Pierre BEREGOVOY était le fils d'Adrien Bérégovoy, un capitaine "blanc" menchevik, originaire d'Izioum dans la région de Kharkov (Kharkiv) en Ukraine, immigré en France après la révolution russe.
Nous emprunterons au Journal du Dimanche du Vendredi 01 Mai 2009 un article de Jean-Luc BERTET publié sous le titre : "Bérégovoy, humain, trop humain".
Il y a seize ans, le 1er mai 1993, Pierre Bérégovoy se tirait une balle dans la tête. Le suicide, resté inexpliqué, ouvrait la porte aux spéculations. Mais, selon toute vraisemblance, l'ex-Premier ministre de François Mitterrand avait été la proie d'une profonde dépression. Le Parti socialiste dont il mettait en oeuvre la politique encore un mois plus tôt venait de subir une déroute sans précédent aux législatives [...] France 2 diffuse une fiction consacrée à Pierre Bérégovoy "Un homme d'honneur", (vendredi 1er mai. 20 H 50 ). […]
Son intégrité personnelle était [...] mise en cause. Le prêt amical, pour l'achat d'un appartement, d'un million de francs par Roger-Patrice Pelat, ami du Président et compromis dans un délit d'initiés, faisait peser sur lui un soupçon de corruption. [...] Le comédien Daniel Russo a été ravi d'incarner cet ancien ajusteur, diplômé d'un CAP et devenu ministre. […] "Le seul à sortir du peuple". C'est ce que lui rappelle sa femme: "Du gouvernement, tu es le seul à sortir du peuple […] Il y a eu les bons amis qui ont poussé à la faute, les offres qui compromettent, comme le fameux prêt de Roger-Patrice Pelat. "J'ai fait pire que de fermer les yeux. J'ai protégé les amis du Président", se reproche-t-il, le temps de la défaite et de l'isolement venus. Mais ce monde impitoyable, il a voulu en faire partie, rappelle le comédien. Pierre Bérégovoy n'est pas une victime, "il est pleinement responsable de sa position". Et c'est sans doute de cela qu'il meurt, de cette humanité consciente d'elle-même, de ses failles comme de ses devoirs.
Pour notre part, reprenons cette citation de Vladimir VOLKOFF :
«Pris la main dans le sac, le gentilhomme se suicide, un bourgeois démissionne, un politicien nie, un aventurier persévère.»
....... Mais n'omettons pas de rappeler que son "suicide" reste controversé.
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https://maitron.fr/spip.php?article16312, notice BÉRÉGOVOY Pierre, Eugène par Gilles Morin, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 21 mai 2014.
Né le 23 décembre 1925 à Deville-lès-Rouen (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), suicidé le 1er mai 1993 à Nevers (Nièvre) ; cheminot, puis cadre de Gaz de France ; membre du Conseil économique et social ; militant syndicaliste (FO puis CFDT) et socialiste ; membre du comité politique national puis du bureau national du PSU (1961 à 1967), puis du bureau national (1969-1971), du bureau exécutif (1973-1975), du secrétariat national (1980-1981) du Parti socialiste ; ministre des Affaires sociales et de la solidarité nationale (1982-1984), ministre de l’Économie (1984-1986 ; 1988-1991), ministre d’État (1991-1992), Premier ministre (1992-1993) ; maire de Nevers (1983-1993), conseiller général de Nevers-Est, député de la Nièvre (1986-1988).
