistes se sont vite traduites par la décision des conseils municipaux de la région de renommer des rues en l’honneur de nationalistes ukrainiens de l’OUN/UPA et d’ériger des monuments à ces leaders fascistes, impliqués dans la purification ethnique de la Galicie (les massacres de Polonais en 1942-1943 en Volhynie et en Galicie, ainsi que la collaboration avec les nazis dans l’anéantissement des Juifs).

6Ainsi, le musée d’Histoire de la ville de Lviv présente depuis 2006 une exposition dédiée aux « efforts de libération du peuple ukrainien » qui glorifie en réalité les bataillons Nachtigall et Roland, composés d’Ukrainiens embrigadés par les nazis, qui ont marché sur Lviv en juin 1941 en portant l’uniforme de la Wehrmacht, et la division SS-Galizien, constituée de volontaires ukrainiens ayant prêté serment à Hitler en 1943. Les théoriciens du fascisme ukrainien, tel Dmytro Dontsov, ainsi que les leaders de l’OUN/UPA, notamment Stepan Bandera et Roman Shukhevytch, deux fascistes et criminels de guerre notoires, sont célébrés à Lviv comme des figures de la quête d’indépendance ukrainienne. Relèvent particulièrement de la désinformation et du négationnisme les changements délibérés des légendes qui accompagnent les photos historiques et les objets exposés : les appellations allemandes ont disparu au profit de traductions ukrainiennes anodines, et le terme « SS » est carrément supprimé. Ainsi les bataillons Nachtigall et Roland apparaissent désormais sous la dénomination « Division des nationalistes ukrainiens », tandis que la division SS-Galizien devient l’inoffensive « Première Division ukrainienne », faisant croire à l’existence d’une armée ukrainienne indépendante des nazis. L’uniforme exposé a de surcroît été expurgé des galons, têtes de mort et insignes SS, tandis qu’une mention en petits caractères indique qu’il s’agit d’une « reconstitution ». C’est tout le passé collaborationniste de l’Ukraine que l’on cache ici aux visiteurs, afin de rendre acceptable l’héroïsation de criminels de guerre ayant collaboré avec les nazis.

Vitrine du musée d’Histoire de la ville de Lviv

Vitrine du musée d’Histoire de la ville de Lviv

Uniforme de la SS-Galizien sans les galons et insignes de la SS, présenté comme une « reconstitution ».
À l’arrière-plan : affiche de propagande antisoviétique et antisémite de 1943, publicité en ukrainien pour l’enrôlement dans la SS : « Venez combattre le bolchevisme dans les rangs de la Division galicienne ».

© Delphine Bechtel, 2007

7Parallèlement, une véritable invention de l’histoire héroïque nationale se met en place, comme le démontre le complexe mémoriel inauguré en 2007 au cimetière Lytchakiv, à Lviv. Dominant l’ancien cimetière des défenseurs polonais de Lwów morts en combattant les indépendantistes ukrainiens en 1918-1919, les autorités locales ont construit un immense mausolée, avec un ensemble de stèles commémoratives aux « combattants pour la liberté » de l’Ukraine, ceux de 1918-1919, puis de 1941-1945 comme le bataillon Nachtigall et la SS-Galizien. Cette dernière est commémorée par une tombe du soldat inconnu, la seule au monde qui soit dédiée à un soldat de la SS5.

Stèle à la mémoire de la division SS-Galizien, cimetière Lytchakiv, Lviv

Stèle à la mémoire de la division SS-Galizien, cimetière Lytchakiv, Lviv

Inscription visible sur cette face de la colonne : « 1re Division “Galicie” ». Le mot « SS » a disparu de l’appellation.

© Delphine Bechtel, 2007

Tombe du soldat inconnu de la division SS-Galizien, cimetière Lytchakiv, Lviv

Tombe du soldat inconnu de la division SS-Galizien, cimetière Lytchakiv, Lviv

Inscription : « Ici repose un combattant inconnu de la Division “Galicie”, qui a donné sa vie pour la liberté du peuple ukrainien à la bataille de Brody en juillet 1944 ». La division SS-Galizien est ici commémorée comme unité ayant combattu l’Armée rouge, notamment à travers la bataille de Brody (petite ville de Galicie, à 80 % juive à l’époque – c’est la ville natale de Joseph Roth), où l’armée allemande encerclée subit une cuisante défaite.

