CONNAISSANCE DE LA BIELORUSSIE /BELARUS


 

Yann RICHARD, Ioulia SHUKAN, « BIÉLORUSSIE », 

Encyclopædia Universalis [en ligne].

URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/bielorussie/


 
Nom officiel République de Biélorussie, Bélarus (BY) Chef de l'État et du gouvernement Alexandre Loukachenko (depuis le 20 juillet 1994). Premier ministre : Roman Golovchenko (depuis le 4 juin 2020) Capitale Minsk Langues officielles biélorusse, russe Unité monétaire rouble biélorusse (BYR) Population 9 407 000 (estim. 2020) Superficie (km2) 207 595



La Biélorussie (ou Belarus) est un État totalement souverain depuis 1991 seulement. En outre, son territoire, dans sa forme actuelle, est très récent. Elle fut l'un des États fondateurs de l'Union soviétique et son espace, sa société et son économie portent encore les témoignages de plusieurs décennies de soviétisation. Elle se distingue, en Europe centrale et orientale, par l'absence quasi totale de réformes depuis la disparition de l'U.R.S.S.

Ce petit pays de 206 700 kilomètres carrés et 9 503 000 habitants au recensement de 2009, situé entre la Russie, la Pologne, l'Ukraine  et les États Baltes, n'est pas seulement un héritage soviétique construit au XXe siècle. Il est situé sur une zone de contact entre monde catholique et monde orthodoxe, sur une charnière géoculturelle et géopolitique  qui a traversé l'histoire de l'Europe pendant plusieurs siècles. De ce fait, il est soumis depuis longtemps à des forces externes qui ont contribué à forger sa géographie. Malgré, mais peut-être aussi à cause de cela, il continue de se distinguer par sa diversité dans de nombreux domaines tels la langue, la religion, les paysages.

Grâce à sa souveraineté récemment acquise, il semble en mesure de prendre enfin son histoire en main. L'élargissement récent de l'Union européenne va-t-il faire de lui encore une fois ce qu'il a été si souvent : une zone de confins puis un État tampon  coincé entre la Russie et le reste de l'Europe ?

Géographie Un morceau de la grande plaine d'Europe du Nord

La Biélorussie est un pays de faible altitude, caractérisé par l'abondance des lacs (environ 4 000) et des collines modelées par les glaciers de l'ère quaternaire. Elle forme un trait d'union entre la plaine germano-polonaise  et la plaine russe. Elle se trouve sur le plus court chemin entre la mer Baltique  et la mer Noire, en suivant la vallée du Dniepr. Son altitude moyenne n'excède pas 159 mètres. On peut distinguer plusieurs ensembles régionaux dans ce paysage apparemment monotone. Le Nord et le Sud correspondent aux bassins de la Dvina et du Pripiat. Ce sont deux régions basses, souvent marécageuses, et forestières. Entre les deux, un troisième ensemble s'intercale, qui va de la frontière  polonaise à la frontière russe. Son l'altitude moyenne est un peu plus élevée (150 à 200 mètres). Cette zone de collines correspond à la ligne de partage entre les fleuves qui se dirigent vers la mer Noire et ceux qui coulent vers la mer Baltique.

Comme dans les États baltes et en Russie, l'autre caractère important des paysages biélorusses est l'omniprésence de la forêt. Elle couvre environ 8 millions d'hectares, soit plus du tiers du territoire et huit fois la superficie de la forêt landaise. Les principaux massifs forestiers se trouvent dans la région de Polotsk, sur la haute vallée de la Berezina, le long de la vallée du Niémen et en Polésie (dans le sud du pays). Ces forêts restèrent longtemps inhabitées. Associées à l'étendue remarquable des zones de marécages, elles firent longtemps de la Biélorussie une région que les armées de passage préféraient éviter. L'armée napoléonienne en fit la cruelle expérience lors de la retraite de 1812, avec la traversée des grands massifs forestiers de la région de Borissov. En hiver, dans ces régions désertes, les soldats ne purent vivre sur le pays et en furent souvent réduits à manger leurs chevaux, lorsqu'ils ne moururent pas sur place.

Les massifs forestiers sont dominés par les résineux. Pins et sapins occupent plus de 60 p. 100 de la surface. Le reste est le domaine des feuillus (bouleaux, chênes, charmes et trembles principalement) et des broussailles basses. La persistance de tels massifs est due à la pauvreté des sols. Ce sont en général des podzols lessivés et peu fertiles. Ils doivent être sérieusement amendés pour donner des récoltes satisfaisantes. En outre, de nombreuses régions ont dû être assainies et asséchées (2,4 millions d'hectares avant 1980) pour étendre la surface agricole utile.

Celle-ci a été gravement affectée par l'explosion de la centrale de Tchernobyl  en 1986 : 3 600 agglomérations de toutes tailles, dont beaucoup de villages, 18 p. 100 des terres cultivables (264 000 hectares de terres définitivement exclus de toute utilisation agricole) et 20 p. 100 des surfaces forestières sont touchées par la pollution  due aux retombées radioactives. Il semble qu'il soit impossible de cultiver des produits sains sur une surface de 800 000 hectares. En dehors des environs immédiats de la centrale, les zones les plus touchées sont situées au sud-est et à l'est, dans les oblasts de Gomel et Moguilev, où plusieurs dizaines de milliers de personnes ont dû quitter définitivement leur habitation pour être relogées ailleurs. En réalité, on a détecté de nombreuses autres zones de pollutions, plus petites, sur une grande partie du territoire.