À Pierre Bérégovoy, s’attachent des images fortes : celle d’un homme issu du peuple, apprenti d’origine, qui fut l’un des rares ouvriers à accéder au sommet de l’État, au XXe siècle ; celle du cheminot autodidacte, égaré dans un Parti socialiste dont les cadres étaient issus des grandes écoles et commentaient devant la presse la couleur de ses chaussettes ; celle d’un réformiste de conviction, de tradition mendésiste, l’un des premiers à oser s’affirmer social-démocrate, faisant entendre sa différence dans le Parti socialiste épris d’utopie, toujours fidèle à ses choix ; celle enfin du dernier Premier ministre socialiste de François Mitterrand, homme intègre, piégé, abandonné par les siens se suicidant un premier mai au bord d’un canal. Ces images, construites à partir des années quatre-vingt, furent parachevées lors de ses obsèques dans un discours enflammé de François Mitterrand où il exaltait « un homme honnête qui a préféré mourir plutôt que de subir l’affront du doute » et dont l’honneur et la vie ont été « livrés aux chiens ».
Pierre Bérégovoy était fils d’un officier ukrainien de l’armée tsariste, réfugié en France, devenu ouvrier, et qui tint ensuite une petite épicerie dans un quartier populaire de Sotteville-lès-Rouen, après avoir épousé une ouvrière française. Pierre Bérégovoy, aîné de quatre enfants, fréquenta l’école primaire supérieure obtint le certificat d’études en 1937 et le brevet élémentaire en 1941. Alors qu’il envisageait la carrière d’avocat, il dut interrompre ses études, son père étant tombé malade. Il passa un CAP d’ajusteur-fraiseur au lycée technique d’Elbeuf, et commença à travailler à seize ans, dans une usine de tissage de la ville, puis intégra la SNCF l’année suivante, en 1942. Dans son hommage posthume le président de la République mit ainsi en scène son ascension : « Il a suivi l’itinéraire qui va du certificat d’études au CAP d’ajusteur technique, du cours du soir aux examens professionnels, aussi bien à la SNCF qu’à Gaz de France. Il a franchi de degrés en degrés, en passant par la Résistance, le syndicalisme et l’action politique, les étapes qui l’ont conduit à cette maîtrise du savoir et du style qui lui ont permis d’exercer les plus hautes charges du pays, dont il était justement fier. »
Pierre Bérégovoy se serait intéressé à la politique sous l’influence d’un instituteur, puis, plus tard, fut profondément marqué par le Front populaire qu’il assimilait dans les années soixante-dix à un « sentiment de Libération ouvrière ». Il évoquait encore l’influence de ses oncles maternels, hommes de gauche, mais xénophobes, qui le qualifiaient de « petit russe ». Le 2 juillet 1943, il entra dans un mouvement de Résistance de la SNCF et devint militant à la CGT. Il s’engagea l’année suivante dans les FFI, pour la durée de la guerre. Déplorant alors les méthodes du PCF, il entra aux Jeunesses socialistes en octobre 1945 à Lyon, où il était soldat, puis à la SFIO en 1946. Il s’engagea immédiatement dans ses courants les plus réformistes, se prononçant pour Léon Blum et Daniel Mayer* contre Guy Mollet*, puis, après la scission des Jeunesses socialistes en 1947, devenant l’un des reconstructeurs de la fédération JS de la Seine-Inférieure. Entré au Comité national des JS, il approuva à la fin de l’année la Troisième force. L’année suivante, il était désigné secrétaire général adjoint de la fédération socialiste de Seine-Inférieure, aux côtés de Georges Brutelle* et Jean Capdeville*. Il entra, comme attaché, au cabinet de Christian Pineau*, ministre des transports de septembre 1948 à février 1950. En fait, il s’occupait de l’hebdomadaire socialiste La République de Normandie.
Pierre Bérégovoy quitta la CGT, avant même la scission de la fin 1947, et rejoignit Force ouvrière dès sa formation. Il fut membre du bureau du groupe du Comité d’action syndical de Rouen-Rive gauche, puis fondateur et secrétaire général du syndicat FO des cheminots de Rouen créé le 21 février 1948. Il fut ensuite un actif militant, à Gaz de France, entreprise qu’il intégra après son départ des cabinets ministériels. Par la promotion interne, il devint cadre, terminant sa carrière comme chef de service et directeur adjoint de sa filiale, la Société pour le développement de l’industrie du Gaz.