© Delphine Bechtel, 2007

8Comme dans les manuels d’histoire récents, on cherche à accréditer les « dates clés » de la construction de l’État ukrainien : l’éphémère indépendance de 1918-1919, puis l’« Acte du 30 juin 1941 », par lequel Yaroslav Stetsko, un des dirigeants de l’OUN proche de Bandera, proclama l’indépendance – proclamation inattendue et annulée une semaine plus tard par les nazis6.

9S’inscrivant davantage dans la tradition du martyrologe, des monuments commémoratifs aux victimes des persécutions staliniennes ont été dressés devant les prisons des rues Zamarstynivska et Lonskoho, où le NKVD avait fait abattre plus de 3 000 détenus en juin 1941, juste avant l’invasion allemande. Les Ukrainiens ethniques y sont montrés comme les seules victimes du stalinisme, alors que les déportations et la soviétisation forcée ont touché en premier lieu les élites polonaises et les Juifs. Plus encore, nulle part ne sont mentionnés les pogromes sanglants du mois de juillet 1941, perpétrés notamment par la milice et les nationalistes ukrainiens, qui ont fait près de 7 000 morts à Lviv, justement sur le terrain de ces mêmes prisons, et plusieurs dizaines de milliers en Ukraine occidentale.

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10Si la ville de Lviv a pu être justement caractérisée à la fois de « jungle mémorielle » et de « palimpseste mémoriel7 » au vu de la valse des monuments qui a accompagné les nombreux bouleversements étatiques qu’elle a traversés, elle est aujourd’hui placée sous le signe d’une ukrainisation de plus en plus radicale et d’une politique de commémoration sélective, voire délibérément tronquée.

L’historiographie comme entreprise étatique : les stratégies de légitimation scientifique de l’OUN/UPA

 

12Mais il s’agit surtout de fonder un discours héroïque : depuis 2005, lors des commémorations de la fin de la Seconde Guerre mondiale, Iouchtchenko met sur un pied d’égalité les vétérans de l’Armée rouge et ceux qu’il appelle « les combattants pour la liberté » de l’Ukraine. Il octroie aux vétérans de l’UPA des décorations ainsi que l’accès à une pension d’ancien combattant, et réhabilite Roman Shukhevytch, chef du bataillon Nachtigall et de l’UPA, en lui décernant fin 2007 le titre de « héros de l’Ukraine »9.

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13Trois institutions officielles collaborent sous la présidence de Iouchtchenko à l’entreprise de blanchiment de l’OUN/UPA : l’Institut pour la mémoire nationale, le Centre pour l’étude du mouvement de libération, établi en 2002 à Lviv et dirigé par l’historien Volodymyr Viatrovytch, et surtout le SBU, le Service de la Sécurité d’État, qui a remplacé le KGB et a hérité de ses archives, sur lesquelles il dispose d’un monopole. Les trois institutions se soutiennent et se corroborent mutuellement, fonctionnant grâce à un réseau de jeunes historiens acquis à la cause de l’OUN/UPA. Viatrovytch est l’un des plus actifs : en 2006, il publie un livre fondé sur des citations tronquées qui dénie tout antisémitisme au sein de l’OUN10 ; en 2007, il tente de réhabiliter la mémoire du bataillon Nachtigall en faisant remonter la « légende autour de Nachtigall », c’est-à-dire l’accusation de massacres, notamment de pogromes, à une tentative soviétique pour déstabiliser le gouvernement Adenauer dans les années 196011. En 2008, Oleksandr Ishchuk, un autre jeune historien travaillant aux archives du SBU, déterre un texte qui exonérerait l’OUN de toute implication dans les pogromes : d’après cette « chronique » datée du 4 juillet 1941, la Gestapo aurait invité les Ukrainiens à en commettre un à Lviv, mais l’OUN aurait interdit à ses membres d’y participer12. Toutefois, selon l’historien ukraino-américain John-Paul Himka, ce document, comme bien d’autres, a probablement été écrit après 1943, à un moment où l’organisation, sentant le vent tourner, avait donné l’ordre d’expurger et de trafiquer ses archives afin de donner l’impression que c’étaient les Allemands et les Soviétiques qui étaient coupables d’actes antisémites, et non les Ukrainiens13.