À la pauvreté des sols s'ajoute un climat continental, qui fait de la Biélorussie une zone agricole moins favorisée que l'Ukraine. L'été est tiède mais il est suivi par un hiver long et rigoureux, avec des écarts thermiques sensibles entre les différentes régions. Le nord du pays ne connaît que 140 jours sans gelée par an, contre 160 dans le sud. De même, la température moyenne de juillet est de — 80 dans la région de Vitebsk et — 40 dans le sud. La proximité de la mer Baltique, située à seulement 220 kilomètres, introduit néanmoins dans ce climat continental une petite nuance océanique ainsi qu'un surplus d'humidité dans la partie septentrionale du pays.

Une mosaïque géographique

Malgré plusieurs siècles de russification, et plusieurs décennies de soviétisation marquées par une politique d'homogénéisation économique, sociale et culturelle, la Biélorussie reste une mosaïque humaine surprenante. Ce pays est situé sur une charnière géoculturelle de l'Europe orientale, à la zone de contact entre populations catholiques et orthodoxes. Le territoire est donc partagé en deux grands versants religieux : une majorité ou une forte minorité de catholiques, selon les districts, dans une grande partie de l'ouest et du nord-ouest ; partout ailleurs, une nette majorité d'orthodoxes. La population juive, qui représentait en moyenne 40 p. 100 de la population urbaine jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, a fortement reculé en raison de son extermination par les nazis et, secondairement, d'un mouvement d'émigration vers Israël depuis les années 1990. Les divers cultes protestants connaissent un essor rapide depuis la disparition de l'Union soviétique, principalement dans les villes. Cette géographie religieuse marquée par le catholicisme et l'orthodoxie est restée étonnamment stable depuis le XIXe siècle et la dissolution de l'Église uniate (1839 et 1874).

La mosaïque culturelle transparaît aussi dans les usages linguistiques. De ce point de vue, il existe des différences sensibles entre les villes et les campagnes, ces dernières ayant été moins profondément soviétisées. Malgré diverses tentatives, depuis la fin du XIXe siècle, pour établir une langue nationale, nombreux sont les habitants qui utilisent encore couramment des dialectes locaux. La langue nationale, initialement définie par Boris Taraskievitch, auteur d'une grammaire biélorusse publiée en 1918, fut d'ailleurs rejetée principalement sous l'impulsion des autorités soviétiques. Pendant la période stalinienne, des linguistes construisirent une nouvelle langue biélorusse unifiée et simplifiée (le décret d'application fut signé en 1933 et c'est en 1959 que fut publiée la première orthographe officielle). Cette langue fut ensuite couramment utilisée dans l'enseignement, lorsque ce n'était pas le russe, mais elle n'a pas fait souche. En réalité, surtout dans les villes, le russe est la langue la plus utilisée, y compris dans les familles exclusivement biélorusses. En revanche, dans les campagnes et dans les petites villes, si le russe est bien compris, on utilise d'autres idiomes. Il peut s'agir du dialecte local, plus ou moins mâtiné d'influences lexicales russes, ukrainiennes voire polonaises, selon les régions. Il peut s'agir aussi d'un mélange de russe, de biélorusse ou de dialecte appelé communément trasianka. Cet idiome est aussi utilisé par une part non négligeable de la population urbaine.

La complexité n'est pas moins grande lorsque l'on observe les identités ethniques. L'antagonisme politique et culturel (et religieux) ancien entre la Russie et la Pologne a contribué à forger des identités biélorusse, russe et polonaise en opposition les unes par rapport aux autres. Dans l'ouest du pays, nombreuses sont les personnes qui se considèrent comme polonaises, bien qu'elles soient nées en Biélorussie et qu'elles ne parlent pas le polonais. Il existe souvent une confusion entre identité ethnique et appartenance confessionnelle. Les orthodoxes se diront en général ethniquement russes ou, de plus en plus souvent, biélorusses. Les catholiques se diront en général biélorusses ou plus souvent polonais. Cette confusion est plus répandue dans les zones rurales et dans les petites villes que dans les grandes villes. Rien n'empêche à vrai dire un orthodoxe de se dire ethniquement polonais, mais cela reste exceptionnel. Bien qu'une réelle identité nationale biélorusse émerge peu à peu, fondée sur la citoyenneté  et le territoire biélorusses, l'influence de la confession sur l'identification ethnique risque de se maintenir pour plusieurs raisons. Le régime actuel valorise très fortement le lien entre identité biélorusse et orthodoxie. Parallèlement, il mène une politique de plus en plus dure et répressive vis-à-vis de la minorité polonaise depuis la fin des années 1990, contribuant à créer des antagonismes qui n'ont pas lieu d'être dans un pays où les coexistences interethnique et interreligieuse sont traditionnellement pacifiques.

