ENTRETIEN - Nicolas Werth: «Incarner la grande terreur stalinienne»


Nicolas Werth: «Incarner la grande terreur stalinienne»

 |  PAR FRANÇOIS BONNET  - MEDIAPART

L'historien Nicolas Werth a participé à ce qui est aussitôt devenu un livre de référence :La Grande Terreur en URSS 1937-1938. Il commente les photos des victimes prises avant leur exécution et détaille l'organisation de ce qui fut un crime de masse.
 

 

 

 Nicolas Werth est l'un des meilleurs historiens de la période soviétique. Auteur d'une vingtaine de livres, dont plusieurs font référence,
il a participé à l'ouvrage collectif coordonné par le photographe polonais Tomasz Kizny et Dominique Roynette :
La Grande Terreur en URSS 1937-1938.

Ce livre grand format s'ouvre par la publication d'une soixantaine de photos d'identité policières de victimes de la
répression stalinienne, prises juste avant leur exécution. Ces documents, issus du fonds d'archives de l'association russe
Memorial, sont bouleversants. Un visage est enfin mis sur les victimes de ce qui fut un crime de masse :
750 000 personnes exécutées en dix-huit mois, 800 000 déportées.
La grande terreur ne se résume donc pas aux spectaculaires procès de Moscou. Dans tout le pays, des quotas furent édictés
pour mettre en place une immense machine à tuer et organiser « cette logique bureaucratique de répression préventive »,
Staline redoutant par-dessus tout que la marche vers la guerre déjà engagée en ces années ne vienne déstabiliser son régime.
L'ampleur du crime soigneusement caché pèse encore aujourd'hui sur les ex-sociétés soviétiques. Outre la contribution de
Nicolas Werth, titrée « Repenser la Grande Terreur », le livre propose de splendides reportages sur les lieux des crimes,
dresse un état des lieux de l'impunité dont ont pu jouir – après la mort de Staline – les exécutants et propose plusieurs
témoignages de déportés au Goulag ou d'enfants de déportés. C'est un ouvrage exceptionnel pour comprendre ce que fut
la spécificité des crimes de Staline mais aussi ce que demeure aujourd'hui la Russie, pays fâché avec son histoire et
sa mémoire.
 
La Grande Terreur en URSS 1937-1938
de Tomasz Kizny, Dominique Roynette et collectif.
Éditions Noir sur Blanc. 412 pages. 40 euros
 
 
Par ailleurs, Nicolas Werth vient de publier La Route de la Kolyma, carnet de route et récit d'un voyage effectué
dans ce territoire qui fut comme le cœur de l'archipel du Goulag soviétique. Écho actuel aux Récits de la Kolyma,
de Varlam Chalamov, ce carnet raconte les traces du Goulag, son écrasante mémoire et les témoignages d'enfants
de déportés vivant encore à Magadan, capitale de cette région.
La Route de la Kolyma
Éditions Belin
192 pages, 20 euros



Jean Maiboroda