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GÉOPOLITIQUE. REBONDISSEMENTS DANS LA GUERRE DU PÉTROLE


 Il se pourrait bien que, derrière l’épidémie du Coronavirus (COVID-19) se profile une nouvelle guerre sur les prix du pétrole. On le sait, et je l’ai dit à de nombreuses reprises, la chute de la production en Chine a eu des conséquences importantes sur les marchés des matières premières, et du pétrole en particulier. Mais, depuis le vendredi 6 mars, on assiste à l’éclatement de l’accord qui unissait l’OPEP, emmené par l’Arabie Saoudite, au groupe dit « non-OPEP » conduit par la Russie. Nous sommes donc entrés dans une autre logique.
 
L’échec de la réunion de Vienne
 
Une réunion de ces divers pays se tenait à Vienne le vendredi 6 mars pour étudier les réponses à apporter à la baisse des prix engendrée par la chute de la demande chinoise et le ralentissement de l’activité économique. Le ministre Russe de l’Énergie, Alexandre Novak, qui était arrivé de Moscou vendredi matin déclara alors à ses collègues ministres qu’il était en faveur du maintien de la réduction de l’offre aux niveaux actuels jusqu’en juin, date à laquelle il  conviendrait d’étudier des coupes plus profondes.
Les ministres de l’OPEP, sous la direction du Ministre Saoudien avaient proposé jeudi à la Russie que de réduire la production de pétrole de 1,5 million de barils supplémentaires par jour afin de compenser l’impact du coronavirus. Quelques heures plus tard, l’OPEP avait de nouveau fait pression sur Moscou, pour une réduction immédiate des volumes de production. La déclaration d’Alexandre Novak fut l’équivalent d’une fin de non-recevoir.
Malgré les efforts du secrétaire général de l’OPEP, Mohammad Barkindo, pour trouver un ton conciliant en louant la Russie en tant qu’allié fiable, le marché pétrolier s’est de fait préparé à une crise profonde. Le prix du pétrole brut a chuté de 5,9% à Londres à 47,02 $, le plus bas depuis juillet 2017. Après cinq heures de négociations polies mais infructueuses, au cours desquelles la Russie a clairement exposé sa stratégie, les pourparlers ont donc échoué. Les ministres présents semblaient tellement choqués, qu’ils ne savaient pas quoi dire.
 
La fin du groupe « OPEP+ »
 
L’impasse à laquelle on est arrivé est donc la plus grande crise depuis que l’Arabie saoudite, la Russie et plus de 20 autres pays ont créé le groupe appelé « OPEP + » en 2016. Ce groupe, qui contrôle plus de la moitié de la production mondiale de pétrole, a soutenu les prix et remodelé la géopolitique du Moyen-Orient. Il est maintenant en crise. Le risque pour les Saoudiens est que si leur pari est de faire céder la Russie par une baisse de production, ils ont en fait plus à perdre que ce dernier pays car ils ont besoin des prix du pétrole plus élevés pour financer leur budget que la Russie.
Pendant plus de trois ans, le président Vladimir Poutine a maintenu la Russie au sein de la coalition OPEP +, en s’alliant à l’Arabie saoudite et aux autres membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole pour limiter la production de pétrole et soutenir les prix. Cette alliance a été décisive pour permettre à la Russie de traverser la crise engendrée par la baisse brutale des prix du pétrole de 2015. Cependant, en plus d’aider le Budget russe, cette l’alliance a apporté à la Russie des gains importants de politique étrangère, créant un lien avec le nouveau leader de l’Arabie saoudite, le prince héritier Mohammed ben Salman. On peut se demander pourquoi la Russie, alors, veut y mettre fin.
 