Un espace géographique largement hérité de la période soviétique

La répartition des hommes et des activités en Biélorussie est largement héritée de la période soviétique. L'espace est structuré par quelques grands axes qui concentrent la majeure partie de la population et des activités économiques. Le plus important traverse le pays du nord-est au sud-ouest. Il se prolonge au-delà jusqu'à Moscou  et Varsovie, en passant sur le territoire biélorusse par Orcha, Borissov, Minsk, Baranovitchi et Brest. Le deuxième grand axe relie Saint-Pétersbourg  à la mer Noire et traverse l'est du pays du nord au sud. Il longe le Dniepr dans le sud-est, grand couloir de circulation qui relie la Biélorussie à l'Ukraine. Le troisième grand axe traverse le sud du pays, à travers la Polésie, entre Gomel et Brest, en passant par Mozyr et Pinsk. Ces trois axes concentrent presque 6 millions d'habitants, sur un peu moins de 10 millions au total, ainsi que la majorité des villes et centres industriels notables. Une telle concentration d'activités sur les grands axes qui relient la Biélorussie aux pays voisins est due au fait que la plupart de ces pôles industriels sont totalement dépendants de l'extérieur, principalement de la Russie et de l'Ukraine, pour leurs approvisionnement en matières premières et en produits semi-finis, ainsi que pour leurs exportations. La Biélorussie est presque dépourvue de matières premières, en dehors du bois et de la potasse. Ces pôles industriels ont été créés dans le cadre de la planification soviétique et leurs productions étaient, et restent, complémentaires de ce qui se faisait dans d'autres parties de l'U.R.S.S. C'est ce qui explique leur dépendance vis-à-vis de l'extérieur.

La profondeur de la marque soviétique est évidente dans la trame urbaine. Sous l'effet de la planification imposée par Moscou, le territoire a été quadrillé par un ensemble de villes qui forment une armature quasi géométrique. Le centre du réseau urbain est Minsk. La capitale rassemble 20 p. 100 de la population du pays et c'est de loin le premier pôle économique et industriel. Le fleuron de la ville est son usine de tracteurs, première de la C.E.I. pour le volume de sa production. Les autres grandes villes ont été régulièrement développées aux périphéries du territoire : Grodno et Brest à l'ouest ; Vitebsk, Moguilev et Gomel à l'est. Ce schéma se répète à l'échelon régional dans chaque oblast (région) avec une capitale régionale, entourée de villes moyennes, elles-mêmes entourées de villes plus petites...

Des évolutions récentes contrastées et parfois préoccupantes

L'évolution démographique de la Biélorussie, comme dans beaucoup d'anciennes républiques soviétiques, est préoccupante. Le pays comptait 10,15 millions d'habitants en 1989, mais seulement 10,04 en 1999 et 9,8 en 2004. Le solde naturel est de plus en plus négatif depuis les années 1990. Depuis 1998, l'excédent des décès sur les naissances est supérieur à 45 000 et même à 50 000, en 2004. Dans le même temps, l'espérance de vie a reculé. La situation est inqiétante dans toutes les régions, à l'exception de la ville de Minsk où le solde est équilibré en raison d'une structure par âge plus jeune.

La disparition de l'Union soviétique fut un choc, mais on peut considérer que l'espace biélorusse continue de suivre des évolutions déjà commencées avant. Toutefois, elles sont moins nettes et moins uniformes, comme en témoignent les changements récents de la géographie urbaine. La part de la population urbaine dans la population totale continue de croître à un rythme soutenu même si la trame urbaine reste globalement inchangée. Les capitales de région conservent leur place dans la hiérarchie des villes biélorusses et leur poids démographique continue de se rapprocher. Mais en dehors de Minsk, on constate en réalité un tassement de la croissance urbaine. Les capitales d'oblast croissent souvent moins vite qu'autrefois. Certaines stagnent depuis le début des années 2000. D'autres ont même perdu de la population. Minsk est passée de 1,6 million d'habitants en 1989 à 1,8 en 2005. Sa croissance est plus lente qu'avant 1992. Gomel et Vitebsk sont en déclin. Seules les deux capitales situées à l'ouest, Brest et Grodno, ont connu une croissance significative. De leur côté, les villes moyennes (entre 80 000 et 200 000 habitants) ont aussi gagné des habitants. À l'échelle des régions, l'évolution est un peu différente. Toutes ont perdu de la population, mais les régions occidentales (oblasts de Grodno et de Brest) se distinguent encore une fois avec des pertes de populations très limitées : seulement — 3,2 p. 100 et — 0,4 p. 100 de 1990 à 2005.

On constate une différence d'évolution entre l'ouest et l'est du pays. Les régions orientales présentent des évolutions moins favorables. Cela est dû à plusieurs facteurs : le départ d'une partie des Russes qui s'étaient installés pendant la période soviétique ; la crise des grands centres industriels de l'est (Gomel, Moguilev), fortement liés aux marchés russe et ukrainien eux-mêmes en crise depuis la chute du système soviétique ; et, bien sûr, l'accident nucléaire de Tchernobyl. Les zones les plus polluées de l'est et du sud-est du pays ont perdu la moitié de leur population. A contrario, comment expliquer les meilleures performances des régions occidentales ? Elles sont plus attractives et présentent de fait un solde migratoire plus élevé. On trouve un nombre plus élevé d'investisseurs occidentaux dans la région de Brest. Sa situation à la frontière avec la Pologne en fait à la fois une porte d'entrée de la C.E.I. et une interface entre la C.E.I. et l'Union européenne. Sa zone franche est d'ailleurs celle qui a attiré le plus grand nombre d'entreprises : 100 en 2004 contre 84 seulement dans celle de Minsk. C'est aussi celle dont les exportations sont les plus élevées en valeur. Outre une situation avantageuse, les investisseurs étrangers, bien qu'encore peu nombreux, trouvent dans cette région une main-d'œuvre abondante et bien formée. Enfin, les régions occidentales de la Biélorussie ne présentent pas le même tissu économique et industriel que celles de l'est, avec moins de très grandes usines vieillissantes. Elles sont donc moins encombrées du lourd héritage industriel soviétique qu'il est si difficile de restructurer dans de nombreuses régions de l'ex-U.R.S.S.