14Il faut rappeler que, depuis des décennies, une vaste œuvre de propagande est menée par des idéologues des milieux ukrainiens immigrés notamment au Canada, en Angleterre et en Allemagne, qui vise à présenter l’histoire de l’OUN/UPA comme celle d’organisations démocratiques, pro-occidentales, voire philosémites. Parmi les plus connus, Mykola Lebed’, ancien leader de l’OUN et fondateur de l’UPA, recruté par la CIA (qui ne répugnait pas à incorporer d’anciens nazis et fascistes), dont les archives ont été récemment transférées au Harvard Ukrainian Institute, avait détruit et redactylographié tous les originaux des années de guerre, procédant ainsi à une falsification à grande échelle ; l’équipe réunie à Toronto autour du vétéran de l’UPA Petro Potichnyj a pour sa part publié dans la longue série de volumes Litopys UPA les chroniques (soigneusement expurgées de toute mention d’antisémitisme) de l’UPA. Pour parler de la France, mentionnons Volodymyr Kosyk, docteur en histoire de l’université Paris-I – Sorbonne (!) et vice-directeur de l’Université ukrainienne libre de Munich, auteur d’un ouvrage paru en 1986 à Paris, L’Allemagne national-socialiste et l’Ukraine, qui réussit le tour de force de ne pas receler un mot sur la collaboration ou la destruction des Juifs d’Ukraine. Citons encore Petro Myrtchuk, ancien de l’OUN, dont les pamphlets nationalistes suintent l’antisémitisme primaire14. On n’hésite pas à recourir à la mystification pour présenter l’UPA comme philosémite : ainsi, le même Myrtchuk publie la pseudo-autobiographie de Stella Krentsbakh, une Juive ukrainienne qui aurait dû sa survie à l’UPA, texte qui s’est révélé être un faux mais reste fréquemment cité.

16Enfin, en décembre 2008, le directeur de l’Institut pour la mémoire nationale, Ihor Ioukhnovskyi, attèle ses historiens à la tâche la plus ardue : la réhabilitation du chef de l’OUN lui-même, l’extrémiste fasciste Stepan Bandera. Dans ce but, Iouchtchenko déclassifie en janvier 2009 une nouvelle fournée de documents sur l’OUN/UPA conservés au SBU16 et, fin janvier 2010, juste avant de quitter le pouvoir, décerne le titre de « héros de l’Ukraine » à Bandera. Entre-temps, les historiens ont rivalisé pour célébrer le nouveau héros, à tel point que la désinformation, la manipulation des sources, le négationnisme et même la légitimation de massacres finissent par obtenir droit de cité, y compris dans les milieux universitaires. Témoigne des errances de l’époque le volume Strasti za Banderoiu (Les passions autour de Bandera), édité en 2010 par un collectif d’historiens – dont Tarik Amar et Yaroslav Hrytsak, de Lviv –, qui juxtapose sans commentaire des textes de pure idéologie glorifiant le leader fasciste et d’autres, plus nuancés17. En offrant un forum et une plate-forme respectables à ce type d’opinion antidémocratique, les deux historiens de Lviv, eux-mêmes modérés, cautionnent et légitiment hélas un discours xénophobe et dangereux.

La présidence Iouchtchenko, un passé difficile à effacer ?

17Voulant ancrer l’identité ukrainienne dans un récit héroïque fondé sur des faits d’armes et réhabiliter les chefs de guerre liés à l’OUN/UPA, Iouchtchenko a tenté de faire reconnaître des narrations historiques empreintes d’idéologie, de nationalisme ethnique, de xénophobie, et d’ériger en héros des personnages suspects et criminels. Cette tentative a échoué, ne serait-ce que parce que la moitié orientale du pays, russophone et au passé lié aux partisans soviétiques et à l’Armée rouge, l’a refusée. Les conseils municipaux de villes comme Kharkiv, Donetsk ou Lugansk ont réagi vivement contre les mesures présidentielles, et à Kharkiv, Simferopol, Sumy, etc., ont été érigés, en signe de protestation, des monuments aux victimes de l’UPA, comme il en existe aussi beaucoup en Pologne. La politique mémorielle de Iouchtchenko a donc divisé le pays en deux, isolé l’Ukraine de ses voisins et de l’Europe, et décrédibilisé la recherche et les milieux académiques ukrainiens, tout en les subordonnant à des institutions d’État chargées de produire une version gouvernementale de l’histoire.