Le contentieux Russo-Américain
 
Mais la constitution et l’accord de l’OPEP + a également aidé, indirectement, l’industrie du schiste américain. Or, la Russie est de plus en plus en conflit avec les Etats-Unis. Le gouvernement russe est aujourd’hui en colère contre la volonté de l’administration Trump d’utiliser l’énergie comme un outil politique et économique. Elle a été particulièrement contrariée par le recours aux sanctions par les États-Unis pour empêcher l’achèvement d’un gazoduc reliant les gisements de gaz de la Sibérie à l’Allemagne, connu sous le nom de Nord Stream 2. Que cette tentative ait été globalement un échec ne change par ailleurs rien au ressentiment qu’éprouve le gouvernement Russe. La Maison Blanche a également ciblé les activités vénézuéliennes du producteur de pétrole russe Rosneft. Ici encore, le gouvernement russe a trouvé une solution de substitution à Rosneft. Mais, encore une fois, cet épisode a pu cristalliser un conflit avec les Etats-Unis.
La décision de la Russie de sacrifier l’accord serait donc la réponse à cette politique américaine selon Alexandre Dynkin, le président de l’influent Institut d’économie mondiale et des relations internationales (IMEMO) à Moscou. Il faut aussi ajouter que l’accord dit OPEP + n’a jamais été très populaire auprès de nombreux acteurs de l’industrie pétrolière russe. En particulier, Igor Sechin, le puissant patron de Rosneft et un allié de longue date de Poutine, y était semble-t-il opposé. Le Kremlin a également été déçu par son alliance avec Riyad. La stabilité de Mohammed Ben Salman ne semble pas assurée si l’on en croit des observateurs moscovites. La décision de prendre le risque d’une guerre commerciale avec l’Arabie saoudite et de provoquer une baisse importante des prix du pétrole brut aurait donc été prise lors de la réunion entre Vladimir Poutine et les dirigeants de l’industrie pétrolière le samedi 29 février.
 
La Stratégie Russe
 
Si tel est bien le cas, la stratégie de la Russie viserait alors deux objectifs. Le premier serait de mettre les producteurs américains en difficulté. On sait que les petites compagnies, qui produisent une partie du pétrole de schiste, ont besoin d’un prix du brut supérieur à 50, voire 60, dollars, pour pouvoir rembourser les emprunts qu’elles ont contractés envers les banques (et ces emprunts couvrent souvent 90% du capital de la société). Compte tenu des réserves accumulées, la Russie pourrait s’accommoder de prix de l’ordre de 30 $ pour une période assez longue. De tels prix mettraient les petites sociétés américaines, mais aussi les banques qui leur ont avancé l’argent, dans de grandes difficultés. Ces prix bas accentueraient la tendance baissière actuelle de Wall Street car des prix du pétrole faibles signifient aussi une chute des dépenses d’exploration et d’exploitation du pétrole, et donc une moindre valorisation pour les entreprises qui fournissent le matériel et la technologie pour ce faire.
Mais, on ne peut exclure un autre objectif, ou un effet collatéral potentiel de la Stratégie russe. L’Arabie saoudite, s’est lancée dès dimanche dans une politique très agressive de rabais sur les prix des contrats pétroliers et s’est engagé samedi dans une guerre des prix totale en réduisant les prix de son brut le plus depuis plus de 30 ans. Le géant de l’énergie saoudien ARAMCO a ainsi offert des remises sans précédent de 6$ à 8$ en Asie, mais aussi en Europe et aux États-Unis dans l’espoir d’inciter les raffineurs à utiliser le brut saoudien. Car, le pétrole saoudien est ce que l’on appelle un pétrole « lourd » qui demande un raffinage bien plus complexe que le pétrole produit par la Russie. Ces remises ont été immédiatement imitées par les autres producteurs de la région comme le Koweït et les Émirats Arabes Unis.
Le pays a désespérément besoin d’argent. Non seulement le budget saoudien est en équilibre à des prix du pétrole bien plus haut que ce dont la Russie a besoin, mais la privatisation d’une partie de la société pétrolière ARAMCO dépend étroitement de prix élevés. D’ailleurs, la valeur de l’action ARAMCO avait baissé le dimanche 8 mars de 9% à la bourse de Riyadh. En contraignant l’Arabie Saoudite de chercher des fonds par l’accroissement des volumes de production, les dirigeants russes escomptent que d’ici quelques semaines à quelques mois, la chute des prix du pétrole pourrait créer des problèmes insupportables pour Mohammed Ben Salman. D’ailleurs, ce dernier a fait arrêter il y a quelques jours trois membres de la famille royale saoudienne pour « haute trahison ». La stabilité de son pouvoir, minée par les échecs au Yémen, dans les relations avec les pays du Golfe, mais aussi éprouvée par la timide libéralisation du régime saoudien, pourrait bien être fragile.
Alors qu’Erdogan a dû venir à résipiscence à Moscou le jeudi 5 mars et accepter un accord qui est en réalité favorable au gouvernement syrien et au gouvernement russe, l’idée d’affaiblir l’autre pôle du Moyen-Orient, l’Arabie saoudite, a pu traverser l’esprit du gouvernement russe.
Quoi qu’il en soit, nous sommes entrés dans une période de forts troubles sur les prix du pétrole, troubles qui se ressentiront, et aggraveront, les effets de la crise sanitaire sur les bourses mondiales.