Toutefois, malgré ces quelques exemples, le processus de différenciation socio-économique entre l'est et l'ouest reste modéré en Biélorussie, si on le compare avec les évolutions régionales beaucoup plus contrastées de l'Ukraine par exemple. Dans ce pays, les villes et les régions de l'est ont connu une baisse beaucoup plus forte de leur population.

La dernière économie soviétique d'Europe ?

L'économie de la Biélorussie est apparemment dynamique et présente des statistiques officielles flatteuses. L'inflation est relativement basse et la croissance du P.I.B. est apparemment forte (+ 11 p. 100 en 2004), avec des taux largement positifs depuis 1996. Le P.I.B. et le P.I.B. par habitant, exprimés en dollars constants, ont retrouvé en 2002 leur niveau de 1990 et continuent d'augmenter. Le chômage officiel est très bas (1,9 p. 100 en 2005) et les écarts sociaux ne se sont pas creusés autant que dans certains pays proches, comme la Russie ou l'Ukraine. Mais ces statistiques officielles sont douteuses et des signes moins favorables existent : le chômage réel est élevé, les invendus des entreprises biélorusses s'accumulent dans certaines branches (chimie, téléviseurs, pneus...), l'outil industriel est de plus en plus obsolète, la productivité ne cesse de baisser... La perte de compétitivité est renforcée par la fermeture du pays aux investisseurs étrangers, seuls capables d'apporter de sensibles améliorations à l'outil économique local. Le volume cumulé des investissements directs étrangers dépassait à peine 2 milliards de dollars en 2004, contre 9,2 milliards en Ukraine et 6,4 milliards en Lituanie. Le caractère autoritaire du régime et le flou du cadre juridique des affaires sont des facteurs décourageants.

L'économie biélorusse est l'une de celles qui ont connu le moins de réformes structurelles depuis la fin du système soviétique d'économie planifiée. Elle reste une économie d'État, par conséquent très centralisée, où la privatisation n'a pas encore connu de réel essor. La part du secteur privé dans le P.I.B. est presque marginale (20 p. 100 des entreprises et 25 p. 100 du P.I.B. en 2004). Certaines privatisations réalisées dans les années 1990 ont même été annulées récemment. Par ailleurs, la structure de l'économie varie peu. Les grands secteurs économiques sont toujours les constructions mécaniques, la chimie, la pétrochimie, la fabrication de certains biens de consommation durables... Les activités de service représentent une part encore limitée du P.I.B., si l'on compare avec d'autres anciennes économies socialistes (73 p. 100 en Lettonie, 64 p. 100 en Pologne, 60 p. 100 en Russie et seulement 49 p. 100 en Biélorussie), tandis que l'industrie et l'agriculture conservent une part encore élevée par rapport aux pays voisins.

Malgré un timide début de diversification de ses partenaires commerciaux en 2004-2005 (on enregistre notamment une croissance de la part de l'Union européenne), la Biélorussie reste très solidement arrimée à la C.E.I. si l'on regarde la structure de ses échanges extérieurs de marchandises. Elle a fait 53 p. 100 de ses exportations vers les pays de la C.E.I. en 2004, surtout avec la Russie, et 72 p. 100 de ses importations venaient de la C.E.I. En ce qui concerne les échanges internationaux de services et surtout les investissements directs, la Russie est de loin le premier partenaire de la Biélorussie. Tout cela indique un haut niveau de dépendance vis-à-vis du grand voisin. La Russie est son premier client et son premier fournisseur et assure la totalité de son approvisionnement énergétique. La Biélorussie doit d'ailleurs une part non négligeable de ses taux de croissance flatteurs à la réexportation, au prix fort, d'une partie du gaz et du pétrole qu'elle importe à bas prix de Russie.

Histoire La période médiévale et l'émergence des premières principautés

L'État biélorusse n'est pas une création du XXe siècle. Son histoire est déjà ancienne. Les premières principautés locales apparurent au sein de la principauté de Kiev, à la fin du Xe siècle, notamment autour de Polotsk. Dès cette époque, les villes de Pinsk, Slutsk et Turov, et dans une moindre mesure celle de Minsk, étaient des centres importants, mais moins rayonnants que Kiev et Novgorod. Entre ces deux pôles antagonistes, les petites principautés locales réussirent peu à peu à affirmer leur autonomie politique et leur originalité culturelle. Cette situation fut confirmée au XIIIe siècle avec l'arrivée des Mongols, qui conquirent une partie de l'ancienne principauté de Kiev et les principautés situées sur le territoire de la Russie actuelle. L'actuelle Biélorussie fut relativement épargnée, ce qui permit à Pinsk et Turov de gagner définitivement une indépendance qu'elles possédaient déjà de fait.