Pierre Bérégovoy, qui aurait refusé de devenir permanent socialiste, se détacha progressivement des positions de la direction. Hostile à la guerre d’Indochine, il approuva l’expérience Mendès France et fut hostile à la Communauté européenne de défense. Mais il demeurait discipliné. Il s’engagea résolument dans le combat contre la guerre d’Algérie. En accord avec la direction du parti dans un premier temps, à l’automne 1955, il mena des actions unitaires contre le rappel des soldats en Algérie, devant la caserne de Richepanse, se liant alors avec le communiste Roland Leroy*. Les militants lui préférèrent Tony Larue pour les élections législatives de janvier 1956, cependant, il avait été candidat aux cantonales de 1955 dans le 6e canton de Rouen, puis il le fut dans le 3e en 1958.
Secrétaire de la fédération SFIO par intérim, remplaçant Georges Brutelle, rappelé en Algérie, durant l’automne 1956, il critiqua par la suite l’action gouvernementale de Robert Lacoste* en Algérie et milita désormais dans les rangs de la minorité socialiste avec le député Jean Binot*, et au plan national avec Édouard Depreux*, Alain Savary* et Robert Verdier*. Il ne fut toutefois pas hostile dans un premier temps à la politique du parti face à Nasser, considérant dans La République de Normandie du 3 août 1956 que le leader égyptien copiait Hitler et menaçait « la paix dans le monde et aussi en Algérie où ses excitations à la haine et à la guerre risquent d’éloigner la perspective d’une solution négociée ».
Il signa la motion minoritaire, pour le congrès de Toulouse, en juin 1957 et jugeait ses camarades trop timides dans leur opposition. Dans une lettre à André Seurat d’octobre 1957, il préconisait « des prises de position énergiques » et utilisait l’expression de « groupe timide des minoritaires socialistes ». Secrétaire de la section SFIO de Rouen, il fut muté à l’automne 1957 à Paris.
Pierre Bérégovoy accompagna ses camarades minoritaires dans la scission qui vit la naissance du Parti socialiste autonome en septembre 1958. Secrétaire de la section de Versailles, il fut membre du bureau de la fédération Seine-et-Oise du PSA. Il participa à la délégation du Parti socialiste en URSS, au côté de Savary, Verdier et d’Oreste Rosenfeld*. Avec les autres membres du PSA, la majorité de l’Union de la gauche socialiste et le groupe Tribune du communisme, il contribua à la formation du Parti socialiste unifié le 1er avril 1960. Permanent de Force ouvrière, il passait alors pour l’un des spécialistes du parti en matière syndicale. Il participa ainsi au débat entre des syndicalistes du parti dans Tribune socialiste, du 30 avril 1960. Mais il fut un des premiers contestataires du parti, critique envers son orientation très à gauche. Pour le 1er congrès national du PSU d’avril 1961, il rapporta la motion d’orientation "Pour un socialisme moderne", contresignée par André Philip*, André Seurat*, les anciens mendésistes, dont Charles Hernu*, et beaucoup de Francs-maçons du parti, inquiets de l’influence des courants chrétiens issus du MLP et de l’UGS. Elle obtint 16 % des voix. Élu minoritaire au comité politique national (CPN) du PSU en avril 1961, il fit alors connaissance de Pierre Mendès France dont il devint un collaborateur direct durant une dizaine d’années, un « délégué apostolique » selon l’expression d’Alain Gourdon, avec Harris Puisais, Richard Dartigues et Charles Hernu. On le retrouve signataire de la « déclaration des 47 », essentiellement mendésistes, protestant contre l’organisation du conseil national de juin 1962 et il fut réélu au CPN en juillet 1962.
Pierre Bérégovoy fut membre successivement des sections de Clichy puis de l’Isle-Adam et candidat du parti aux élections législatives de novembre 1962 dans la 5e circonscription de la Seine-et-Oise, contre Pierre Clostermann (UNR) et André Mignot, CNI, député sortant et maire de Versailles.