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Guerre du pétrole, suite…
par Denys PLUVINAGE  | Avr 6, 2020 | Nouvelles du monde  | 
 
On apprenait hier soir que la réunion (visioconférence) de l’OPEP initialement prévue aujourd’hui était repoussée à jeudi. Il est vrai que l’enjeu est important. Vladimir Poutine lui-même a parlé vendredi, d’une réduction de la production de l’ordre de 10 millions de barils/jour, au cours d’une réunion avec les principaux responsables russes. Ce chiffre n’est que légèrement inférieur à la production journalière de l’Arabie Saoudite ou de la Russie. Mais la grande question est celle de la répartition de cet effort très important. La question subsidiaire est de savoir qui a le plus de moyens de peser sur la décision finale.
Lundi dernier, le 30 avril, Donald Trump s’était résolu à appeler Vladimir Poutine et les deux présidents s’étaient mis d’accord pour que leurs ministres de l’énergie respectifs entament des discussions à propos de la décision russe de ne pas accepter la proposition de l’OPEP+ de réduire un peu plus encore la production de pétrole. De fait, Alexandre Novak et Dan Brouillette ont bien eu des discussions qui n’ont pour l’instant débouché sur rien de concret.
Le groupe nommé OPEC+ comporte, outre les pays membres de l’OPEC, un cartel de pays producteurs créé à Bagdad en 1961, la Russie, le Kazakhstan et l’Azerbaïdjan. Ce groupe produit environ la moitié du pétrole mondial.
Les Etats-Unis, qui sont devenus le premier producteur mondial de pétrole avec le développement du pétrole de schiste lancé à partir de 2010, ne font pas partie de ce groupe. Ainsi, les trois principaux pays producteurs de pétrole en 2019 étaient les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite et la Russie. Sur une production mondiale d’un peu plus de 80 millions de barils/jours, les USA en produisaient 15 millions, l’Arabie Saoudite 12 et la Russie près de 11. Le quatrième producteur, l’Irak, en produisait environ 4,5 millions.
On comprend ainsi mieux pourquoi de nombreux acteurs du pétrole en Russie, comme le patron de Rosneft, Igor Setchine, pensent que, en acceptant les réductions de production de l’OPEC, leur pays faisait le jeu des Etats-Unis. Pourquoi donc la Russie l’aurait-elle fait jusqu’à présent ? D’une part parce que son industrie pétrolière bénéficiait des prix plus élevés. D’autre part, cela lui a permis de nouer de nouveaux liens diplomatiques avec l’Arabie Saoudite, un des acteurs principaux au Moyen Orient où la Russie a décidé de jouer un rôle.
Mais, d’une part, l’arrogance américaine avait besoin qu’on lui montre des limites. Les sanctions contre Nord Stream II ont certainement joué un rôle dans la décision. Comme le fait remarquer Jacques Sapir dans un article publié sur notre site, « Le gouvernement russe est aujourd’hui en colère contre la volonté de l’administration Trump d’utiliser l’énergie comme un outil politique et économique ».
D’autre part, la situation politique en Arabie Saoudite évolue et la position de Mohammed bin Salman n’est peut-être plus si forte. On en voudra pour preuve le fait que, selon le « Wall Street Journal », il ait fait arrêter deux princes, ses cousins, le frère du roi, le prince Ahmed bin Abdulaziz al Saud et un neveu, le prince Mohammed bin Nayef. Il s’agit de personnages ayant une grande influence et qui ont été accusés de trahison pour avoir comploté contre le roi Salman et son fils Mohammed bin Salman.
D’après Pepe Escobar, journaliste brésilien, vieux routier du Moyen Orient et correspondant du « Asia Times », le timing de ces arrestations est loin d’être anodin. Bin Nayef est un homme de la CIA et le fait qu’on accuse « les Américains » de participer à un éventuel complot contre MbS, proche de Jared Kushner, signifie que l’on accuse la CIA. Pour Escobar, « ce n’est qu’une question de temps avant que le « deep state » américain ne s’en prenne à MbS avec l’aide de membres désabusés de la Garde Nationale ».
En tout cas, d’après Jacques Sapir, « l’idée d’affaiblir l’autre pôle du Moyen-Orient, l’Arabie saoudite, a pu traverser l’esprit du gouvernement russe ».