Dès cette époque, les princes locaux, en perpétuelle rivalité pour le trône de Polotsk, commencèrent à employer des guerriers baltes, principalement lituaniens, dans le cadre de leurs luttes intestines. Ces derniers connaissaient bien le pays pour y avoir mené déjà de nombreuses razzias. Ils s'imposèrent peu à peu et réussirent finalement à exercer des fonctions princières à Polotsk (1262), Smolensk  et Vitebsk (1264). Ainsi, le prince Mendog réussit à constituer un État à cette époque, situé à la jonction des zones de peuplement lituanien et biélorusse, autour d'une capitale située à Novogrudok. Il se convertit au catholicisme en 1252 et se proclama roi de la Litva ou Lituanie, appellation qui désignait alors un territoire aux confins de l'actuelle Biélorussie occidentale et de la Lituanie orientale. Ses successeurs parvinrent à consolider son œuvre et à renforcer le jeune État face aux Mongols.

Au XIVe siècle, l'État lituanien englobait ainsi la majorité des principautés biélorusses et le nord-ouest de l'Ukraine actuelle. Sa capitale était alors Vilna (actuelle Vilnius), où se côtoyaient Livoniens et Samogitiens (peuples baltes résidant dans l'actuelle Lituanie), Biélorusses, Ruthènes, Lettons, Allemands et Polonais. À la fin du siècle, le grand-duché de Lituanie s'étendait sur l'ensemble des terres biélorusses et sur une grande partie de l'Ukraine actuelle. Les souverains lituaniens avaient en outre réussi à stopper la progression des chevaliers Teutoniques au nord.

Afin de contenir l'expansion de la Moscovie, à l'est, et celle des chevaliers Teutoniques, au nord, les grands-ducs finirent par ressentir la nécessité de se rapprocher d'États voisins. Le grand-duc Jagellon se convertit au catholicisme et épousa en 1386 la princesse Hedwige, héritière de Pologne. Au sein du nouvel État ainsi constitué, le royaume de Pologne et le grand-duché de Lituanie restèrent indépendants, unis seulement de façon nominale par l'existence d'un souverain commun. Toutefois, on constate dès cette époque un net rapprochement culturel et institutionnel entre les deux États. Dans ce très vaste territoire qui s'étendait de la mer Baltique à la mer Noire, les souverains menèrent une politique de tolérance religieuse. Le grand-duché était alors une mosaïque culturelle où les aristocraties catholiques et orthodoxes jouissaient de statuts égaux et où la liberté de culte était réelle.

De l'Union avec la Pologne à la russification

Face à la Moscovie de plus en plus puissante à l'est, les noblesses polonaise et lituanienne obtinrent l'Union des deux États en 1569. Ce fut l'union de Lublin, qui donna naissance à la République polono-lituanienne, dotée d'un Parlement commun. Mais les armées et les finances restèrent séparées. Au sein de ce nouvel ensemble, l'influence de la culture polonaise et du catholicisme fut renforcée, principalement parmi les élites. La diversité culturelle fut accentuée encore avec l'arrivée de la réforme protestante, au XVIe siècle, et avec la diffusion de l'imprimerie sous l'impulsion de l'humaniste Francisk Skorina. De nombreux nobles orthodoxes se convertirent au protestantisme, mais passèrent ensuite au catholicisme au XVIIe siècle lors de la Contre-Réforme, qui fut diffusée principalement par les jésuites. Ils amplifièrent ainsi le processus de polonisation de la société.

Parallèlement, une partie de la haute hiérarchie orthodoxe demandait une réforme profonde. C'est pourquoi, en 1596, un synode d'évêques orthodoxes réuni à Brest-Litovsk proclama la création de l'Église orthodoxe  de Lituanie et de Pologne, et placèrent cette nouvelle Église sous l'autorité spirituelle du pape de Rome. Ce fut l'acte de naissance de l'Église catholique de rite oriental, plus communément appelée Église uniate. Cette création était aussi une réponse politique des rois de Pologne à la création du patriarcat de Moscou par les souverains moscoviens. Ces derniers souhaitaient faire de leur capitale la troisième Rome, en raison de la chute de Constantinople en 1453. L'uniatisme se diffusa difficilement dans les régions orientales de la Biélorussie et de l'Ukraine actuelles, qui ne reconnurent pas l'autorité du pape. La paysannerie, de plus en plus marginalisée par l'extension du servage, resta majoritairement orthodoxe jusqu'au XVIIIe siècle. Un antagonisme socio-religieux se développa ainsi entre l'élite nobiliaire, souvent polonisée, et la paysannerie, contribuant au lent déclin de la République.

Ce déclin, commencé en réalité dès le XVIIe siècle, fut illustré par les incursions de plus en plus fréquentes d'armées étrangères sur le territoire polono-lituanien, en particulier de l'armée moscovienne. Cette dernière, qui avait déjà atteint Minsk en 1654, s'empara de Smolensk en 1667. Le lent déclin politique de la République trouva son point d'achèvement à la fin du XVIIIe siècle, avec ce qu'on appelle usuellement les trois partages de la Pologne, en réalité de la République polono-lituanienne, en 1772, 1793 et 1795. Les terres biélorusses furent ainsi intégrées dans l'empire russe et firent l'objet d'intenses campagnes de russification, en particulier sous les règnes de Catherine II, de Nicolas Ier et de Nicolas II. En 1839, les uniates, devenus entre-temps majoritaires dans la population, furent contraints de se convertir à l'orthodoxie et l'Église uniate fut officiellement dissoute. La russification fut en partie responsable des révoltes polonaises de 1830 et 1863, qui touchèrent une partie de la Biélorussie actuelle. Ces révoltes hâtèrent l'abolition du servage (1861), qui était conçue comme une mesure de rétorsion du tsar à l'encontre de l'aristocratie terrienne, polonaise ou polonisée, de l'ancienne République.