18Certes, le nouveau président, Viktor Yanoukovytch, a annulé le titre de héros de l’Ukraine décerné à Bandera et à Shukhevytch, a fait retirer le qualificatif de génocide à la Grande Famine, a renvoyé Ioukhnovskyi et Viatrovytch de leurs postes et a placé les instituts de recherche et le SBU sous l’autorité du nouveau pouvoir.

19Toutefois, ces mesures, également antidémocratiques par ailleurs, n’effacent pas le mal fait durant l’ère de la présidence orange. L’extrême droite progresse fortement en Ukraine ; le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie, qui se déploient jusque sur les terrains de football, où les supporters du club Karpaty Lviv arborent des drapeaux nazis, s’étalent à ciel ouvert. L’ouest du pays s’est encore radicalisé et vote désormais pour le parti Svoboda plutôt que pour les partis orange, déconsidérés par la faillite du président sortant et l’incarcération de Ioulia Tymochenko.

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20En face, Yanoukovytch remet de l’ordre de manière autoritaire, allant jusqu’à intimider les chercheurs nationalistes : Ruslan Zabilyi, à l’époque directeur du musée de la prison « Tiurma na Lonskoho » à Lviv, a ainsi été soumis en septembre 2010 à une garde à vue musclée de quatorze heures par le SBU, qui lui a confisqué son ordinateur18. Certes. Mais, d’un autre côté, Svoboda jouit d’une toute-puissance et d’une impunité totale : n’a-t-il pas réussi à empêcher une série de conférences de l’historien polonais Grzegorz Rossolinski-Liebe, qui vient d’achever à l’université de Hambourg une thèse sur Bandera et qui était invité en Ukraine par l’ambassade d’Allemagne et la Fondation Heinrich Böll pour parler de Bandera en tant que fasciste19 ? Quand des centaines d’extrémistes de Svoboda ont entouré l’ambassade en brandissant des panneaux traitant le jeune historien de « fasciste », « nazi », « ukrainophobe » et le comparant à… Goebbels, il y eut très peu de réactions de la part de la communauté scientifique ukrainienne et même internationale. Des jeunes chercheurs ont été intimidés, menacés de perdre leur bourse ou leur soutien institutionnel s’ils signaient la pétition en sa faveur. Personne n’ose se mesurer à Svoboda, qui gagne sur tous les plans, reléguant la critique de Bandera au rang d’une « provocation » allemande ou, comme on l’a prétendu bien à tort, d’une bravade d’un historien fantasque qui serait à la solde du Parti des régions, le parti de Yanoukovytch.

21L’entreprise de blanchiment de l’OUN/UPA et des périodes les plus noires de l’histoire ukrainienne se poursuit dans les milieux de l’émigration, et même dans les départements d’études ukrainiennes des universités d’outre-Atlantique, comme à Harvard, où Viatrovytch a trouvé un refuge comme chercheur invité. En Ukraine occidentale, les mentalités n’ont pas changé et se sont même trouvées confortées par les ennuis que le nouveau régime fait subir aux nationalistes. Dans le même temps, la recherche continue d’être assujettie au pouvoir, dans une Ukraine de plus en plus poutinisée ou rien d’approchant la liberté et l’indépendance de la recherche et de l’histoire n’existera avant longtemps…

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NOTES

1 C’est ainsi qu’on appelle en russe la Seconde Guerre mondiale.

2 David Marples, Heroes and Villains : Creating National History in Contemporary Ukraine, Budapest/New York, Central European University Press, 2007.

3 Delphine Bechtel, « Lemberg/Lwów/Lvov/Lviv : identités d’une “ville aux frontières imprécises” », Diogène, no 210, 2005, p. 73-84. Voir Yi, no 29, Genius loci. Leopolis. Lviv. Lemberg. Lwów, 2003.

4 Aux élections locales de 2010, le parti Svoboda a obtenu entre 20 % et 30 % des voix en Galicie et un tiers des sièges au conseil municipal de Lviv.

5 Voir Grzegorz Rossolinski-Liebe, « Der Raum der Stadt Lemberg in den Schichten seiner politischen Denkmäler », Kakanien Revisited, 2009, accessible à partir de la page <www.kakanien.ac.at/beitr/fallstudie/GRossolinski-Liebe1/?page=2&alpha=r>, cons. août 2012.

6 Malgré les bonnes volontés collaborationnistes de Stetsko et des autres dirigeants de l’OUN face à l’invasion allemande, à laquelle ils participèrent, malgré leur antisémitisme et leur vision d’un État ukrainien fasciste sur le modèle de la Slovaquie de Tiso ou de la Croatie de Pavelic, l’indépendance de l’Ukraine ne correspondait pas aux projets d’Hitler.