Nous ajouterons à ce tableau la situation au Venezuela où les Etats-Unis ont entamé une de leurs opérations de « changement de régime » et soutiennent le « président autoproclamé », Juan Guaido, contre le président légalement élu Nicolas Maduro. La Russie, fidèle à son habitude soutient le gouvernement élu. Les deux pays sont donc en opposition sur ce théâtre là également. Or le Venezuela a d’énormes réserves de pétrole. Les évaluations varient suivant les types de pétroles inclus dans le calcul, mais quoi qu’il en soit, il s’agit de réserves supérieures à celles de l’Arabie Saoudite. Nous connaissons la propension américaine à saisir à l’étranger ce qui leur manque, l’actualité récente nous le rappelle. Les USA ont un temps visé la filiale de Rosneft opérant dans le pays, ce qui a poussé Rosneft à vendre cette filiale au gouvernement russe. Le Venezuela a donc certainement fait partie des sujets discutés par les présidents américain et russe le 30 mars. Je n’en veux pour preuve que les déclarations de Mike Pompeo la semaine dernière qui sont équivalentes à un véritable « lâchage » de Guaido.
D’un point de vue économique, le marché du pétrole est très fragilisé par la baisse de l’activité économique consécutive à la crise du Covid19 et la baisse de consommation de pétrole qui s’en est suivie, surtout en Chine, frappée la première par l’épidémie, et dont l’activité a été extrêmement réduite pendant plus de deux mois. Donald Trump a donné des instructions pour que l’état fédéral profite de la baisse et achète de très grosses quantités de pétrole pour remonter le niveau de la réserve stratégique. Barak Obama l’avait fait avant lui en 2009, avant de revendre ces quantités en 2013. Malgré tout, les cours sont restés déprimés et surtout sur les pétroles bitumineux produits aux USA.
Ainsi, quand l’OPEC+ a de nouveau essayé d’obtenir une réduction de la production mondiale pour soutenir les cours, la Russie y a vu une opportunité à saisir pour obtenir un changement de l’organisation du marché mondial du pétrole. Sans doute aussi une revanche sur les USA qui n’ont de cesse d’imposer des sanctions visant à entraver les ventes de gaz russe en Europe dans une tentative de le remplacer par le gaz de schiste américain liquéfié, pourtant très sensiblement plus cher. Elle a donc refusé la nouvelle limitation de production, proposant de s’en tenir aux chiffres déjà négociés jusqu’à fin juin.
Il s’en est suivi une baisse moyenne de l’ordre de 50% des prix des pétroles alimentée par une guerre des prix lancée par l’Arabie Saoudite qui offre des rabais importants aux acheteurs. On peut y voir d’un côté une façon de maintenir son revenu global et de l’autre, une tentative de gagner des parts de marché. La deuxième stratégie semble aujourd’hui avoir fait long feu. Elle a tout de même eu pour résultat de mettre l’industrie pétrolière américaine en grande difficulté.
De fait, l’industrie américaine du pétrole de schiste est au bord de la faillite, alors que cette filière représente de 60 à 70% de la production pétrolière américaine. Ce n’était pas encore officiel lundi 30 mars, mais Trump le savait certainement, l’une des plus grandes sociétés américaines d’extraction de pétrole de schiste, Whiting Petroleum, qui doit faire face à une échéance de 262 millions de dollars a demandé la protection de la loi sur les faillites, le fameux « chapter 11 ».
Les sociétés pétrolières américaines sont extrêmement endettées et elles ont besoin « d’un prix du brut supérieur à 50, voire 60, dollars, pour pouvoir rembourser les emprunts qu’elles ont contractés envers les banques (et ces emprunts couvrent souvent 90% du capital de la société) » (Sapir). Ce que confirme, David Deckelbaum, analyste de la société Cowen Inc, filiale de la banque d’affaire new-yorkaise Cowen Group : « Whiting a besoin d’un prix de 50 dollars le baril pour s’en sortir ». Cette société qui avait une capitalisation boursière de 11 milliards de dollars en 2014 n’était plus valorisée qu’à 62 millions de dollars la semaine dernière. Elle est loin d’être un cas isolé aux Etats-Unis : pour Mike O’Leary, avocat associé du cabinet Hunton Andrew Kurth à Houston, « Beaucoup de sociétés du secteur vont se mettre sous la protection de la loi sur les faillites. Elles ont beaucoup plus de dettes qu’elles ne peuvent en supporter et un grand nombre d’entre elles sont maintenant au-dessus du vide ».
D’où l’appel inattendu du président américain.