La russification n'empêcha pas l'émergence de partis politiques contestataires ni d'un mouvement national, porteur d'une première conscience identitaire, au début du XXe siècle. C'est à Minsk qu'eut lieu le premier congrès du Parti ouvrier social-démocrate, en 1898, dont sont issus les mencheviks et les bolcheviks. Peu après, en 1902, sous l'impulsion du Parti socialiste polonais, naquit la Hromada révolutionnaire biélorussienne, à Vilna. Pendant ce temps, le développement du système scolaire et l'apparition de maisons d'édition contribuèrent à la diffusion du sentiment national dans les premières années du XXe siècle.

La Biélorussie soviétique

La Première Guerre mondiale accéléra la désagrégation de l'empire russe et accrut l'audience des mouvements politiques nationalistes, parfois avec l'aide des occupants allemands. Un Comité national biélorussien fut créé à Minsk en mars 1917. Le 25 mars 1918, un congrès pan-biélorussien proclama la République populaire de Biélorussie. Mais, après la capitulation allemande, les bolcheviks reprirent le pays en main. Le 1er janvier 1919, ils parvinrent à faire proclamer la République socialiste soviétique de Biélorussie. Lorsque les troupes allemandes évacuèrent le pays, l'Armée rouge  s'avança immédiatement jusqu'à Minsk et Vilna, faisant proclamer alors la République soviétique de Lituanie-Biélorussie, le 27 février. Ce nouvel État ne comprenait pas les régions de Smolensk, Vitebsk et Moguilev, conservées par la Russie. Cette avancée de l'Armée rouge provoqua une riposte armée de la Pologne qui souhaitait annexer la partie occidentale de la Biélorussie et qui ne pouvait admettre le voisinage de la Russie. Vilna et ses environs furent envahis par l'armée polonaise le 22 avril 1919, sur l'ordre de Josef Pilsudski. Cette intervention marqua le début de la guerre polono-soviétique, qui s'acheva au mois de mars 1921 par la signature du traité de Riga. Ce dernier institutionnalisa le partage de la Biélorussie en trois parties : l'ouest allait à la Pologne, le centre devenait la République socialiste soviétique de Biélorussie, qui avait été proclamée en réalité le 1er août 1920, composée de six districts de la région de Minsk, et l'est était annexé par la fédération de Russie.

La Biélorussie obtint ses frontières actuelles entre 1941 et 1945. Avec le partage germano-soviétique et, plus tard, avec l'avancée de l'Armée rouge face aux troupes nazies, le pays fut unifié. Mais, entre-temps, la partie orientale, qui avait été attribuée à la Russie en 1921, avait connu la soviétisation, ce qui explique certains contrastes géographiques régionaux encore visibles dans le pays. Enfin, en 1945, le pays devint membre de l'O.N.U., avec l'Ukraine.

L'histoire de la Biélorussie a été marquée par une constante, le fait d'être toujours prise entre deux pôles plus puissants qu'elle et souvent antagonistes : Kiev et Novgorod, puis Moscou et Varsovie. Le XXe siècle a vu la victoire du pôle moscovite, jusqu'à la fin de l'Union soviétique. L'indépendance, proclamée le 25 août 1991 et acquise en décembre 1991 presque malgré elle, fait enfin de la Biélorussie un État souverain. Ayant fait office de confins pendant des siècles, elle peut enfin prendre en main sa propre histoire.

—  Yann RICHARD
La Biélorussie indépendante

L'accès du pays à l'indépendance, le 25 août 1991, n'a pas remis en cause le monopole de l'ancien personnel dirigeant communiste dans les institutions politiques et, par conséquent, n'a pas permis au pays de connaître de changements significatifs. Le pouvoir revenait en grande partie au Conseil des ministres qui a conservé une composition proche de celle de la période soviétique. Le Soviet suprême, constitué en mars 1990 et dominé par les représentants de la nomenklatura, a bloqué les initiatives de réformes et a surtout développé la coopération avec la Russie et les autres pays de la Communauté des États indépendants (C.E.I.), créée en 1991 sur les ruines de l'U.R.S.S.

Un régime autoritaire

Après l'adoption, le 15 mars 1994, par le Soviet suprême, d'une nouvelle Constitution qui instaurait une présidence de la République, Alexandre Loukachenko, ex-directeur de sovkhoze, s'est servi de sa fonction de président du Comité temporaire de lutte anticorruption pour mener sa campagne pour l'élection présidentielle de juin-juillet 1994. Opposé à Viatcheslav Kebitch, Premier ministre sortant, il s'est présenté comme étant le seul à même de rompre avec le désordre et l'indécision politique de la période précédente, et de renouer avec les pratiques, jugées positives, de l'époque soviétique.