7 Rossolinski-Liebe, art. cit. (notre traduction).

8 On désigne par ce mot, qui signifie en ukrainien « extermination par la faim », la grande famine qui fit entre 3 et 5 millions de victimes en Ukraine en 1932-1933.

9 Décrets présidentiels d’octobre 2007 no 966/2007 relatif à la commémoration du 65e anniversaire de la création de l’UPA ; no 958/2007 relatif à la remise de décorations de l’État ukrainien aux participants à la lutte de libération nationale ; no 965/2007 relatif à l’octroi du titre de héros de l’Ukraine à R. Shukhevytch.

10 Volodymyr Viatrovytch, Stavlennia OUN do evreiiv : Formuvannia pozytsii na tli katastrofy, Lviv, MS, 2006.

11 « Lehenda pro Nachtigall » (en ukrainien), reproduit sur la page <memorial.kiev.ua/content/view/539/149/>, déc. 2007, cons. 21 août 2012.En 1959, lors du procès de Theodor Oberländer, référent allemand de Shukhevytch dans la Wehrmacht et alors ministre en RFA, l’Union soviétique, par le biais de la RDA, a rendu publics des documents sur les atrocités commises par les membres de l’OUN.

12 Voir « Security Service of Ukraine reveals documents that unmask Soviet myths about the OUN », Den’, <www.day.kiev.ua/en/article/day-after-day/security-service-ukraine-reveals-documents-unmask-soviet-myths-about-oun>, 12 févr. 2008, cons. 21 août 2012. Sur les pogromes, voir Delphine Bechtel, « Les pogroms en Galicie, 1941 : des pages blanches de l’histoire à une histoire en pointillés ? », dans Luba Jurgenson, Alexandre Prstojevic (dir.), Des témoins aux héritiers : l’écriture de la Shoah et la culture européenne, Pétra, 2012, p. 111-130 ; John-Paul Himka, « The Lviv Pogrom of 1941 : The Germans, Ukrainian Nationalists, and the Carnival Crowd », Canadian Slavonic Papers/Revue canadienne des slavistes, vol. 53, no 2-4, 2011, p. 209-244.

13 John-Paul Himka, « True and False Lessons from the Nachtigall Episode », Brama, <www.brama.com/news/press/2008/03/080319himka_nachtigall.html>, 19 mars 2008, cons. 21 août 2012.

14 Pour plus de détails, voir Grzegorz Rossolinski-Liebe, « Celebrating Fascism and War Criminality in Edmonton. The Political Myth and Cult of Stepan Bandera in Multicultural Canada », Kakanien Revisited, 29 déc. 2010, accessible à partir de la page <www.kakanien.ac.at/beitr/fallstudie/GRossolinski-Liebe2/?page=2&alpha=r>, cons. 21 août 2012 ; Per A. Rudling, « The OUN, the UPA and the Holocaust : A Study in the Manufacturing of Historical Myths », Carl Beck Papers in Russian & East European Studies, n2107, 21 déc. 2011.

15 Propos tenus par Valentyn Nalyvaytchenko, président du SBU, dans « KGB provoked Ukrainian-Jewish conflits : SBU publicised documents », <www.axisglobe.com/article.asp?article=1533>, cons. janv. 2010 (des trois liens vers cette information, tous ont été désactivés depuis – signe de la mystification ?), et Oleksandr Ishchuk ; cf. Sofia Grachova, « Unknown Victims : Ethnic-Based Violence of the World War II Era in Ukrainian Politics of History after 2004 », Daniyliw Lecture 2008, <www.ukrainianstudies.uottawa.ca/pdf/Danyliw08%20Grachova%20Paper.pdf>, cons. 21 août 2012.

16 Voir le décret présidentiel du 23 janvier 2009 relatif à la déclassification, la publication et l’étude de documents d’archives liés au combat pour la libération nationale ukrainienne, aux répressions politiques et au Holodomor en Ukraine.

17 Tarik C. Amar, Ihor Balyns’kyi, Yaroslav Hrytsak (dir.), Strasti za Banderoiu, Kyiv, Hrani-T ; voir également la critique du livre par Franziska Bruder, <defendinghistory.com/strasti-za-banderoju-%E2%80%98bandera-passion%E2%80%99-by-franziska-bruder/25453>, 20 nov. 2010, cons. 21 août 2012.