Pierre Bérégovoy élu de la motion « A » au CPN, à l’issue du Congrès d’Alfortville en janvier 1963, fut désigné responsable adjoint de la commission action locale. Mais, avec les mendésistes, il se rapprocha progressivement de la direction du parti et fut élu de la motion majoritaire en novembre 1963, date à laquelle il entra au bureau national. Il collabora étroitement avec Gilles Martinet*, numéro deux de l’organisation qui normalement devait succéder à Édouard Depreux et s’adapta à l’évolution du parti et de ses amis mendésistes. Secrétaire de syndicat Force ouvrière jusqu’au 1er novembre 1963, il se rallia ultérieurement à la CFDT. Il s’affirma comme l’un des spécialistes des questions économiques du PSU et fut chargé de présenter le contre plan du parti lors d’une conférence de presse tene en novembre 1964. Il participa aux colloques socialistes organisés par Georges Brutelle en 1964, puis, surtout au colloque de Grenoble en 1966, qui tentait de faire un contre-feu à gauche à la FGDS. Mais Pierre Bérégovoy, comme Gilles Martinet, était déjà partisan du ralliement du PSU à la FGDS et, après le congrès de juin 1967 qui vit l’arrivée de Michel Rocard à la tête du parti, il se retrouva de nouveau dans la minorité, décidé à rejoindre la FGDS. Signataire du texte « le parti devant la perspective de la gauche unie » pour le congrès de 1967 dans Tribune socialiste du 27 avril 1967, il quitta le PSU en octobre 1967 et fonda, avec d’autres mendésistes, Maurice Bertrand (ex-Jeune République), Paul André Falcoz et Françoise Seligmann* notamment, le club « Socialisme moderne ». Ce club s’affilia à « l’Union des Clubs pour le Renouveau de la Gauche » (UCRG) animée par Alain Savary* et Robert Verdier* et, par cet intermédiaire, adhéra à la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) en décembre suivant. Il voulait, disait-il alors, « jeter un pont entre la Fédération et le PSU et favoriser le rapprochement des familles politiques encore séparées, avec le concours des syndicalistes et des jeunes ayant la volonté de construire une gauche moderne ». Il fut désigné comme membre de la commission « octobre » de la FGDS, chargée de donner des statuts au mouvement, au titre de l’UCRG en septembre 1968 et était suppléant de celle-ci à la commission exécutive de la FGDS, remplaçant régulier d’Alain Savary lorsque celui-ci était absent.
Lors du congrès constitutif du nouveau Parti socialiste (PS) à Alfortville en 1969, qui entérina la fusion de la SFIO, de l’UCRG, de dissidents de la CIR et de quelques radicaux-socialiste, Pierre Bérégovoy entra au comité directeur et au bureau national de l’organisation désormais dirigée par Alain Savary. Il y était plus spécialement chargé des relations sociales et syndicales. Il se montrait, en octobre 1969, pessimiste sur l’avenir immédiat de la gauche, expliquant qu’il fallait tout reprendre à la base et se prononçait pour un dialogue avec les communistes : il souhaitait définir des orientations communes publiquement, mais était réticent envers l’idée d’un programme commun. En octobre 1970, il fut chargé des relations entre le parti et la presse. Maintenu dans ses fonctions après le congrès d’Épinay en juin 1971 (tendance Savary-Mollet), il rejoignit le courant Mauroy*, puis la majorité du PS. Il symbolisa les proches de PMF qui se rallièrent à François Mitterrand, avec Charles Hernu. Il devait pourtant affronter ce dernier en 1972, lorsque dans les débats de rédaction du programme Changer la vie, il fit passer sa motion demandant la suppression de la force de frappe. Mais, s’il fut un collaborateur proche du Premier secrétaire du PS, il n’intégra jamais le cercle des intimes.