Élu au second tour avec 80 p. 100 des voix le 10 juillet 1994, Loukachenko a mis en place un système de pouvoir populiste autoritaire, dans lequel le président est le seul garant du bien-être de l'État et du peuple, et le principal instigateur des initiatives politiques, économiques et sociales. Cette politique se fonde à la fois sur le culte de la personnalité  et des origines populaires du chef de l'État, et sur le rejet de toutes les formes de médiation politique (partis politiques, associations, syndicats) dans sa relation privilégiée avec le peuple. Conformément au modèle corporatiste d'État auquel aspire ce régime, seules quelques organisations loyales au pouvoir, telles que l'Union républicaine de la jeunesse biélorusse ou la Fédération des syndicats de Biélorussie – forte de ses 4,5 millions d'adhérents –, sont reconnues et soutenues par les autorités en place.

La fonction représentative du Parlement est également mise à mal au profit des instruments de la démocratie directe tels que les référendums. Ceux-ci permettent à Loukachenko de faire avaliser ses choix politiques, tout en maintenant l'illusion de la participation populaire à la prise de décisions politiques. Ainsi, le référendum  de mai 1995 révèle l'attachement de Loukachenko au modèle soviétique, puisqu'il a permis, entre autres, d'accorder à la langue russe le statut de seconde langue d'État et de restaurer la filiation avec la période soviétique par le retour aux symboles de la Biélorussie soviétique, exceptions faites toutefois de la faucille et du marteau. De même, le référendum de novembre 1996, portant sur une révision constitutionnelle, visait à élargir les domaines de compétence présidentielle au détriment du Parlement devenu bicaméral, avec le Conseil de la République (chambre haute) et la Chambre des représentants (chambre basse).

Réélu en 2001, dès le premier tour, avec plus de 75 p. 100 des suffrages, Loukachenko a cherché à affirmer son pouvoir. Pour être en mesure de briguer un troisième mandat présidentiel, il a organisé un référendum, le 17 octobre 2004, qui a recueilli 79,42 p. 100 de oui. Le même jour se tenaient les élections législatives, à l'issue desquelles aucun candidat de l'opposition n'a été élu. Toutes ces consultations électorales sont, selon les observateurs internationaux, entachées de fraudes. Malgré les manifestations de l'opposition, il est réélu le 19 mars 2006, dès le premier tour, avec 82,6 p. 100 des suffrages contre 6 p. 100 pour son adversaire pro-occidental.

La stratégie politique du président s'appuie également sur la violence d'État, qui sert à étouffer et réprimer sévèrement toute tentative de contestation ou de changement de pouvoir. Ainsi, les partis politiques de l'opposition (le Front populaire de Biélorussie, le Parti civique uni, la Hramada sociale-démocrate), privés de toute représentation institutionnelle, comme les associations de défense des droits de l'homme  et les syndicats indépendants, sont victimes de pratiques punitives et risquent à tout moment d'être interdits.

Les hommes politiques de l'opposition sont régulièrement menacés par les services d'ordre qui usent de méthodes telles que les arrestations, les interrogatoires, les perquisitions ou les passages à tabac.

Le contrôle de l'information est un autre élément clé de la politique du président. Alors que la presse d'État – notamment le quotidien Sovetskaâ Belorussiâ – a les tirages les plus importants et que les chaînes de télévision publiques ne relatent que les activités du président, la presse indépendante est la cible de pratiques de harcèlement, comme des inspections fiscales pour interdire les publications, ou des amendes exorbitantes provoquant la cessation d'activité.

La réélection de Loukachenko pour un quatrième mandat, avec 79,7 p. 100 des suffrages, en décembre 2010, donne lieu à une manifestation  de milliers d'opposants à Minsk, qui est violemment réprimée par les forces de l'ordre. Le président confirme le durcissement du régime contre toute forme d'opposition en déclarant qu'« il n'y aura pas de révolution en Biélorussie ». Les élections législatives de septembre 2012 se déroulent en l’absence des principaux partis d’opposition. Alors que l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe dénonce l’absence de transparence et la partialité du scrutin, Moscou exprime un avis contraire à celle-ci.

Prédominance des structures d'État dans l'économie

La structure de l'économie biélorusse a peu évolué par rapport à l'époque soviétique : l'industrie et l'agriculture constituent respectivement 47,7 p. 100 et 8,9 p. 100 du P.I.B au milieu des années 2000. La réticence des autorités à l'égard des réformes rend les investissements difficiles avec, pour conséquence, des structures de production quasi inchangées et une lourde hypothèque sur l'avenir économique du pays. En effet, alors que 80 p. 100 des entreprises se trouvent toujours sous le contrôle public, 40 p. 100 d'entre elles fonctionnant à perte d'après les statistiques officielles, le président refuse de voir ces industries échapper à l'orbite de l'État ; il entend ainsi prévenir l'apparition d'intérêts économiques privés puissants, susceptibles de financer une éventuelle entreprise de contestation de son pouvoir. En outre, Loukachenko n'hésite pas à remettre en cause les privatisations, peu nombreuses, effectuées au milieu des années 1990. Les chiffres sont révélateurs : la part du secteur privé dans l'économie biélorusse demeure très faible (environ 15 p. 100 du P.I.B.) et tend même à se réduire (elle était d'environ 20 p. 100 au milieu des années 1990). À défaut de restructuration des industries étatiques, le gouvernement subventionne la production industrielle et agricole, par attribution de prêts bonifiés, et les prix des produits et services de première nécessité, creusant ainsi le déficit budgétaire.