Les négociations vont donc commencer rapidement. Elles seront difficiles comme le montre le premier report de lundi à jeudi. Tout le monde est d’accord pour souhaiter une remontée des cours du pétrole. Il est acquis également que cette remontée ne se fera à court terme que par une réduction de la production. Que reste-t-il à négocier ? Essentiellement la répartition des réductions de production. Chacun voudrait, évidemment que ce soient les autres qui supportent la plus grande part de ces réductions.
Mais quelles sont les « forces en présence » ?
Conscient de la faiblesse de sa position, Donald Trump, suivant sa technique maintenant bien connue, a déclenché les hostilité dimanche en déclarant que faute d’accord, il allait imposer des droits de douane dissuasifs. Son arme préférée qui fait habituellement autant de mal que de bien à l’économie américaine, mais qui, dans le monde « rêvé » dans lequel évoluent les autorités américaines actuelles, est rassurante. Et puis, c’est peut-être la seule arme non létale dont il dispose pour chercher à imposer son point de vue.
Les Saoudiens ne sont pas en position de force. Leur tentative d’augmenter leur part de marché en bradant la marchandise a échoué, mais surtout ils ont besoin de prix élevés pour maintenir le calme social dans leur pays. Le budget 2020 du royaume construit sur un cours moyen du baril à 62-63 dollars fait déjà apparaître un déficit de 50 milliards. De plus ils sont l’objet de pressions de la part du « partenaire » américain.
La Russie de son côté a profité du format OPEC+, dans lequel elle a fait d’évidentes concessions, pour finir de réorganiser sa production et reconstruire ses réserves de change. Elle est en position d’orienter fortement les discussions dans le sens qui l’intéresse. Vladimir Poutine a fait savoir qu’il était favorable aux discussions qui vont avoir lieu, il a déclaré lors de sa visioconférence avec les responsables russes du pétrole samedi, qu’il fallait effectivement envisager une baisse de production de plus ou moins dix millions de barils/jour, mais il a ajouté que les efforts devaient être supportés par l’ensemble des pays concernés. Il désignait ainsi en particulier les Etats-Unis, qui se verraient bien profiter d’une hausse des prix provoquée par une baisse de la production des autres pays producteur comme cela a été le cas jusqu’à présent, pays « indispensable élu de Dieu » oblige.
Seulement voilà, la Russie n’est plus d’accord et c’est pour cela qu’elle a refusé la dernière proposition de l’OPEC à Vienne. Afin de planter le décor, Igor Sechin, le patron de Rosneft a déclaré récemment : « Dès que le schiste américain sera éliminé, le pétrole remontera à 60 dollars ». L’objectif de Vladimir Poutine n’est évidemment pas de faire disparaître le pétrole de schiste du marché, mais les Etats-Unis vont devoir payer pour assurer sa survie.
Les producteurs américains les plus performants de ce secteur, ont besoin d’un prix de l’ordre de 45 dollars. Selon la société d’étude norvégienne Rystad Energy : « à 30 dollars le baril, le nombre de puits américains capables de dégager un bénéfice tombe de 70%, à 25 dollars, de 85% ». Les dirigeants de l’industrie pétrolière américaine, ces parangons du capitalisme pur et dur ont profité depuis quelques années d’un marché aux prix manipulés qui leur convenait bien. Ils ne peuvent pas produire dans un marché libre où l’offre et la demande fixent les prix. Ils vont donc devoir participer au système dont ils se sont contenté, jusqu’à présent, de profiter.
Mais ils auront en face d’eux un pays préparé, dont les sociétés sont toujours bénéficiaires à 15 ou 20 dollars le baril. Il est vrai que le budget russe table sur un prix moyen de 40 dollars, mais, d’après les responsables du fond souverain russe, ce dernier, qui se monte à plus de 150 milliards de dollars, permettrait de couvrir le déficit du budget pendant six à dix ans, même avec un baril à 25 dollars. Le pétrole représente aujourd’hui environ 10% du BIP russe (contre 16% en 2012).
Et n’oublions pas que Donald Trump qui doit également gérer une crise sanitaire très grave est actuellement en pleine année électorale. Une remontée importante du chômage qui ne manquerait pas de se produire si l’industrie du schiste devait trop souffrir de la situation actuelle mettrait en cause sa réélection. Nous parlerons plus tard de la crise financière qui s’annonce…