Désigné au comité permanent de liaison de la gauche pour le Programme commun en novembre 1972, Pierre Bérégovoy entra au secrétariat national du PS, en juin 1973 au congrès de Grenoble, alors que le CERES et la majorité des mitterrandistes s’éloignaient. Il fut chargé tout d’abord des Affaires sociales et des rapports avec les syndicats, puis à partir du congrès de Pau, en février 1975, des relations extérieures du parti, c’est-à-dire avec le PC et les radicaux principalement. Il fut, en 1974 un des cinq négociateurs chargés par le PS de préparer les « Assises du socialisme » qui aboutirent à l’entrée de la majorité de militants du PSU, des membres des GAM (Groupe d’action municipale) et de syndicalistes de la CFDT. En 1975, il dirigeait la délégation socialiste du comité de liaison de la gauche, chargée des contacts exploratoires avec le PC, ses homologues étaient Paul Laurent, pour les communistes, et François Loncle, pour les radicaux de gauche. Il appelait dans l’Unité de février 1975 au renforcement de l’unité à la base et à des actions communes et obtint la tenue de cent meetings communs de la gauche sur le thème de l’emploi. Il conduisait aussi le groupe de réflexion socialiste sur la réforme de l’entreprise.
Pierre Bérégovoy se chercha activement en ces années une terre d’élection. Candidat aux législatives de mars 1973 dans la 2e circonscription de la Corrèze, choisi par les militants contre Roland Dumas, il affronta sans succès Jean Charbonnel qui n’avait pas encore rompu avec l’UDR. En 1974, il envisagea de prendre la succession de Pierre Forest*, maire de Maubeuge âgé de plus de soixante-quinze ans, dans la 22e circonscription du Nord. Il s’installa dans la région l’année suivante et entra à la commission exécutive fédérale du Nord. En mars 1976, bien que n’ayant pas encore de mandat électif dans la région, il fut désigné par le conseil général du Nord pour siéger au conseil régional. Le maire de Maubeuge et son premier adjoint socialiste Jouannot s’élevèrent contre cette désignation, qualifiée par eux « d’antidémocratique » et de « parachutage ». Pierre Forest accepta de se retirer lors d’une réunion de section en octobre 1976, mais, son opposition persistant, il devait être exclu du Parti socialiste en février 1977. Pierre Bérégovoy fut candidat à la mairie de Maubeuge cette année-là, puis l’année suivante dans la 22e du Nord (Maubeuge), mais sans succès, battu par le député communiste sortant, Albert Maton qu’il avait affronté tout d’abord aux cantonales à Maubeuge-Sud, alors que Maton, élu depuis 1967, était président du groupe communiste à l’Assemblée départementale.
Principal négociateur socialiste lors de la négociation avec le PC qui exigeait « l’actualisation » du programme commun, Pierre Bérégovoy se montra intraitable avec ses partenaires communistes lors de la réunion du 14 septembre 1977, où se produisit la rupture de l’Union de la gauche, avec le retrait des radicaux de gauche et la dénonciation par le PC du refus des socialistes d’étendre les nationalisations. Mais, il récusait tout abandon par le PS de la stratégie d’Union de la gauche et soutint le premier secrétaire contre Michel Rocard, appuyé par Pierre Mauroy, au congrès de Metz en avril 1979.