Pour ce qui est de ses résultats économiques, la Biélorussie affiche une forte croissance (6,8 p. 100 en 2003 et 11 p. 100 en 2004), mais ces performances sont partiellement artificielles. L'économie est administrée de façon centralisée et bénéficie de subventions directes ou indirectes de la part de la Russie, sous forme de crédits annuels ou encore de tarifs préférentiels sur les livraisons de gaz, qui permettent notamment de résoudre la question de la dépendance énergétique du pays. Héritage de la période soviétique, l'économie biélorusse reste étroitement liée à celle de son voisin russe. Ainsi, dans la structure des échanges extérieurs, Moscou demeure le principal partenaire commercial de Minsk : 60 p. 100 des échanges commerciaux se font au sein de la C.E.I., et 90 p. 100 de ces derniers avec la seule Russie.

Conformément à la politique sociale du président Loukachenko, le gouvernement parvient, d'une année sur l'autre, à faire en sorte que le chômage reste un phénomène marginal et ne dépasse pas le seuil de 3 p. 100 des actifs. Mais ce chiffre officiel masque un phénomène plus important. Nombre de personnes sans emploi ne s'enregistrent pas auprès de la Bourse du travail, préférant travailler dans l'économie informelle plutôt que de profiter des faibles indemnités du secteur public.

L'isolement du pays sur la scène internationale

Après l'arrivée au pouvoir de Loukachenko, les relations de la Biélorussie avec les pays occidentaux n'ont cessé de se dégrader. Ainsi, en janvier 1997, à la suite du référendum constitutionnel de novembre 1996, le Conseil de l'Europe a suspendu le statut d'invité spécial de la Biélorussie, et a refusé de reconnaître la révision constitutionnelle de 1996 et les nouvelles institutions qui lui sont liées, pour cause de fraudes. Cette exclusion a été confirmée en 2004, devant l'absence de progrès démocratique dans le pays.

Mais l'isolement effectif de la Biélorussie a débuté en 1998, lors de la crise des ambassades, quand les diplomates occidentaux ont décidé de quitter le pays face à la volonté des autorités biélorusses de leur faire évacuer leur quartier résidentiel. Le président Loukachenko et les hauts dignitaires du régime ont alors été, une première fois, interdits de séjour dans l'Union européenne (U.E.) et aux États-Unis. À la suite d'un rapport du Conseil de l'Europe sur les disparitions d'opposants dans le pays, l'U.E. puis les États-Unis ont interdit de séjour sur leurs territoires, en septembre 2004, quatre hauts dirigeants biélorusses, soupçonnés d'être impliqués dans ces disparitions. Cette interdiction a été reconduite en septembre 2005, en raison du refus, par Minsk, d'ouvrir une enquête criminelle indépendante et impartiale. À l'automne de 2005, l'U.E. a financé la diffusion, par des médias étrangers, d'informations sur la démocratie, les droits de l'homme, l'opposition politique et tout autre sujet non traité par les médias officiels nationaux.

L'administration américaine de George W. Bush a également multiplié les sanctions à l'encontre du régime qu'elle qualifie de « poste avancé de la tyrannie » : le président Bush a ainsi promulgué, le 20 octobre 2004, le Belarus Democracy Act qui prévoit l'interdiction de toute aide publique à destination de Minsk et l'augmentation de l'assistance financière aux O.N.G. œuvrant pour la démocratisation du pays.

Face à cette mise à l'écart, le président Loukachenko répond par une rhétorique anti-occidentale et surtout anti-américaine, dénonçant l'ingérence de Washington dans les affaires intérieures du pays, par le développement de coopérations bilatérales avec des pays tels que la Chine, l'Iran, le Soudan ou la Libye, ou encore par une politique de limitation, pour la population, des contacts avec l'étranger.

Un partenariat privilégié avec Moscou

Depuis 1994, l'intégration politique, militaire et économique avec la Russie est un élément clé de la politique du président. Ainsi, la signature d'une succession de traités a débouché sur la création, en 1996, de l'Union Russie-Biélorussie dont l'objectif affiché était, à terme, de fusionner les deux États. Cependant, jusqu'à ce jour, les deux partenaires n'ont pas franchi le pas : si chacun d'eux a besoin de l'autre pour des raisons politiques, économiques, stratégiques, les dirigeants russe et biélorusse ne semblent pas prêts à abandonner le pouvoir ni à remettre en cause la souveraineté de leur pays respectif. La mise en place de projets politiques et économiques formés dans le cadre de cette Union est en permanence retardée. Les deux partenaires n'ont ainsi pas adopté, à l'été de 2002, l'Acte constitutionnel de l'Union, la Russie refusant l'introduction de structures supranationales, alors que Loukachenko nourrissait l'espoir, avec la mise en place de celles-ci, de diriger un jour cette Union. Quant au projet d'unification monétaire, qui devait entrer en application en 2005 et conduire à l'introduction d'une devise commune à partir de 2008, il bat également de l'aile, Minsk s'opposant à la position ferme du gouvernement russe quant au maintien d'un seul centre d'émission monétaire, basé à Moscou.

Cependant, avec le succès des révolutions populaires en Géorgie  (2003) et en Ukraine (2004), la Biélorussie de Loukachenko semble apparaître, aux yeux de Moscou, comme le meilleur rempart contre le risque de propagation de cette vague contestataire, de nature à mettre en danger les régimes « forts » en place dans la C.E.I.

 

—  Ioulia SHUKAN