18 Voir « Petition by historians in response to detention of their colleague Ruslan Zabily », <khpg.org/en/index.php?id=1284550630>, 15 sept. 2010, cons. 21 août 2012.

19 Per A. Rudling, Jared McBride, « Ukrainian Academic Freedom and Democracy under Siege », The Algemeiner, <www.algemeiner.com/2012/03/01/ukrainian-academic-freedom-and-democracy-under-siege/>, 1er mars 2012, cons. 21 août 2012.
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TABLE DES ILLUSTRATIONS

Titre Vitrine du musée d’Histoire de la ville de Lviv
Légende Uniforme de la SS-Galizien sans les galons et insignes de la SS, présenté comme une « reconstitution ».À l’arrière-plan : affiche de propagande antisoviétique et antisémite de 1943, publicité en ukrainien pour l’enrôlement dans la SS : « Venez combattre le bolchevisme dans les rangs de la Division galicienne ».
Crédits © Delphine Bechtel, 2007
URL http://journals.openedition.org/elh/docannexe/image/199/img-1.png
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Titre Stèle à la mémoire de la division SS-Galizien, cimetière Lytchakiv, Lviv
Légende Inscription visible sur cette face de la colonne : « 1re Division “Galicie” ». Le mot « SS » a disparu de l’appellation.
Crédits © Delphine Bechtel, 2007
URL http://journals.openedition.org/elh/docannexe/image/199/img-2.png
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Titre Tombe du soldat inconnu de la division SS-Galizien, cimetière Lytchakiv, Lviv
Légende Inscription : « Ici repose un combattant inconnu de la Division “Galicie”, qui a donné sa vie pour la liberté du peuple ukrainien à la bataille de Brody en juillet 1944 ». La division SS-Galizien est ici commémorée comme unité ayant combattu l’Armée rouge, notamment à travers la bataille de Brody (petite ville de Galicie, à 80 % juive à l’époque – c’est la ville natale de Joseph Roth), où l’armée allemande encerclée subit une cuisante défaite.
Crédits © Delphine Bechtel, 2007
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POUR CITER CET ARTICLE

Référence papier

Delphine Bechtel« Mensonges et légitimation dans la construction nationale en Ukraine (2005-2010) »Écrire l'histoire, 10 | 2012, 47-56.

Référence électronique

Delphine Bechtel« Mensonges et légitimation dans la construction nationale en Ukraine (2005-2010) »Écrire l'histoire [En ligne], 10 | 2012, mis en ligne le 18 décembre 2015, consulté le 07 septembre 2022URL : http://journals.openedition.org/elh/199 ; DOI : https://doi.org/10.4000/elh.199
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CET ARTICLE EST CITÉ PAR

  • McBride, Jared. (2017) Contesting the Malyn Massacre. The Legacy of Inter-Ethnic Violence and the Second World War in Eastern Europe. Soudobé dějiny, 24. DOI: 10.51134/sod.2017.027
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AUTEUR

Delphine Bechtel

 

Delphine Bechtel est maître de conférences HDR à l’université Paris IV – Sorbonne et codirige le Centre interdisciplinaire de recherches centre-européennes (CIRCE). Elle codirige la collection « Europes centrales » chez Belin et coédite également la revue Cultures d’Europe centrale, publiée par le CIRCE. Elle est spécialiste de littérature yiddish et judéo-allemande, des contacts interculturels et des relations interethniques en Europe centrale. Elle a publié notamment La Renaissance culturelle juive en Europe centrale et orientale (1897-1930). Langue, littérature et construction nationale (Belin, 2002) et codirigé les ouvrages Écriture de l’histoire et identité juive. L’Europe ashkénaze, xixe-xxe siècles, (Belles Lettres, 2003) et Les Villes multiculturelles en Europe centrale (Belin, 2008).




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En complément :

Ukraine  ≠  Russie : choc de mémoires et conflits de récits ( Monde Diplomatique)
https://www.monde-diplomatique.fr/2022/04/AUNOBLE/64539

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    https://www.monde-diplomatique.fr/2022/04/AUNOBLE/64539   Choc de mémoires et conflit de récits Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, la Russie et l’Ukraine ont forgé des récits antagonistes de l’histoire. Néo-impérialiste dans un cas, nationaliste dans l’autre, ils...