Désormais, il occupait une place essentielle dans le Parti socialiste et engrangea les fruits de ses efforts. Il fut nommé membre du Conseil économique et social de 1979 à 1981 et se vit désigner comme directeur de la campagne présidentielle de François Mitterrand en 1981. Rédacteur des 110 propositions du candidat socialiste avec Jean-Pierre Chevènement et Michel Charasse, il fut nommé au poste stratégique de secrétaire général de l’Élysée en juin 1981, après la victoire électorale du 10 mai 1981. Puis, après le tournant de la rigueur, il devint à la demande de Pierre Mauroy, ministre des Affaires sociales et de la solidarité nationale de juin 1982 à juillet 1984. En mars 1983, lors de la crise monétaire, il fut de ceux qui proposèrent de sortir le Franc du système monétaire européen. Mais, discipliné, il se rallia à la position européenne de François Mitterrand et appliqua la rigueur en redressant les comptes de la protection sociale. Après le retrait d’Alain Savary et de Pierre Mauroy, il fut nommé ministre de l’Économie et des Finances dans le gouvernement de Laurent Fabius. Poursuivant la politique libérale entreprise, il stabilisa le franc, libéralisa les marchés financiers et entreprit la modernisation de la Bourse.
Pierre Bérégovoy réussit enfin un ancrage politique local en se faisant parachuter dans la Nièvre, grâce à François Mitterrand qui lui assurait une position dans son ancien fief. Élu conseiller municipal de Nevers en mars 1983, il occupa, selon un accord préalable connu des électeurs, en octobre suivant, le siège de maire de la ville, Mitterrand faisant nommer Daniel Benoist secrétaire d’État aux personnes âgées dans le troisième gouvernement Mauroy. Il sut se faire apprécier et les électeurs nivernais le réélirent au premier tour en mars 1989. En 1985, il fut élu conseiller général du canton de Nevers-Est et en mars 1986, il gagna un siège de député au Palais-Bourbon.
De nouveau directeur de la campagne présidentielle de François Mitterrand en 1988, contrairement à des rumeurs persistantes annonçant son ascension à ce poste, Pierre Bérégovoy ne fut pas nommé Premier ministre, mais il retrouva les fonctions de ministre des Finances dans le gouvernement Rocard en 1988. Ce ministère, dans la continuité de son action précédente, fut marqué par des affaires, comme le raid manqué contre la Société générale et un délit d’initié lors d’une OPA de Péchiney, dans laquelle furent impliqués des membres de son cabinet. Il restait un mitterrandiste orthodoxe, alors que se dessinait la succession du chef de l’État ; et, lorsque le courant mitterrandiste se déchira au congrès de Rennes en 1990, il fut avec Pierre Joxe l’un des principaux signataires du texte de Laurent Fabius, contre celui de Lionel Jospin, Pierre Mauroy et Louis Mermaz. En 1991, le Chef de l’État lui préféra Édith Cresson et, devant les difficultés de celle-ci, comme ministre de l’Économie et ministre d’État, il fit figure de vice-premier ministre.
Sur fond d’effondrement de son parti aux élections cantonales puis aux régionales d’avril 1992, d’une crise de régime, il apparut comme l’ultime recours, après la chute d’Édith Cresson et fut enfin nommé Premier ministre onze mois avant les élections législatives. Défendant dans son discours à l’Assemblée nationale le 8 avril la rigueur économique, « exigence de bonne gestion » selon lui, il entendait desserrer la rigueur sociale et dénonçait trois maux dont souffre la société française, le chômage, « nouvelle frontière sociale », l’insécurité et la corruption. Il eut à ce propos un long développement, évoquant, cela sera rappelé, le « règne de l’argent fou, comme si tout s’achetait ». Une courte victoire au référendum sur Maastricht ne suffit pas alors que la récession économique s’affirmait et qu’il devait faire face à la concurrence politique de Laurent Fabius et de Michel Rocard. Ce dernier emporta, provisoirement, la direction du parti. Atteint personnellement par les révélations du Canard enchaîné sur un prêt personnel d’un million de francs sans intérêt pour son appartement parisien - accordé par un ami controversé de François Mitterrand impliqué dans l’affaire Péchiney, Patrice Pelat -, il ne supporta pas la défaite électorale de mars 1993, les soupçons de corruption et l’isolement politique ; il se donna la mort le 1er mai 1993.
Marié en novembre 1948 à Gilberte Bonnet, Pierre Bérégovoy était père de trois enfants.